Manque d’infrastructures de base, de réseaux routiers… A Ranérou, l’enclavement freine le développement des potentialités.

 

Malgré sa position de zone à vocation sylvo-pastorale, ses nombreuses potentialités, ses marchés hebdomadaires très populaires, Ranérou Ferlo, un département riche de ses exceptions, souffre de son enclavement. Cette situation plombe les opportunités de développement de la zone et handicape les populations qui endurent moult difficultés liées notamment à l’absence de couverture sanitaire suffisante, d’infrastructures de base, de réseaux routiers dignes de ce nom, de moyens de transport adéquats.

Traversé par la RN 3 sur un linéaire de plus de 150 km, Ranérou offre l’apparence d’une ville tranquille. Le voyageur qui emprunte régulièrement cet axe ne peut imaginer les trésors dont elle dispose, notamment son couvert forestier, ses sites naturels, éparpillés sur ses 15 708 km2. Mais en échangeant avec les populations, une autre image émerge : celle d’un département pauvre, qui souffre en silence. Longtemps plongé dans l’anonymat le plus absolu, Ranérou-Ferlo fait partie de ces localités déshéritées du pays. Le quotidien de sa population est caractérisé par la dureté de la vie, le manque de moyens les plus élémentaires et la pauvreté alors que ce territoire regorge de potentialités insoupçonnées.

Érigé en département en 2002, Ranérou Ferlo, considéré comme le territoire le plus vaste de la région (plus de la moitié de la région de Matam), est limité au nord par Matam, au sud par Linguère, à l’Est par Tambacounda et Koumpentoum et au nord-est par Podor et Louga. Et la particularité de Ranérou Ferlo, selon le préfet Amadoune Diop, est qu’il est un département classé à 88 %. Seuls 12 % sont des zones de terroir dans ce département qui compte un seul arrondissement (Vélingara Ferlo) et quatre communes : Ranérou Ferlo, Houdallaye, Louguéré Thiolly et Vélingara Ferlo qui, à une certaine époque, appartenait au département de Linguère, avant d’être rattaché depuis 2002 à celui de Ranérou.

L’enclavement est l’inconvénient le plus décrié dans ce département. Outre la RN3, la piste latéritique qui va mène à Vélingara Ferlo et celle de Younouféré-Nakara-Louguéré Thiolly en cours de construction, ce département de dispose d’aucune autre piste de production. Ce qui explique son enclavement interne et rend difficile l’accès à certains établissements humains. À cet enclavement viennent s’ajouter la vétusté et l’insuffisance des moyens de transport. En temps normal, l’accès aux localités comme Vélingara, Louguéré Thiolly, Thionokh, Houdallaye, Salalatou, Thionokh, Naouré, Namary est des plus difficiles. Un véritable périple s’impose aux populations pour se déplacer d’une zone à l’autre. Pour les malades, les personnes âgées et les femmes, ces déplacements demeurent pénalisants eu égard à l’importance des distances à parcourir. La situation devient pire avec l’hivernage qui charrie son lot de difficultés. Pendant cette période, les pistes déjà détériorées subissent de plein fouet les aléas des pluies. La circulation automobile est inexistante, isolant ainsi plusieurs localités du chef-lieu de département.

Cet enclavement limite ainsi les déplacements des populations vers les zones d’échanges, notamment les marchés hebdomadaires de Ranérou, situé le long de la route nationale, Vélingara, Louguéré Thiolly, Dendoudy, Bembem, etc. Malgré son aura, le « louma » (marché hebdomadaire) de Ranérou qui se tient tous les lundis ne profite guère à la commune, selon Souleymane Gallo Ba. Pour ce conseiller municipal, ce marché hebdomadaire n’a pourtant rien à envier à ceux de Galoya (Podor) et de Orkadiéré (Kanel). Pour M. Ba, il se pose un problème d’organisation pour la collecte des taxes. Ce qui, à son avis, constitue un manque à gagner énorme.

