[CONTRIBUTION] Concours général et paquet, quelle équité !

 

A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. La dernière cérémonie solennelle de distribution de prix du concours général, nous a inspiré cette petite et modeste réflexion en guise de contribution.

Loin de nous l’idée de remettre en cause cette belle compétition éducative oh combien importante ! Nous voulons juste tirer la sonnette d’alarme, attirer l’attention de l’autorité et lancer des pistes de réflexion avec tous les acteurs du système. Nous pensons même mieux, aller dans le sens d’organiser des concours généraux régionaux, départementaux, …sous forme de phases éliminatoires. Le grand voyage vers l’équité pourrait commencer par ces petits pas pour donner la chance au maximum d’élèves d’obtenir ne serait qu’un petit prix au moins durant leur cursus scolaire.

Pour le chef de l’Etat, la mise en place du Programme d’amélioration de la qualité, de l’équité et de la transparence (Paquet) qui se décliné en trois phases : 2013-2015 ; 2016-2020 et 2021-2025 et les orientations des assises de l’éducation et de la formation, ainsi que la concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur et de la recherche, visent la refonte de l’école publique pour en faire «une école de la réussite» mais une réussite pour tous et non pour une catégorie d’enfants.

Le concours général, est l’un des moments forts de la célébration de l’excellence pour les autorités de l’école, les enseignants, les parents et les élèves. Mais tel que organisé aujourd’hui, il ne donne aucune chance aux lycéens de Badafassi, de Salémata ou de … d’obtenir même un accessit. Je rêve de voir ou d’entendre qu’un élève de Fongolémi soit un jour le meilleur élève des classes de Terminale et le meilleur élève du Concours général et que le 1er prix de mathématiques, de physique et de philosophie soit décerné à un élève de Saraya.

Ce jour-là, cet élève, ses professeurs, ses parents, l’administration de son établissement, pourront triompher avec gloire.

Nous avons puisé nos exemples dans la belle région de Kédougou, région qui a guidé nos premiers pas d’instituteur mais ce qui est valable pour Kédougou l’est aussi pour Sédhiou, Kolda, … En tout cas la nature a été très clémente et généreuse envers ces régions, ne soyons pas donc chiches envers leurs enfants.

Si on visitait l’histoire et qu’on interrogeait les statistiques de ce concours, on se rendrait compte que ce sont pratiquement les mêmes établissements qui reviennent chaque année en tout cas pour l’essentiel.

C’est pourquoi ce n’est plus un évènement qu’un élève de la Maison d’Education Mariama Ba, du lycée Thierno Seydou Nourou Tall ou du Prythanée militaire Charles Ntchoréré de Saint Louis, remporte un prix à ce concours. A force de continuer dans cette lancée, on assistera plus à un concours général mais un concours pour quelques établissements parce que même si certains continuent à y participer c’est juste pour être de simples figurants. Si on sait les critères de sélection pour accéder à ces établissements, les conditions de travail de ces élèves, l’environnement scolaire, l’expérience de ces professeurs, les pères de ces élèves, on devrait même donner des demandes d’explications si le cas contraire se produisait. En tout cas il se pose une question d’équité. Comment peut-on accepter d’évaluer dans un même format des élèves qui n’ont pas les mêmes curricula et les mêmes profils ? Est-ce-que cette évaluation n’est pas biaisée dès le départ ? Aujourd’hui, vue la manière dont ce concours est organisé, est-ce-que les principes fondamentaux pour toutes les évaluations, consistant à mettre un accent particulier sur la notion d’équité comme le veut le PAQUET sont pris en compte ? Est-ce- que nous donnons les mêmes chances à tous les élèves évoluant dans un même pays et dans un même système ? La réponse à ces interrogations laisse penser le contraire.

En tout cas pour garantir une égalité de chances à tous les candidats à cette compétition, il urge de revoir les règles de jeux. Les élèves issus de familles modestes ont aussi droit à ce sésame. Aidons-les à apporter ces bourses, ces prix, ces cadeaux, ce plaisir dans leur famille respective et évitons que des établissements raflent presque tous les prix mis en compétition et chaque année. Ainsi les concours passeront et ne se ressembleront pas. Dans une course de vitesse ou de fond tous les concurrents prennent départ sur la même ligne. A quoi bon de participer à une course de 1000m où certains sont dès le coup de sifflet à un mètre de la ligne d’arrivée. A cela, s’ils viennent se greffer encore des fuites ou de la fraude, à quand des prix pour les fils des «badolos » ?

Les concours généraux préconisés  : nationaux, régionaux, départementaux…peuvent contribuer à promouvoir le repositionnement stratégique de la qualité  dans la perspective d’offrir une éducation et une formation alliant  : qualité et équité, efficacité et inclusion , réduction de la marginalisation et de la pauvreté, intégration régionale et continentale, le tout orienté vers l’Objectif de Développement Durable numéro 4 de l’Organisation des Nations Unies :« Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie » 2015 à 2030, un engagement pour les 193 pays de l’ONU dont le Sénégal.

Ces phases éliminatoires au niveau CODEC, District, IEF, IA, lutteront contre la déperdition scolaire qui est actuellement un phénomène en forte croissance et une menace pour l’avenir aussi bien des enfants que de la société. Ses conséquences favorisent le gaspillage en ressources financière, matérielle mais également en perte de temps. En tout cas sans le bagage intellectuel fourni par l’école, l’avenir de la société est compromis.

En définitive, l’éducation a le potentiel d’accélérer les progrès vers la réalisation de tous les Objectif du Développement Durable et une voie sûre vers l’émergence.

Inspecteur Ablaye Niom, IA de Tambacounda/