Présidentielle française: Guerre des ralliements et des projets

 

A huit jours du second tour de la présidentielle française, le centriste Emmanuel Macron et sa rivale Marine Le Pen livrent bataille pour convaincre les Français de leurs projets aux antipodes l’un de l’autre. La candidate du Front national (FN) a annoncé qu’elle nommera l’ex-candidat Nicolas Dupont-Aignan premier ministre si elle est élue.

Sur fond de menace d’abstention d’une partie des Français déçus de l’affiche finale pour le 7 mai après l’éviction des partis traditionnels et de la gauche radicale, la cheffe de l’extrême droite tente d’élargir son socle électoral pour faire mentir les sondages. Tous la donnent largement battue.

Après le soutien vendredi du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan (4,7% des voix au premier tour), elle a annoncé samedi vouloir le nommer premier ministre en cas de victoire. Celle qui mène depuis des années une stratégie de normalisation de son parti fondé en 1972 a justifié ce choix au nom du «patriotisme» et du «projet commun» défendus par le chef du parti anti-européen «Debout la France».

C’est la première fois que le FN, aux idées anti-immigration et anti-Europe, obtient le soutien d’un candidat issu d’un parti se réclamant du général Charles de Gaulle, président de 1959 à 1969.

«C’est un jour historique, car nous faisons passer les intérêts de la France avant des intérêts personnels et des intérêts partisans», a assuré M. Dupont-Aignan, 56 ans, qui a multiplié dans le passé les critiques à l’encontre du FN.

Une «combine», attaque Macron

Emmanuel Macron a dénoncé «une combine d’appareil, qui a vocation à régler les problèmes de crédibilité de Mme Le Pen, qui (…) n’a pas d’équipe autour d’elle, et les problèmes de financement de M. Dupont-Aignan».

Ce dernier a insisté vendredi sur le fait que l’accord scellé ne comportait pas la prise en charge de ses frais de campagne présidentielle.

Le compromis comporte six «engagements», marquant autant d’amendements au projet du FN, notamment concernant la fin de l’euro en tant que monnaie unique, qui n’est «pas un préalable à toute politique économique».

Le soutien à l’extrême droite du député de l’Essonne a entraîné la démission de plusieurs responsables de «Debout la France», et la colère d’habitants de la ville dont il est le maire en région parisienne, qui ont manifesté au cri de «Dupont démission».

«Courte échelle»

Dans les rangs de la droite, le député Jean-François Copé a dénoncé «une immense faute politique et morale». Le secrétaire général du parti Les Républicains (LR) Bernard Accoyer a estimé que le souverainiste a «perdu son honneur» en rejoignant «ceux qui ont toujours combattu le gaullisme».

Marine Le Pen a parallèlement tendu la main aux électeurs du tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, en les appelant vendredi à «faire barrage» à Emmanuel Macron. Jean-Luc Mélenchon, qui a obtenu plus de 19% des voix au premier tour, s’est refusé à donner une consigne de vote à ses partisans, tout en affirmant qu’il ne voterait pas pour le FN le 7 mai. La presse française n’était pas tendre samedi avec le chef de «La France insoumise», accusé avec cette stratégie de «faire la courte échelle» à l’extrême droite.

Appels plus pressants

Dans ce contexte tendu, les appels à voter Macron se font plus pressants de la part de responsables politiques des partis de droite et de gauche. L’ex-premier ministre de droite Alain Juppé a ainsi de nouveau exhorté les électeurs à voter pour le centriste, «le seul le 7 mai à pouvoir éviter à la France le malheur du FN».

Le président sortant François Hollande (PS) a lui mis en garde, samedi à Bruxelles à l’issue d’un sommet européen, contre «le risque majeur» de la présence de l’extrême droite à l’Elysée, accusant le FN de «masquer son projet» de sortie de l’UE

Fidèle à sa ligne «ni de droite ni de gauche», Emmanuel Macron a de nouveau exclu toute «coalition» avec la droite ou le parti socialiste s’il est élu président. Il a évoqué dans le quotidien conservateur «Le Figaro» «une refondation de la vie politique qui verra des socialistes et des Républicains me rejoindre individuellement».

(ats)