Brexit: banques américaines inquiètes

A deux jours du référendum britannique sur la sortie du pays de l’UE, les grandes banques américaines ont planché chacune sur un scénario catastrophe.

Le scénario des banques américaines est centré sur une réorganisation estimée à des centaines de millions de dollars, selon des sources proches du dossier.

«Nous sommes tenus au silence», répond Michael Duvally, un porte-parole de Goldman Sachs, quand on lui demande les projets européens de la puissante banque au lendemain du 23 juin en cas de victoire du Brexit – le camp anti-européen.

Cette réponse, donnée également par Bank of America et Morgan Stanley, contraste avec l’activisme dans les états-majors de Wall Street où juristes internes et cabinets d’avocats spécialisés affinent les options, indiquent à l’AFP plusieurs sources bancaires ayant requis l’anonymat.

L’accent a été mis sur l’avenir des activités de marché, en l’occurrence le courtage des produits financiers européens qui est régulé par l’UE même si les transactions sont effectuées depuis la City à Londres. En cas de triomphe du Brexit, les grandes banques américaines ne pourront plus faire des affaires au sein de l’UE en l’état, car la Grande-Bretagne serait exclue d’office du marché unique.

Pour parer à toute éventualité, très peu de sondages internes ont été conduits, assurent les sources, les banques étant échaudées après que des études d’opinions se furent trompées lors des dernières élections britanniques.

Longue journée

Pour le jour J du 23 juin, les traders chargés de négocier et d’exécuter les ordres d’achat et de vente liés aux devises ont été prévenus qu’ils allaient avoir une longue journée. Idem le lendemain. JPMorgan a déjà réservé des chambres d’hôtel à ses courtiers près de son siège. Des cellules d’appel dédiées aux communications avec des clients sont prévues.

«On attend de gros mouvements sur le marché des changes notamment concernant la livre sterling», confie à l’AFP un grand banquier.

Les cinq grandes banques américaines emploient plus de 40’000 personnes à Londres, soit davantage que dans le reste de l’Europe. Profitant du régime de «passporting rights», elles offrent conseils dans les fusions et acquisitions, courtage de devises, obligations, matières premières, émissions de titres – dans l’ensemble de l’UE avec le seul agrément du Royaume-Uni sans avoir une présence physique importante sur le reste du continent.

«Un vote britannique de quitter l’UE (et les incertitudes et volatilité qu’il engendrera) sera négatif pour les banques universelles américaines car leurs coûts pourraient augmenter et l’activité de marché devrait s’affaiblir», estiment les analystes de KBW.

Pertes d’emplois possibles

Jamie Dimon, le directeur général de JPMorgan, a averti début juin que la banque qui emploie un peu plus de 16’000 personnes au Royaume-Uni sur six sites pourrait en supprimer de 1000 à 4000, notamment dans les fonctions de back-office et les salles de marché. Morgan Stanley envisage de transférer 1000 personnes sur 6000 en poste au Royaume-Uni vers l’UE, selon une source interne.

Considérée comme une des grandes perdantes en cas de Brexit, Goldman Sachs devrait en transférer au moins 1600. Actuellement, seul près d’un millier des 6500 salariés de la firme dans la région Europe-Moyen-Orient-Afrique (EMEA) – 35% des revenus – sont basés hors Royaume-Uni.

Une réorganisation forcée devrait s’accompagner également d’une baisse des revenus, de la location ou de l’achat de nouveaux locaux ou encore de l’obtention de licences pour les nouvelles entités qui devraient en outre être capitalisées, énumèrent les analystes. Morgan Stanley pourrait accuser un recul de 9% de ses bénéfices en 2017, -8% pour Goldman Sachs et -7% pour JPMorgan, calcule KBW.

Nouveaux sites étudiés

Face aux déclarations récentes de responsables de la BCE privilégiant une présence dans l’UE pour toute banque d’investissement voulant y faire affaire, les grandes firmes américaines, qui ont financé la campagne du camp pro-européen, ont déjà procédé à des repérages de nouveaux sites à Amsterdam, Dublin, Francfort et Paris, indiquent les sources.

L’autre hypothèse explorée est de s’appuyer sur leurs succursales sur le vieux continent. C’est le cas de Citigroup, qui dispose d’une filiale importante à Dublin ou encore de JPMorgan – Francfort et Luxembourg (gestion d’actifs ).

(nxp/ats)