Atelier sur l’« Esthétique de la parole » : La revue de presse en wolof et ses dérives passées à la loupe.

 

Le département de Philosophie de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) a abrité, hier, un atelier sur l’esthétique de la parole. Abordant le thème, « De l’écrit à la parole : la revue de presse et les mécanismes du Ngëwele », les participants ont indiqué que les « Revueurs » de la presse en wolof cherchent souvent à choquer, à amplifier qu’à donner la bonne parole.

Le département de Philosophie de l’Ucad a lancé, ce mercredi, une série d’ateliers autour de thèmes sociaux destinés aux étudiants en Master 2, ouvert au public. Pour ce premier exercice, précédant d’autres prévus chaque premier mercredi du mois, l’esthétique de la parole a été à le thème choisi. Lors de cet atelier, la revue de presse en wolof a servi de cas d’école.

Abordant « La revue de presse wolof et le mécanisme du Ngëwele », le professeur Massamba Guèye a fait, avec l’assistance, un diagnostic sans complaisance de ce genre journalistique. Ce dernier qui a travaillé sur la revue de presse en wolof a indiqué que le métier de « Revueur » de la presse en wolof est spécifique car il s’agit de prendre un texte écrit en français et d’en faire une traduction orale dans une langue différente.

« C’est un travail complexe aussi car le journaliste doit choisir le texte écrit en français pour un auditoire wolof. Est-ce qu’il est préparé pour cela ? Est-ce que nos « Revueurs » de la presse sont des esthéticiens ? Le fait est là et nous devons l’analyser avec la distance scientifique », pose d’emblée le spécialiste de l’oralité. Pour M. Guèye, la revue de presse en wolof est devenue un exercice populaire et des journalistes ne sont recrutés que pour faire ce travail du fait de leur popularité. Compte tenu du fait qu’il y a des paroles constructives et des paroles destructives, Masssamba Guèye constate que souvent, les revues de presse en wolof sont commanditées car les « Revueurs » sont souvent obligés de commencer par le quotidien de leur groupe. Partageant un échantillon pour étayer ses propos, le conférencier indique que les acteurs de la revue de presse en wolof utilisent la parole pour exagérer un fait (xoromal en wolof). Citant nommément deux « Revueurs » de la presse en wolof parmi les radios les plus suivies de Dakar, M. Guèye estime qu’il y a aussi la pratique du détour (garuwalé) dans leurs revues. « Ils ne sont plus dans l’exercice de la fonction journalistique mais dans leur objectif de parole qui choque (Waax ju reey). Ils ont une caution financière parce que ce sont eux qui gagnent le marché de la publicité au Sénégal. Des autorités sont maintenant prêtes à payer pour être dans la revue de presse wolof », explique Massamba Guèye. Cependant, il laisse entendre qu’à la différence des autres animateurs qui font la revue de presse en wolof, El Hadj Assane Guéye de la Rfm sort du lot car il a su imposer sa parole posée et éthique, ce qui fait qu’il est choisi pour les publicités institutionnelles. Massamba Guèye se demande, après avoir étudié ce phénomène, si ses acteurs confondent l’éloquence qui est esthétique et la grandiloquence qui irrite et choque.

Sacralité de la parole  
Quant au comédien Lamine Ndiaye, il est d’avis que la parole esthétique fait partie de la comédie et est très importante dans nos habitudes et aptitudes.
Le conservateur des Archives, Pape Atoumane Ndiaye, insistant sur l’importance de la parole pour la société, affirme que dans nos sociétés orales, la parole est sacrée. « C’est dommage que ceux qui font la revue de presse en wolof ne soient pas passés par les écoles de formation. La parole est importante pour l’équilibre de la société car elle est source de conflit et de rapprochement », analyse le conservateur Pape Atoumane Ndiaye. Le représentant du recteur, le professeur Mbaye Thiam, saluant cette initiative du département de Philosophie, confirme qu’elle rentre dans la volonté de l’Ucad de s’ouvrir à la société et d’éviter que le débat à l’intérieur du campus ne soit l’apanage des universitaires. « Les universités fermées sur elles deviennent des ghettos et on ne veut pas que l’Ucad soit un ghetto », souligne-t-il. Par rapport au thème, le professeur Thiam confie que l’esthétique de la parole interroge sur la parole qui attire et qui rend service. Sur la revue de presse en wolof, le représentant du recteur demande d’approfondir la réflexion et de voir pourquoi de telles pratiques prospèrent au Sénégal.
A son avis, la parole « détruit » beaucoup dans notre pays parce qu’elle n’est pas étudiée de manière scientifique.

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