La pêche illégale, des contrats de pêche, une situation de surpêche, les moyens de surveillance dont le Sénégal dispose sont, entre autres, les points forts de l’entretien avec le Dr Ibrahima Cissé, responsable de la campagne des océans pour Greenpeace Afrique.
Où en êtes-vous avec la lutte contre la pêche illégale, notamment des bateaux chinois ?
Il n’y a pas seulement des bateaux chinois, il y a beaucoup de bateaux. C’est vrai que les Chinois sont plus visibles, mais il y a d’autres nationalités qui pratiquent aussi cette pêche. En fin d’année 2016, on a préparé un projet qui s’appelle espoir en Afrique de l’Ouest. C’était une expédition avec un bateau Greenpeace qui s’appelle Esperanza. Avec ce bateau, on a fait les pays de la commission sous-régionale, excepté la Gambie qui était en crise politique. On a fait le Cap-Vert, la Mauritanie, la Guinée-Bissau, la Guinée Conakry, la Sierra -Léone et le Sénégal. Dans ces différents pays, on a parcouru les espaces maritimes, les zones économiques exclusives, vu un peu les activités dans ces zones. Cela nous a permis pour quatre pays, en l’occurrence la Guinée-Bissau, la Guinée, la Sierra-Léone et le Sénégal, de faire une surveillance conjointe avec les autorités qui ont en charge de cette question. Greenpeace a mis les moyens, à savoir son bateau, un hélicoptère, des drones et une surveillance satellitaire. Tout a été mis à disposition. En collaboration avec les autorités, on a pu faire une surveillance de quelque 37 navires dont 13 en infraction, des bateaux qui ont été arrêtés et qui ont payés des amendes. Pour le Sénégal, on a eu deux cas et en Guinée 4 cas. Dans ces quatre pays, on a arrêté au moins 11 bateaux dans un espace d’une vingtaine de jours. Ça a été des moments très forts parce que cela a permis de montrer que nos Etats n’avaient pas les moyens ou ne mettaient pas en œuvre tout ce qui est nécessaire pour pourvoir couvrir toutes leurs zones économiques exclusives pour veiller à l’application et au respect des réglementations qui sont en cours.
Quels sont les poissons qui pourraient intéresser tous ceux qui aspirent à des contrats de pêche ?
En tout cas, les accords sur le principe doivent être signés sur la base des ressources qui ne sont pas exploitées et qui ne sont pas sous menace et ne mettent pas en jeu les besoins des populations. Il n’y a pas seulement le Sénégal, il faut tenir compte de tous les pays non côtiers comme le Burkina et qui s’approvisionnent dans les pays côtiers, entre autres le Sénégal et la Mauritanie. Par contre, ces populations de l’Afrique de l’Ouest vivent essentiellement des ressources, pélagiques à savoir la sardinelle, etc. Ce sont des ressources qui contribuent réellement en grande partie à assurer les besoins des populations en protéines d’origine animale, notamment le poisson. Il est moins cher et fait que les populations les plus pauvres peuvent avoir des protéines animales pour avoir des compléments alimentaires. Les ressources pélagiques doivent contribuer à la sécurité alimentaire. Ils ne doivent pas faire l’objet d’accord. S’y a des accords, c’est sur d’autres ressources comme le thon…
Est-ce qu’il n’y aura pas une situation de surpêche avec tous ces contrats de pêche réels ou à venir ?
Ce n’est pas viable. Au Sénégal, on est autour de 20 mille pirogues, on a des usines qui ont de la peine à s’approvisionner en poissons. On a une population qui n’est pas assez servie en poissons. On sait que la ressource se fait rare et les études ont montré qu’actuellement, il y a une surpêche et une surexploitation des ressources. Avec tout cela, on ne peut pas se permettre de signer des accords encore, d’autant plus que notre flotte industrielle est assez importante pour exploiter ces ressources-là. Je ne vois pas en tout cas où est-ce qu’on a une possibilité d’exploiter une ressource non exploitée au Sénégal. L’actualité nous montre qu’on a des incidents avec la Mauritanie. Il y a tellement de problèmes que je ne vois pas l’opportunité ou la possibilité de signer un accord avec des navires chinois. Si à un certain niveau les stocks de sécurité sont décimés, il n’y aura pas de poissons.
Le Sénégal a-t-il les moyens de protéger ses côtes ?
Le Sénégal a un département avec des inspecteurs très compétents. Il faut que ces départements soient dotés de plus de moyens et que ça soit une surveillance continue. Il faut qu’on arrive à harmoniser les sanctions, les réglementations par les pays, au moins avoir un système de contrôle et de surveillance sous-régional. Quand un bateau est en infraction, il doit payer très fort. Quand on a tout cela, on met de la transparence sur tous les accords qui sont signés. Cela permet d’avoir une pérennité des activités de pêche dans la sous-région. Le Sénégal devrait encourager cette collaboration entre les États parce que si demain un pays côtier signe des accords avec la Chine, le Sénégal est impacté. L’intérêt pour tous ces pays et même pour la stabilité, c’est d’arriver à avoir une même politique de pêche.
Propos recueillis par Zachari BADJI / rewmi.com/