Un département riche et pauvre
Avec une vocation pastorale par excellence, Ranérou ne manque pas d’atouts pour se développer. La population est très mobile du fait de la transhumance. Selon le préfet, le département accueille beaucoup de transhumants qui viennent de Kaolack, Podor, Matam et même de la sous-région. « Le département est la principale réserve de fourrages du pays. Ce qui fait qu’il reçoit beaucoup de bétails en provenance de ces régions », précise Amadoune Diop.

Dans le domaine de l’élevage, note le préfet, les efforts de l’État sont très louables. Amadoune Diop reste toutefois convaincu que pour davantage développer ce secteur, il faudrait promouvoir d’autres domaines d’activités. « Ce qui manque à notre élevage, c’est l’innovation. Il est adossé au pastoralisme alors qu’aujourd’hui, le défi c’est la production de lait et de viande », affirme-t-il. Pour la production de lait, relève-t-il, l’État est en train de faire des efforts à travers l’importation des races à haut potentiel de production de lait et de viande, mais également dans l’insémination artificielle et l’accompagnement. Toutefois, Amadoune Diop déplore un manque d’appropriation par les acteurs de l’insémination artificielle. « Ils sont obligés de s’adapter pour refaire un autre type d’élevage », soutient le préfet qui croit que des efforts restent à faire dans la production. « Une laiterie qui ne collecte du lait que trois mois sur douze risque de ne pas être rentable », précise Amadoune Diop qui milite pour plus de stabulation pour une grande production laitière.
Ranérou est aussi riche de deux réserves de faune (Ferlo nord et Ferlo sud) et d’une réserve de biosphère. D’ailleurs, renseigne le préfet, l’Etat, dans sa politique de valorisation de la faune, a créé l’enclos de Katané (voir ailleurs). « C’est une exception dans notre département », dit-il. La conviction du chef de l’exécutif départemental est que Ranérou Ferlo dispose des potentialités touristiques et particulièrement le tourisme de découvertes et cynégétique à faire valoir à travers le monde. Mais Ranérou est encore à la traîne à cause de son enclavement têtu.

Au plan géographique, Ranérou occupe une position assez stratégique et centrale par rapport au reste de la région. « Nous sommes à 80 km de Galoya (Podor). Les populations de cette ville viennent au marché hebdomadaire de Ranérou. Elles empruntent des voies informelles pour s’y rendre », explique-t-il. La réalisation de cette piste pourrait faciliter le déplacement des usagers entre les deux départements (Podor et Ranérou). Ce qui permettrait à Ranérou de jouer son rôle au plan économique et développer l’économie locale, estime le préfet.

D’ailleurs, informe le préfet, le Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc) prévoit, dans le cadre du désenclavement du département, la réalisation de la piste allant de la RN3 à Louguéré Thiolly en passant par Nakara-Younouféré. De même, la route allant de la Rn3 à Vélingara Ferlo sera refaite. Il serait aussi intéressant, selon le préfet, de réaliser la route Vélingara Ferlo-Thionokh (village situé à quelques kilomètres de Koungheul). « Avec la réalisation de ce tronçon, les usagers pourront se rendre facilement à Tambacounda », assure le préfet. Dans le même sillage, souligne-t-il, la réalisation de la RN7, Ourossogui-Tambacounda, permettra de rapprocher davantage le nord et le sud-est du pays.

L’éclaircie dans la grisaille
Contrairement à ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas d’eau au Ferlo, la réalité est tout autre. En plus de la vallée du Ferlo (Lac de Guiers-Matam) qui traverse cette zone, il y a également les pertes d’eau dont la majeure partie inonde Matam. L’aménagement des mares du Ferlo pourrait, de l’avis du préfet, permettre de conserver le plus longtemps possible les eaux de pluie ; ce qui pourrait être bénéfique à la faune sauvage et permettrait de recréer l’écosystème. À travers le Programme Pasa Loumakaf, note le préfet Amadoune Diop, deux mares pastorales sont en train d’être aménagées dans le département (à Vélingara Ferlo et à la Réserve de faune du Ferlo nord). « Avec ces mares, on peut même envisager la pisciculture et l’arboriculture », ajoute-t-il.

