Catalogne: Puigdemont appelle à des indépendantistes unis

 

Résolu à rester dans le jeu politique en Catalogne, le président destitué Carles Puigdemont, replié à Bruxelles pour échapper à des poursuites de Madrid, a appelé samedi à l’unité des indépendantistes aux élections du 21 décembre.

L’initiative a été reçue avec réticence par les principaux leaders séparatistes, divisés sur la pertinence de constituer un front commun pour ce scrutin convoqué par Madrid qu’ils jugent «illégitime» et auquel tous n’ont pas encore décidé de participer.

Sous la menace de poursuites pour rébellion, sédition et détournement de fonds publics notamment, M. Puigdemont et quatre membres de son gouvernement déchu sont visés par un mandat d’arrêt européen émis vendredi par une juge madrilène.

M. Puigdemont s’est dit vendredi soir «disposé» à être candidat aux élections convoquées par le Premier ministre espagnol Mariano Rajoy, qui a destitué l’exécutif catalan et placé la région sous tutelle quelques heures après la proclamation de la «République de Catalogne» le 27 octobre.

Il assure pouvoir mener campagne depuis l’étranger et en dépit du mandat d’arrêt dont la justice belge doit se saisir dans les prochains jours. L’éventuelle remise de M. Puigdemont à l’Espagne pourrait prendre jusqu’à trois mois, soit bien après le 21 décembre, s’il utilise les voies de recours à sa disposition. Son avocat Paul Bekaert a déjà prévenu que son client ferait appel si la justice belge faisait droit au mandat d’arrêt.

Se considérant comme le «président légitime» des Catalans, M. Puigdemont, dont le parti de la droite indépendantiste est en difficulté dans les sondages, a exhorté samedi à resserrer les rangs face aux formations anti-indépendance.

«Le moment est venu pour tous les démocrates de s’unir. Pour la Catalogne, pour la liberté des prisonniers politiques et la République» proclamée dans cette riche région du nord-est espagnol, a-t-il écrit sur son compte Twitter.

L’ancien journaliste renvoie dans son tweet vers une pétition en ligne appelant à la constitution d’une «liste unitaire» indépendantiste, qui avait recueilli près de 35.000 signatures samedi à la mi-journée.

Le camp indépendantiste remobilisé

Indignés par la mise sous tutelle de leur région, déconcertés par le départ à Bruxelles de M. Puigdemont, les indépendantistes semblaient se remobiliser depuis l’inculpation et l’incarcération jeudi à Madrid de huit membres du gouvernement démis, dont le vice-président Oriol Junqueras.

Un neuvième – qui avait démissionné avant la proclamation de la «République» – a été inculpé mais libéré sous caution. Ils jugent ces incarcérations «politiques» et disproportionnées, faisant valoir le caractère «pacifique» de leur mobilisation et du référendum d’autodétermination interdit du 1er octobre.

Face au constat d’une indépendance restée virtuelle, les condamnations de la «répression» de l’Etat espagnol et les appels à la libération des responsables emprisonnés se substituent aux mots d’ordre sécessionnistes,, à l’approche du 21 décembre dont les indépendantistes espèrent faire un plébiscite contre Madrid.

Une unité encore hypothétique

Si les partis «unionistes» se présentent en ordre dispersé, l’unité des «souverainistes» catalans est tout autant hypothétique. M. Puigdemont appartient au PDeCAT (Parti démocrate européen catalan, conservateur indépendantiste) qui a gouverné en coalition avec la gauche indépendantiste (ERC, Gauche républicaine de Catalogne) entre 2015 et leur destitution le 27 octobre.

Or les dissensions entre les deux alliés ont été très vives ces derniers mois et ERC, favori des élections selon les derniers sondages, se présente en position de force alors que les mêmes sondages placent le PDeCAT en 4e ou 5e position.

Dans un article rédigé dans la perspective de son incarcération et publié vendredi, le leader d’ERC, Oriol Junqueras, a dit sa préférence pour des listes séparées. «Que chaque parti s’efforce de réaliser le meilleur résultat possible et que l’unité d’action et une stratégie concertée soient ce qui nous rassemble, dans le respect de toutes les sensibilités», a-t-il écrit.

Informée de l’appel à l’unité de M. Puigdemont aux élections, la numéro deux d’ERC, Marta Rovira, a esquivé: «Nous devons les gagner, et c’est ce que nous ferons», a-t-elle simplement dit.

Un autre parti indépendantiste, La Candidature d’unité populaire (CUP, extrême gauche) se réunissait samedi à Perpignan, dans le sud de la France, pour décider ou non d’y aller. Les partis souhaitant se présenter en coalition ont jusqu’au 7 novembre inclus pour se déclarer.

Après des coupures de routes et de voies ferrées vendredi, aucune mobilisation populaire n’était annoncée samedi en Catalogne, sinon une action symbolique de supporters du FC Barcelone qui n’entreront dans le stade du Camp Nou qu’à la 10e minute du match de championnat contre Séville. Une grande manifestation pro-indépendance est annoncée à Barcelone pour le 11 novembre.

(nxp/afp)