Carnet noir: La romancière française Benoîte Groult est décédée

La romancière française Benoîte Groult est décédée dans la nuit de lundi à mardi à l’âge de 96 ans. A travers ses livres et articles, cette écrivaine et journaliste a été l’une des grandes figures du féminisme.

«Elle est morte dans son sommeil comme elle l’a voulu, sans souffrir», a indiqué sa fille Blandine de Caunes.«Elle a eu une tellement belle vie.».

Benoîte Groult était venue à l’écriture à la quarantaine. Après avoir fait ses gammes avec sa soeur Flora («Le Journal à quatre mains», «Le Féminin pluriel», et «Il était deux fois»), elle avait signé seule un premier roman, «La Part des choses», en 1972.

Trois ans plus tard, à 55 ans, Benoîte Groult avait publié «Ainsi soit-elle», un essai virulent sur la condition imposée aux femmes. Ce livre-manifeste était devenu un éclatant succès de librairie avec un million d’exemplaires vendus et de multiples traductions.

Jamais assez belle

Benoîte Groult est née le 31 janvier 1920 à Paris de parents plutôt mondains. Son père est décorateur. Sa mère, soeur du couturier Paul Poiret, est styliste. La célèbre féministe grandit donc dans une famille fantasque. Elle est sans cesse rabaissée par une mère qui ne la juge ni jamais assez belle, ni jamais assez brillante.

Professeur de lettres puis journaliste, Benoîte Groult mène la vie d’une jeune femme de son époque et de son milieu social. Elle a eu trois maris, dont le journaliste Georges de Caunes et l’écrivain Paul Guimard, et trois filles.

«Citoyenne de seconde zone»

«Je me sentais une citoyenne de seconde zone, absente au monde et j’ai effectivement mis du temps à me réveiller», expliquera-t-elle plus tard. Elle dit être devenue féministe en 1968, au contact d’autres femmes, dont «les confidences et les doléances étaient les mêmes que les miennes». Membre du jury du prix Femina, elle participe à la fondation d’un mensuel féministe, «F Magazine». Elle en sera l’éditorialiste jusqu’en 1982.

En 1984, elle est chargée par Yvette Roudy, la ministre socialiste des droits de la femme, de présider la Commission de terminologie pour la féminisation des noms. «Quand il n’y a pas de mots pour nous, c’est que nous n’existons pas», expliquait-elle. Elle se heurte à l’opposition de l’Académie française et se fait traiter de «précieuse ridicule».

Sujets tabous

D’une plume alerte, mordante, elle écrit ensuite plusieurs romans dont «Les Trois-quarts du temps» (1983), récit attrayant dénonçant la phallocratie. Elle rédige ensuite «Les Vaisseaux du coeur» (1988), une histoire d’amour qui sera un autre succès de librairie. «C’est par l’écriture que je me suis construite de livre en livre», expliquera-t-elle.

En 2006, avec «La Touche étoile», elle s’attaque à un autre tabou, la vieillesse et la mort librement consentie. Elle défendait l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD). «Le refus de la naissance choisie et de la mort choisie, c’est la même idéologie contre la liberté», disait-elle.

En 2008, elle publie son autobiographie, intitulée «Mon évasion» où elle confie qu’avec le recul, elle a «l’impression d’avoir vécu une interminable course d’obstacles». En 2013, elle publie une biographie de la révolutionnaire française Olympe de Gouges, pionnière du féminisme français.

Hommages

«Avec Benoîte Groult disparaît une belle et grande figure du féminisme», a affirmé le président français François Hollande, en lui rendant hommage. «Par ses livres comme par ses engagements, elle a guidé et accompagné la conquête de chacun des droits qu’elle revendiquait pour les femmes, à commencer par celui de disposer de son corps».

«Toutes ses oeuvres, ses romans comme ses essais, témoignent qu’être féministe, c’est raconter le monde avec la volonté de rendre visible ce qui est invisible : les avortements clandestins, les mutilations sexuelles, la misogynie, le déclin de la vieillesse…», a abondé la ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol.

(nxp/ats)