Le Ferlo, c’est aussi un écosystème très fragile qui fait face à de sérieuses menaces. « Ce qui sauve cette zone pour le moment, c’est l’enclavement interne », affirme Amadoune Diop. Le désenclavement de la zone, dit-il, va inciter les populations à s’installer. S’il n’y a pas une anticipation à ces éventuelles formations forestières et à l’encadrement des populations pour une utilisation rationnelle des ressources, renseigne le préfet, il y aura des conséquences néfastes sur la biodiversité.

L’éclaircie dans la grisaille est à mettre à l’actif du secteur de l’éducation. Même si le taux de scolarisation est faible, les élèves ont un bon niveau, soutient le préfet. Aussi, à l’en croire, Ranérou a toujours les meilleurs résultats de la région à tous les examens scolaires avec un taux de réussite à plus de 50 % au baccalauréat, 84 % au Bfem. « Beaucoup d’efforts ont été consentis par les enseignants et les élèves », se réjouit M. Diop selon qui les progressions dans ce secteur sont freinées par les « conditions de travail très difficiles » des enseignants. Malgré ces difficultés et l’enclavement, note l’autorité préfectorale, le corps professoral et les apprenants font tout leur possible pour avoir de bons résultats.

Contrairement à ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas d’eau au Ferlo, la réalité est tout autre. En plus de la vallée du Ferlo (Lac de Guiers-Matam) qui traverse cette zone, il y a également les pertes d’eau dont la majeure partie inonde Matam. L’aménagement des mares du Ferlo pourrait, de l’avis du préfet, permettre de conserver le plus longtemps possible les eaux de pluie ; ce qui pourrait être bénéfique à la faune sauvage et permettrait de recréer l’écosystème. À travers le Programme Pasa Loumakaf, note le préfet Amadoune Diop, deux mares pastorales sont en train d’être aménagées dans le département (à Vélingara Ferlo et à la Réserve de faune du Ferlo nord). « Avec ces mares, on peut même envisager la pisciculture et l’arboriculture », ajoute-t-il.

Le Ferlo, c’est aussi un écosystème très fragile qui fait face à de sérieuses menaces. « Ce qui sauve cette zone pour le moment, c’est l’enclavement interne », affirme Amadoune Diop. Le désenclavement de la zone, dit-il, va inciter les populations à s’installer. S’il n’y a pas une anticipation à ces éventuelles formations forestières et à l’encadrement des populations pour une utilisation rationnelle des ressources, renseigne le préfet, il y aura des conséquences néfastes sur la biodiversité.

L’éclaircie dans la grisaille est à mettre à l’actif du secteur de l’éducation. Même si le taux de scolarisation est faible, les élèves ont un bon niveau, soutient le préfet. Aussi, à l’en croire, Ranérou a toujours les meilleurs résultats de la région à tous les examens scolaires avec un taux de réussite à plus de 50 % au baccalauréat, 84 % au Bfem. « Beaucoup d’efforts ont été consentis par les enseignants et les élèves », se réjouit M. Diop selon qui les progressions dans ce secteur sont freinées par les « conditions de travail très difficiles » des enseignants. Malgré ces difficultés et l’enclavement, note l’autorité préfectorale, le corps professoral et les apprenants font tout leur possible pour avoir de bons résultats.

De Nelbi à Ranérou !
Au commencement, c’était le village de Nelbi ! Aujourd’hui, c’est Ranérou Ferlo. Et Nelbi n’est plus qu’un quartier dans la vaste commune de Ranérou.

