Arabie saoudite: Il quitte sa prison dorée grâce à un «arrangement»

 

Al-Walid ben Talal a été libéré samedi à la suite d’un «arrangement» financier avec les autorités. Il avait été arrêté voici près de trois mois dans le cadre d’une purge anticorruption sans précédent dans le royaume.

Agé de 62 ans, le prince milliardaire était le plus haut placé des quelque 350 personnalités dont des princes, des ministres, des ex-ministres et puissants hommes, détenues notamment à l’hôtel Ritz-Carlton de Ryad. Une campagne avait été lancée le 4 novembre par le prince héritier Mohammed ben Salmane, fils du roi et homme fort du pays.

«Le procureur général a approuvé un arrangement avec le prince Al-Walid ben Talal» et ce dernier a ensuite pu rentrer chez lui en cours de matinée, a indiqué à l’AFP une source gouvernementale, sous couvert de l’anonymat. Celle-ci n’a pas fourni plus de précisions sur cet «arrangement» Interrogée si le prince allait rester à la tête de la Kingdom Holding Company, elle a répondu par l’affirmative.

Un peu plus tôt, un associé proche du milliardaire avait indiqué à l’AFP que le prince était «libre». Contacté, le ministère saoudien de l’Information n’a pas souhaité faire de commentaire.

Ces dernières semaines, plusieurs des personnalités arrêtées ont été libérées et le procureur général d’Arabie saoudite, Cheikh Saoud al-Mojeb, a annoncé en décembre que la plupart des détenus avaient accepté un arrangement financier en échange de leur libération.

Sommes mal acquises

Cet arrangement consiste à rembourser au Trésor saoudien des sommes dont les autorités estiment qu’elles ont été mal acquises, avait dit le procureur.

Vendredi, les autorités ont relâché Walid al-Ibrahim, propriétaire du réseau satellite arabe MBC, Khaled Tuwaijri, ex-chef de la cour royale, et Turki ben Nasser, ancien dirigeant de l’agence de météorologie du pays, selon une source proche du gouvernement.

Selon le «Financial Times», Walid al-Ibrahim a accepté d’abandonner le contrôle de MBC (Middle East Broadcasting Company), l’un des réseaux satellites les plus influents dans le monde arabe.

Parmi les autres personnalités libérées figure le prince Metab ben Abdallah, fils du défunt roi Abdallah, ancien chef de la puissante Garde nationale saoudienne, limogé avant son arrestation. Le prince Metab a dû payer plus d’un milliard de dollars, selon l’agence Bloomberg News.

La purge de novembre est intervenue après la mise en place d’une commission anticorruption présidée par le prince héritier Mohammed ben Salmane, fils du roi et surnommé «MBS». Certains y ont vu une tentative du prince Mohammed de consolider son pouvoir. Mais les autorités insistent sur le fait que la purge visait uniquement à s’attaquer à la corruption endémique.

Fonds détournés colossaux

Le procureur général a estimé à au moins 100 milliards de dollars le montant des fonds détournés ou utilisés à des fins de corruption dans le royaume depuis plusieurs décennies.

Décrit par la presse comme un habitué des Alpes suisses, le prince al-Walid est le petit-fils de deux figures historiques du monde arabe: le roi Abdelaziz al-Saoud, fondateur de l’Arabie saoudite, et Riad al-Solh, premier chef de gouvernement de l’histoire du Liban.

La Kingdom Holding Company possède notamment le célèbre hôtel de luxe George-V sur les Champs-Elysées à Paris et un tiers du capital de la chaîne d’hôtels Mövenpick. Elle avait aussi acquis en 2003 l’Hôtel des Bergues à Genève, pour 87 millions de dollars (117 millions de francs à l’époque), avant de le revendre.

Le magazine «Forbes» estimait, en 2017, que le prince pesait 18,7 milliards de dollars, ce qui le mettait à la 45e place de son dernier classement des fortunes mondiales.

Franc-parler

Le prince al-Walid était également connu pour son franc-parler et ses appels pour une société saoudienne plus ouverte. Défenseur des droits des femmes, il avait lancé fin 2016 un vibrant appel pour que les femmes en Arabie saoudite obtiennent le droit de conduire et déploré «le coût économique» de l’interdiction de volant pour elles. Près d’un an plus tard, son appel a été entendu et les femmes seront autorisées à conduire à partir de juin 2018.

Le Ritz-Carlton, fermé au public depuis la purge de novembre, devrait rouvrir ses portes prochainement. Sur son site Internet, il affiche des chambres disponibles à partir du 14 février.

(nxp/ats)