[CONTRIBUTION] Journée du 28 MAI : Dialogue national autour de quoi et avec qui ?

 

 

Le Samedi 28 Mai 2016 le Chef de l’Etat avait convié toutes les forces vives de la nation au Palais de la République autour d’un dialogue national suite au referendum de mars 2016.

Un an après, je voudrais soulever ces quelques questions à l’endroit des différentes parties prenantes mais aussi de l’opinion publique.

  • Ya t-il eu des termes de références clairs et partagés sur le contexte, la justification, les objectifs, les cibles, la méthodologie et les résultats attendus du dit dialogue ?

  • Quel bilan et quels enseignements faudrait il en tirer ?

  • Ya t-il un dispositif de mise en œuvre et de suivi évaluation des différentes recommandations et conclusions issues du dialogue ?

  • Quelle est la pertinence de l’institutionnalisation de la date du 28 mai comme journée du dialogue national ?

  • Peut-on confiner le dialogue et la concertation à une date et un lieu précis ?

A quelques jours de la tenue de cette 2e édition qui logiquement devrait se tenir le dimanche 28 Mai 2017, 2e jour du mois de ramadan et si le principe et le même format son retenus, peut on s’attendre cette année à un dialogue inclusif, sincère et constructif ?

Le contexte actuel est marqué par une rupture du dialogue et l’absence de concertations et de consensus sur certaines questions majeures entre l’opposition et le pouvoir et ceci depuis l’avènement de la seconde alternance en 2012.

Cependant, des problématiques majeures nécessitent un dialogue entre les différentes parties prenantes et à tous les niveaux (national et local).

Parmi tant d’autres on peut en citer : les élections législatives, la gouvernance des ressources minérales, l’état de droit, la reddition des comptes ou les règlements de compte, le sous emploi des jeunes, les violences et agressions multiformes, les grands projets de l’état, la pauvreté etc.

Deux points essentiels retiennent mon attention et nécessitent un dialogue et un consensus fort

  1. Gouvernances des ressources minérales

Le dernier referendum de Mars 2016 avec l’article 25 de la constitution a conféré de nouveaux droits constitutionnels aux citoyens  réaffirmant que les ressources naturelles appartiennent au peuple sénégalais qui y ont un droit de regard.

Le débat sur la gouvernance des dites ressources ne doit pas être une affaire de spécialistes ou entre le pouvoir et l’opposition mais doit faire l’objet d’un débat public citoyen, clair, objectif et constructif.

Pour ce 1er point, je voudrais en tant que militant actif de la société civile adresser ces quelques questions ouvertes à l’Etat sénégalais à qui, le peuple a confié la gestion de ces ressources et à l’opinion publique :

  • Est ce que les clauses des différentes conventions signées entre l’ancien et l’actuel régime et les sociétés minières gazières et pétrolières sont rendues publiques comme le prévoit la loi N° 2012 -22- du 27 décembre 2012 portant code de transparence dans la gestion des finances publiques ?

  • Il faut rappeler que la loi 2012-22 en son article 4.6 prévoit que les contrats signés entre l’Etat et les entreprises d’exploitation des ressources naturelles et les entreprises exploitant des concessions de service public sont clairs et rendus public tant sur la procédure d’attribution du contrat que sur le contenu.

En plus, le code pétrolier de 1998 (article 17 et 34) et le nouveau code minier de 2016 (article 117) prévoient la divulgation des conventions.

  • Pourquoi les bonus de signature (non prévus par le code pétrolier) ont été encaissés par Petrosen et non reversés au trésor public ( Cf rapport ITIE 2014) ?

  • Ya t-il des bonus de signature proposés ou versés par Petrotim, Kosmos, Total et les autres compagnies avant la signature des contrats ?

  • Quelles sont les raisons objectives du désaccord entre le chef de l’Etat et son ex Ministre de l’énergie ayant abouti à la démission/ limogeage de ce dernier?

  • Comment sont gérés et dépensés les revenus issus du secteur extractif ?

  • Est ce que les 49 milliards issus du contentieux avec Arcelor mittal ont été effectivement dépensés comme indiqués dans le rapport ITIE 2014 (10millards pour la deuxième université de Dakar , 10Millard pour l’université du Sine Saloum ,2millards financement d’edifices religieux etc…..) ?

  • Pourquoi les cimenteries ne reversent par les 10% de part gratuite à l’Etat ?