Nelbi. Ce nom ne renvoie pas à grand-chose pour bon nombre de personnes au Ferlo ou encore du reste du pays. Mais Nelbi qui est aujourd’hui un quartier de Ranérou, antérieur à Ranérou. Selon certains, c’est même l’un des plus anciens villages du Ferlo, Ranérou étant créé bien après. En 2002, les deux hameaux ont été fusionnés pour donner naissance à la commune de Ranérou Ferlo. Pour Souleymane Gallo Ba, conseiller municipal, par ailleurs secrétaire municipal par intérim de la commune, Nelbi est le premier village du Ferlo, fondé par Mody Aly. Ce dernier avait, selon lui, quitté le village de Naba, près de Pété Boyo, au rythme des razzias d’alors à la recherche de ses troupeaux. Arrivé à Nelbi, il s’est installé en creusant un puits, le premier dans tout le Ferlo. C’est bien après que Ranérou a été créé.

Au fil du temps, dit-il, Ranérou est sorti de l’ombre pour devenir plus célèbre que Nelbi. C’est pourquoi on entend peu Nelbi, sauf les habitants de cette zone. Selon le secrétaire municipal par intérim, Ranérou est en train de faire sa mue comparée à 2002, année de la création du département et de la commune. « La ville a connu une mutation spectaculaire grâce, selon lui, au changement de mentalité, de comportement, de mode de vie, à l’avènement de l’électricité, d’Internet, de la mairie, etc. », se réjouit-il.

Aujourd’hui, les préoccupations des populations restent l’eau et l’extension du réseau électrique dans le périmètre communal. La politique de la mairie, selon M. Ba, s’appuie essentiellement sur l’eau, l’électricité, la santé et l’éducation. « Pour satisfaire ces besoins des populations, nous procédons chaque année à des extensions électriques et à des adductions d’eau. D’importants moyens ont été, à cet effet, dégagés grâce à l’appui du Programme national de développement local (Pndl) », précise le secrétaire municipal par intérim. Pour le démarrage du centre de santé de référence de Ranérou, indique-t-il, la mairie, avec l’appui du Pndl, a dégagé une enveloppe de 19 millions de francs Cfa pour le raccordement électrique de la structure sanitaire, sans compter celle de 14 millions de francs Cfa destinée à l’extension du réseau hydraulique de la ville. Pour l’éducation et la santé, la maire ne lésine pas sur les moyens pour obtenir des résultats satisfaisants, fait-il observer.

Pour un rapprochement des structures sanitaires
Outre l’enclavement, Ranérou souffre du déficit criant d’infrastructures sanitaires de base avec seulement un centre de santé de référence et 14 postes de santé. « Si nous faisons le rapport avec le nombre de la population, nous pourrons avoir beaucoup de satisfaction », apprécie-t-il, tout en plaidant pour une plus grande proximité des services sanitaires. La création d’un autre centre de santé pourrait être, à l’en croire, envisagée. Seulement, « augmenter le nombre de postes de santé ne veut nullement dire se rapprocher des populations ». À côté de cela, le centre de santé de Ranérou manque également de personnel, même s’il est bien équipé. Pour certaines spécialités, le patient est obligé de se rendre à Ourossogui pour se faire soigner. « Si quelqu’un a une fracture, il est obligé d’aller à Ourossogui, alors que le centre de santé de Ranérou dispose d’un bloc opératoire », déplore-t-il, non sans ajouter les difficultés qu’éprouvent les ambulanciers qui sont dans des zones reculées au moment d’évacuer des urgences.

Pour le préfet, il faut une « stratégie spéciale » de rapprochement des infrastructures sanitaires aux usagers. Il a ainsi saisi l’occasion pour faire un plaidoyer pour le renforcement du personnel soignant du département pour soulager les populations qui parcourent de longues distances et qui dépensent beaucoup d’argent pour avoir des soins. « Il y a une nécessité de réfléchir sur le système sanitaire du département pour une plus grande satisfaction des populations », soutient-il.

Au rang des contraintes, Ranérou présente le taux de malnutrition le plus élevé de la région. Cette situation résulte du fait de l’enclavement. Les populations se nourrissent principalement de lait et du mil et cela crée un déséquilibre alimentaire. Il s’agira, pour le préfet, de réaliser des périmètres maraîchers autour des points d’eau avec l’accompagnement des partenaires.

Par Samba Oumar FALL, Souleymane Diam SY (textes) et Mbacké BA (photos) / leoleil.sn /