Le contrat signé avec Total est une erreur (Mamadou Sy Tounkara)

 

Le président de Total s’est glorifié d’avoir signé un contrat pétrolier et gazier au Sénégal avec « un Premier ministre, ministre de l’Energie en une après-midi ». Ceci est manifestement une erreur de la part de notre Gouvernement pour trois raisons.

La première est qu’un contrat de ce type doit nécessiter beaucoup plus de temps car il y a plusieurs considérations : le juridique, l’économique, le financier, le fiscal et l’écologique, pour le moins. Le Premier ministre n’est ni juriste, ni économiste, ni financier, ni fiscaliste, ni écologiste. Il est juste un administratif-politicien. Tous les spécialistes de ces domaines devaient intervenir en amont, qu’assez de temps leur soit donné pour travailler sérieusement à ce que les intérêts des Sénégalais présents et futurs soient préservés et optimisés.

La deuxième erreur est de signer un contrat avant que le Comité d’orientation stratégique du Pétrole et du Gaz (COS-PETROGAZ) ne soit fonctionnel. Il avait été créé par le décret présidentiel n°2016-1542 du 03 août 2016. Il n’a pas commencé à travailler.

La troisième erreur consiste à contracter avec une entreprise qui a largement fait ses preuves dans les énergies en Afrique centrale. Le bilan de Total y est tout simplement catastrophique. Les économies de ces pays tels que le Gabon et le Congo ne s’en sont guère senties mieux, des miettes sont rentrées dans les caisses des Etats et l’environnement a payé un très lourd tribut. Une entreprise comme Total ne recule devant rien pour ses intérêts : elle est citée dans nombre de scandales de corruption, de coups tordus et de foyers de tensions attisés. Ses méthodes en Afrique sont parfaitement bien connues et elles ne sont guère dans l’intérêt des Africains. Le Sénégal n’a pas les moyens de faire jeu égal avec Total dans le domaine de l’Energie. Nous serons bel et bien grugés, trompés et roulés dans le pétrole et le gaz par Total.

Deux choses permettent d’optimiser ses ressources en énergies : les capitaux et le savoir-faire. Nous avons le savoir-faire ou nous pouvons l’acheter; nous n’avons pas encore les capitaux. Soyons patients en décrétant un moratoire de dix ans sur notre pétrole et notre gaz. N’y touchons pas avant dix ans en attendant d’apprendre suffisamment et de réunir les capitaux nécessaires pour leur exploitation par et pour nous. Faisons ce pari avec la génération à venir et évitons ceux-là qui sont les vecteurs et les pourvoyeurs de la malédiction du pétrole.

Mamadou Sy Tounkara