Alabama: Victoire démocrate, Moore «attend un signe de Dieu»

 

Le candidat démocrate au Sénat dans l’Etat de l’Alabama, Doug Jones, a réussi l’exploit de se faire élire mardi dans ce bastion conservateur, rapportent les médias américains. Il a infligé indirectement une défaite au président américain Donald Trump, qui avait soutenu son adversaire.

Doug Jones, un ancien procureur fédéral de 63 ans, a battu le républicain Roy Moore, un ancien magistrat ultraconservateur chrétien, dont la campagne a été minée par des accusations d’attouchements sur mineures. Sa victoire va priver le parti au pouvoir d’un précieux siège à la chambre haute du congrès des Etats-Unis.

«Merci l’Alabama!» a tweeté le sénateur élu, qui a mené campagne sur le plan moral en promettant aux habitants de l’Alabama qu’il ne leur ferait pas honte à Washington. Il s’était fait connaître en faisant condamner des membres du Ku Klux Klan, qui avait incendié une église noire, tuant quatre fillettes.

Félicitations de Trump

Dans un message sur Twitter, le président américain, pour lequel l’Alabama a voté à plus de 62% lors de l’élection présidentielle de novembre 2016, a félicité Doug Jones pour une «victoire âprement acquise». Il a ajouté que les républicains auraient très rapidement l’occasion de reconquérir ce siège. Le président n’a toutefois pas eu un mot pour son candidat, Roy Moore.

Immédiatement, la victoire a été accueillie par une avalanche de félicitations démocrates. «Le pays n’oubliera pas que l’Alabama a voté pour l’espoir, et que M. Trump s’est rangé du côté d’un agresseur sexuel présumé d’enfants qui voulait ramener l’Amérique en arrière», a écrit le sénateur Chris Van Hollen.

«Vous ne pouvez prétendre être le parti des valeurs familiales tant que vous accepterez des hommes ignobles comme Roy Moore», a déclaré le président du parti démocrate, Tom Perez.

Après dépouillement de 99% des bulletins, Doug Jones dispose d’une avance de 1,5 point sur Roy Moore. Ce dernier a refusé dans l’immédiat de reconnaître sa défaite. Il a souligné que le dépouillement n’était pas terminé et qu’un nouveau décompte pourrait être organisé en cas d’écart inférieur à 0,5 point. «Quand le vote est si serré, ce n’est pas terminé», a lancé l’ancien magistrat dans une courte intervention devant ses supporters à Montgomery, après plusieurs heures d’attente. «Nous devons attendre un signe de Dieu», a-t-il dit.

Deuxième échec de Trump

Le revers est très personnel pour le président des Etats-Unis, qui avait appelé ses partisans, malgré les accusations portées contre M. Moore, 70 ans, à la loyauté au nom de la poursuite de son programme de réformes. Jamais depuis 1992 un démocrate n’avait été élu sénateur dans cet Etat du Sud.

M. Trump avait fait fi des allégations contre Roy Moore dans le but de conserver ce siège, afin d’améliorer les chances d’adoption, à court terme, de la grande baisse d’impôts en train d’être examinée au congrès.

C’est la deuxième mauvaise soirée électorale pour le président en un mois. En novembre, les démocrates ont remporté plusieurs scrutins pour des postes de gouverneurs ou d’autres sièges locaux.

Désormais, la majorité sénatoriale sera de 51 sièges sur 100, réduisant sa marge de manoeuvre au quasi-minimum. Pour le parti républicain, la défaite de leur candidat est aussi, paradoxalement, un soulagement, car elle lui évite d’avoir à gérer le cas Moore.

Soulagement chez les républicains

Le chef du Sénat, Mitch McConnell, avait prévenu que Roy Moore, en cas d’élection, ferait immédiatement l’objet d’une enquête de la commission éthique de la chambre haute du congrès – une enquête qui aurait risqué de diviser le parti, a fortiori si la commission recommandait l’exclusion.

A l’exception notable de Donald Trump, la plupart des élus républicains avaient coupé les ponts avec Roy Moore après la publication de témoignages de femmes, afin d’éviter d’être sali par association. Ils s’étaient toutefois attiré les foudres des forces anti-establishment, emmenées par Stephen Bannon, l’ex-conseiller de la Maison-Blanche qui est en guerre ouverte contre les chefs du parti républicain.

Les couteaux étaient déjà sortis mardi, à droite, notamment contre Stephen Bannon, qui a fait émerger Roy Moore au moment de la primaire, contre un candidat de l’establishment républicain.

«Je voudrais simplement remercier Steve Bannon pour nous démontrer, comment l’on peut perdre l’Etat le plus rouge (républicain) de l’union», a tweeté, sarcastique Josh Holmes, l’ancien bras droit de Mitch McConnell.

Before we get the results, I’d just like to thank Steve Bannon for showing us how to lose the reddest state in the union and Governor Ivey for the opportunity to make this national embarrassment a reality– Josh Holmes (@HolmesJosh) 13 décembre 2017

David French, un auteur conservateur, avait un autre qualificatif amer pour le stratège populiste: «un génie».

(nxp/ats)