  • Quelles sont les limites de la concession d’exploitation des ICS et pourquoi cette société ne paye pas de redevances à l’Etat sénégalais ?

  • Combien gagnent les entreprises qui exploitent nos ressources minérales ? Et combien l’Etat perd en termes d’exonérations fiscales et douanières ?

  • Est-ce une opportunité ou une menace en diversifiant les différents investisseurs dans le secteur géo-extratif (Américains,français, australiens, anglais ,russes , chinois …) ?

  • Est-ce que le Sénégal est suffisamment prêt pour une exploitation responsable et judicieuse de ses ressources minérales qui sera profitable à toute la Nation (aussi bien les générations actuelles et futures)

Je termine ce 1er point par se féliciter et rappeler que l’ITIE publie des rapports annuels qui fournissent des informations fiables et exhaustives sur les paiements des entreprises et les revenus de l’Etat issus du secteur extractif.

Je me permets également de faire ces quelques recommandations pour que nos ressources minérales soient une bénédiction et un levier de croissance et de développement durable :

  • Rassurer le peuple sénégalais sur la gouvernance de ces ressources

  • Promouvoir la transparence dans toute la chaine de valeur

  • Veiller à une exploitation responsable et respectueuse des droits humains.

  • Garantir la répartition équitable des revenus générés par l’exploitation des ressources minérales

  • Inclure l’Assemblée nationale et le Comité national ITIE dans le processus d’octroi des contrats

  • Avoir une démarche inclusive et participative dans la réforme en cours du code pétrolier.

  • Mettre en place un cadastre pétrolier, à l’image du cadastre minier

  • Doter les ministères des Mines et de l’Energie de ressources humaines, logistiques et financières pour mieux assurer le respect et le suivi des dispositions contractuelles des opérations minières, gazières et pétrolières .

  • Avoir une réglementation claire et stricte sur les cessions, transferts, bonus

  • Adapter le cadre législatif et réglementaire aux principes et exigences de l’ITIE

  • Mettre en avant le patriotisme et le sens de l’intérêt général au dessus des intérêts individuels et des investisseurs étrangers

Quant au second point qui focalise l’attention de tous c’est la tenue des élections législatives le 30 juillet 2017.

Ces élections se tiennent dans un contexte particulier avec trois 3 forces majeures : la coalition au pouvoir, les coalitions de l’opposition et les indépendants ou autres acteurs de la société civile.

Le seul point qui vaille un consensus fort, c’est la tenue d’élections libres, apaisées et transparentes et pour cela tous les acteurs sont interpellés.

A mon humble avis, il faut respecter les règles du jeu :

  • Veiller à la transparence et à la fiabilité du processus électoral.

  • Eviter les violences multiformes pré et post électorales.

  • Bannir et dénoncer l’achat de conscience et la corruption électorale sous toutes ses formes.

  • Que le Chef de l’Etat par ailleurs chef de parti ne batte pas campagne pour sa coalition même sous forme déguisée car il n’est pas candidat aux législatives.

  • Que les chefs religieux gardent leur équidistance et évitent les consignes de vote souvent inopérantes.

  • Que la presse soit aussi équidistante, libre et objective

  • Que les citoyens retirent leurs cartes d’électeurs et aillent voter librement

Si nous voulons avoir une assemblée nationale qui puisse opérer une vraie rupture et répondre aux attentes du peuple il faut à mon avis :

  • Elire des députés intègres, patriotes, compétents et représentatifs

  • Revoir le système de la parité mécanique

  • Prévoir des indemnités de sessions basées sur la présence physique

  • Doter les futurs députés d’assistants parlementaires

  • Avoir des députés du Peuple en mettant la Patrie avant les partis comme une réalité et non un slogan

  • Réfléchir sur la possibilité d’avoir des parlements locaux dans le cadre de la phase 2 de l’acte III avec les futurs pôles territoriaux

En conclusion j’invite solennellement le Chef de l’Etat qui occupe le fauteuil présidentiel et non le canapé présidentiel ( logique des coalitions) a créer les conditions d’un dialogue permanent, sincère et constructif entre toutes les forces vives de la nation quelle que soit l’issue des élections législatives et ainsi dissocier le temps du développement qui doit prendre le dessus sur le temps des élections et du mandat.

Abdou Aziz DIOP / Coordonateur du Forum civil à Thiès / Coordonateur Antenne PCQVP/Sénégal à Thiès

Email : moulaydabakh64@yahoo.fr