France: Hamon, au nom du «renouveau» socialiste

 

Quasi-quinquagénaire à la silhouette de jeune homme, Benoît Hamon, politicien de carrière du parti socialiste français, s’est tracé un solide sillon depuis son entrée en campagne pour la primaire de la gauche. Il vient de surgir en tête du premier tour, devant l’ancien Premier ministre Manuel Valls.

«J’ai entendu : Benoît Hamon il n’est pas présidentiable, non, mais, rendez-vous compte… face à Trump !». En meeting, il s’amusait, jouait de son image d’outsider mais y croyait: «Notre heure est arrivée!».

Un brin condescendant, le patron du parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis avait d’ailleurs prévenu que la «surprise» pourrait venir du «petit Benoît» à la primaire de la gauche. En effet: il a même réussi à devancer Manuel Valls avec 36% des voix au premier tour contre 31%.

«L’outsider sans expérience s’envole»

«Voici que grâce à un programme imaginatif et altermondialiste, l’outsider sans expérience s’envole. Le petit chose est devenu un grand machin», résumait jeudi le directeur de la rédaction du quotidien Libération Laurent Joffrin.

Il y a quelques mois, hors de sa circonscription législative de la région parisienne, ce Breton de 49 ans, qui a passé une partie de son enfance à Dakar, était surtout connu pour avoir été ministre de François Hollande. Il avait ensuite claqué la porte en 2014, en désaccord avec les orientations économiques du président, à ses yeux trop libérales. Exit celui que l’on surnommait «la caution de gauche» du gouvernement.

«Image d’homme d’appareil»

Les plus informés lui faisaient crédit d’une loi passée sans coup férir qui a renforcé les droits des consommateurs (action de groupe au civil, résiliation d’assurance facilitée…) alors qu’il était à l’Économie sociale et solidaire et à la Consommation.

Les plus narquois notaient qu’il avait ensuite été le seul ministre de l’Éducation nationale à jeter l’éponge avant même sa première rentrée scolaire. Ou épinglaient ses 25 ans au coeur de l’appareil socialiste: il y adhère en 1987, devient en 1993 président Mouvement des Jeunes socialistes, puis porte-parole du parti en 2008.

Auprès de l’hebdomadaire Marianne, qui n’hésite pas à le décrire comme un «combinard», l’intéressé reconnaissait lui-même en novembre cette «image d’homme d’appareil» plutôt méritée.

Salle comble

Pendant la campagne, ses meetings ont fait salle comble, avec un public plutôt jeune, altermondialiste, en quête d’une «autre politique» ou d’un «vrai socialisme». Les trois débats télévisés organisés pendant la campagne express de la primaire lui ont permis de percer.

À coups de propositions imaginatives, ce licencié d’histoire, fils d’un ouvrier devenu ingénieur et d’une secrétaire, entend refaire «battre le coeur» (son slogan) de nombreux désillusionnés. Il se refuse de restreindre le discours aux questions de «sécurité, fermeté, identité» et impose ses thèmes au coeur de la campagne.

Souvent décriées, raillées, les propositions de ce «bosseur» – selon ses proches – ont fait couler beaucoup d’encre: le revenu universel d’existence, la possibilité pour une minorité de citoyens de proposer une loi ou de la bloquer, la transition écologique…

Il fustige «la course à la croissance», préfère la «tempérance», veut «encourager» la réduction du temps de travail et, surtout, «changer le rapport au travail» dans un monde en plein bouleversement numérique.

«Une voie»

Incarnation «d’une sorte de gauche pure et parfaite», ironise le quotidien de droite le Figaro. «Gauche utopique», renchérit l’hebdomadaire de gauche l’Obs.

Benoît Hamon rétorque qu’il propose simplement «une voie»: «Elle n’est pas vraie»; vous pouvez la trouver juste ou pas. C’est une voie«. Et il prévient qu’il ne sera pas »l’homme providentiel«, une notion à ses yeux »irresponsable«.

Côté vie privée, ce père de deux filles, reste plutôt discret, à la demande de sa compagne, dit-il. Celle-ci est cadre supérieure chez LVMH, le groupe de luxe.

(nxp/ats)