Le pape François arrive au Bangladesh.

 

Après une étape diplomatiquement périlleuse en Birmanie, le pape François arrive jeudi au Bangladesh voisin, terre d’exode de centaines de milliers de réfugiés rohingyas dont le spectre plane sur son voyage en Asie.

Nation de 160 millions d’habitants parmi les plus pauvres de la planète, particulièrement vulnérable au réchauffement climatique, le Bangladesh fait face depuis trois mois à l’exil massif de Rohingyas de Birmanie.

Plus de 620’000 membres de cette minorité musulmane y ont afflué depuis fin août pour échapper à ce que l’ONU considère comme une épuration ethnique menée par l’armée. Ces populations miséreuses s’entassent dans des camps de tentes grands comme des villes, où la survie est conditionnée aux distributions de nourriture.

Paroissienne, sans voix

Cette crise humanitaire parmi les plus graves de ce début de XXIe siècle forme la toile du fond de la tournée du souverain pontife. Ce dernier atterrira à Dacca à 15h locales (10h) où il séjournera jusqu’à son décollage pour Rome samedi après-midi.

Jeudi matin, il a célébré une ultime messe avec de jeunes Birmans à Rangoun, suivie par quelques centaines de croyants en tenue traditionnelle ou habits du dimanche.

Pour la minuscule communauté de quelque 380’000 catholiques bangladais, cette visite papale – la première depuis Jean Paul II en 1986 – est une source d’immense fierté.

Paroissienne de l’église du Saint-Rosaire à Dacca, construite par des missionnaires augustiniens au XVIIe siècle, Topoti Doris se dit «sans voix» à l’idée que le Saint-Père se rendra samedi dans son lieu de culte.

«Je ne peux pas expliquer avec des mots, c’est quelque chose que vous ressentez au fond de vous», confie-t-elle à l’AFP pour décrire sa joie.

Délégation rohingya

Les prises de position de Jorge Bergoglio sur la crise humanitaire des Rohingyas sont très attendues au Bangladesh. Le pape Argentin s’est ému à plusieurs reprises ces derniers mois du sort de ces parias «torturés et tués en raison de leurs traditions et de leur foi».

Mais diplomatie oblige, le pape n’a pas abordé frontalement la question lors de ses escales à Rangoun et Naypyidaw. Le clergé local lui avait déconseillé de prononcer le mot «Rohingya», tabou dans ce pays qui considère cette minorité comme étrangère.

Soucieux de ne pas mettre le feu aux poudres d’une opinion publique chauffée à blanc par le nationalisme et remontée contre les critiques de la communauté internationale, le souverain pontife s’est contenté d’allusions aux violences contre les Rohingyas.

Il n’ira pas dans les camps

Sera-t-il plus explicite au cours de cette seconde partie du voyage ? «Sa prise de position au Bangladesh dépendra largement de son expérience en Birmanie. Il ne voudra pas embarrasser quiconque», a déclaré à l’AFP le père Kamal Corraya, porte-parole de la communauté catholique au Bangladesh.

Au Bangladesh, François ne se rendra pas dans la région des gigantesques camps dans le sud, à une heure d’avion de Dacca. Il rencontrera en revanche vendredi une délégation de réfugiés rohingyas, événement qui s’annonce comme l’un des temps forts de ces trois journées.

Le pape «doit être notre pont. Il doit demander nos droits, notre citoyenneté (en Birmanie). Sinon de telles visites ne servent à rien», a jugé Azim Ullah, Rohingya résidant au camp de Balukhali.

Souvent pauvres et analphabètes, les Rohingyas dans leur immense majorité ignorent tout de l’existence du pape.

Prêtre disparu

À l’approche de l’arrivée du chef de l’Église catholique, les autorités ont renforcé la sécurité dans la capitale, où le pape jésuite âge de 80 ans célèbrera notamment une messe en plein air.

La disparition d’un prêtre depuis lundi soir dans l’ouest du Bangladesh, vraisemblablement enlevé, suscite des inquiétudes localement. Les policiers se sont dits jeudi «presque certains» que cette affaire n’est pas liée à l’extrémisme islamiste.

Le Bangladesh est confronté ces dernières années à une recrudescence d’attaques djihadistes . Des individus ont tué à l’arme blanche des étrangers, des blogueurs athées et des membres de minorités religieuses, dont des chrétiens.

Mais la brutale répression sécuritaire, consécutive à l’attentat dans un café de Dacca à l’été 2016, semble avoir affaibli ces mouvements.

(nxp/afp)