Tambacounda: le village de Bambadika, un terroir pourvoyeurs d’émigrés.

 

Fondé en 1904, Bambadika est une localité située à une soixantaine de kilomètres de Tambacounda. Aujourd’hui, malgré son importante communauté d’émigrés, le village continue de souffrir de son enclavement mais aussi de l’absence d’infrastructures et d’équipements socio-économiques de base.

Bambadika et ses baobabs séculaires, ses rizières, ses champs de maïs et de mil… De loin, une forêt luxuriante cache de son rideau vert les habitations. En période de saison des pluies, cette localité située à une soixantaine de kilomètres de la ville de Tambacounda vit au ralenti à cause de son enclavement. La vie y serait très difficile sans la piste de production au couleur du couchant qui relie Bambadika à la commune de Missirah. Pourtant on y accède, à bord d’un véhicule, à moins d’une heure de route. Cela, après avoir traversé une bande de forêt encore vierge où coulent l’eau douce des marigots.

En cette matinée dominicale, un calme olympien règne dans ce village. Seules quelques personnes sont visibles à l’ombre d’une grande case en paille servant de place publique. Une bonne partie des habitants est dans les champs. Ici, seules quelques antennes de télévision et des panneaux solaires permettent de ressentir une certaine modernité. Il n’y a pas de réseau téléphonique encore moins de l’électricité. Difficile d’imaginer ce que serait ce village sans sa communauté d’émigrés éparpillée un peu partout à travers l’Europe dont la France, l’Italie, l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne.

Bambadika compte environ 80 émigrés pour une population de 1500 âmes. L’impact de ces expatriés dans la localité se sent nettement. En atteste d’ailleurs, le contraste observé dans l’architecture des habitats. Sur place, les constructions modernes côtoient des maisons en paille. Dès notre arrivée, nous sommes accueillis par Seiba Dramé, le chef du village. Ce sexagénaire a succédé à son père, El Hadji Thierno Dramé, qui aura dirigé ce village depuis qu’il a 10 ans. M. Dramé revient fraichement des champs. La sueur est encore visible sur son front. Il a l’air fatigué, mais une certaine quiétude se lit sur son visage. Seiba Dramé a fait 29 en Europe avant de rentrer au pays natal pour s’occuper de ses champs. Aujourd’hui, son âge ne lui permet plus de rester à l’étranger. C’est pourquoi, il y a amené 4 de ses frères pour continuer l’aventure et s’occuper de la famille Dramé.

« Le village dépend en grande partie de ses émigrés. Ces derniers se sont organisés en association pour essayer d’apporter leur contribution dans le développement économique et social de notre localité », explique M. Dramé. Selon lui, c’est l’Association des émigrés de Bambadika, qui a construit la mosquée du village. Actuellement, poursuit-il, cette association est sur le point de terminer la construction du poste de santé ainsi qu’une maternité. Toutefois, le chef du village invite l’Etat à trouver les ressources humaines nécessaires pour la gestion de ce poste de santé, une fois que le chantier sera terminé. « Nous voulons que les autorités nous affectent une sage-femme et un infirmier pour s’occuper de la santé des populations », plaide le chef du village.

Les émigrés, premiers investisseurs
Aujourd’hui, depuis 5 à 6 ans, renseigne Seiba Dramé, la crise économique qui secoue l’Europe a nettement impacté sur la contribution des émigrés dans la vie économique et sociale du village. « Ce n’est plus comme avant. Toutefois, les familles des émigrés essayent de s’adapter tant bien que mal à la crise», soutient le sexagénaire.

C’est en 1904 que Bambadika a été fondé par des Diakhanké venant du royaume du Boundou. Dans la structuration sociale du village, souligne l’Imam El Hadji Diahaby, les Dramé s’occupaient de tout ce qui a trait à l’administration. De leur côté, les Diahaby étaient chargés des questions de spiritualité. « Depuis toujours, c’est eux qui dirigent les prières. L’iman est choisi parmi les Diahaby », renseigne-t-il. A présent, même si le village continue d’être majoritairement peuplé par des Diakhanké, il commence toutefois à se métisser avec l’arrivée d’autres ethnies à l’image des peuls de la Guinée. Le chef de village se félicite de symbiose et cette entente qui constituent l’un des nouveaux atouts de la localité.

A Bambadika, l’agriculture reste la principale activité qui occupe les populations. Le village doit sa survie à la vaste étendue des terres arables. Mais, notent les populations, la mise en place d’une forêt classée dans la localité limite l’accès à la terre. Pis, souligne le chef du village, depuis deux ans, une partie de la forêt fait l’objet d’un déboisement perpétué par des gens venus des régions du centre du Sénégal. « Ce que nous ne comprenons pas, c’est le fait qu’on autorise certains à couper le bois de la forêt alors qu’on interdit aux villageois d’y cultiver », s’interroge Seiba Dramé. Dépourvu d’infrastructures et d’équipements socio-économiques de base, ce village séculaire continue de réclamer une route goudronnée qui permettra de le relier directement à Missirah. Mais également l’élargissement du réseau hydraulique ainsi que l’électrification de la localité. A ce chapelet de plaidoiries s’ajoute le raccordement du village à un réseau téléphonique pour davantage le permettre de se désenclaver.

Par Eugène KALY, Ibrahima BA (texte) et Assane Sow (photo) / lesoleil.sn /