Ousmane Dia, des problématiques fondamentales pour une première exposition individuelle au bercail.

 

La première exposition individuelle au Sénégal de l’artiste Ousmane Dia, dont le vernissage a été organisé mardi soir à Dakar, témoigne d’un moment crucial de la trajectoire artistique du plasticien sénégalais, porté par des intuitions qui l’amènent plus qu’avant à s’inscrire dans une démarche de conscientisation inspirée par un retour assumé aux sources.

Intitulée “Maturité”, cette exposition tient en une grande installation sculpturale mettant en mouvement 365 sculptures de 2,5 mètres de haut. Un travail réalisé avec l’aide de 46 artisans de sept ateliers de la région de Tambacounda dont est originaire l’artiste, qui vit à Genève, en Suisse.

Ousmane Dia proclame désormais sa maturité artistique, après plusieurs années de recherches autour de “la symbolique de la chaise” et du “métal rouillé”, une démarche artistique adossée à l’actualité du Sénégal.

Les silhouettes imaginées et mises en scène par l’artiste portent des chaises de couleur rouge, manière de rappeler si nécessaire que le pouvoir vient du peuple et demeurera une propriété du peuple seul.

“Il est important aujourd’hui, avec les joutes électorales à venir dans notre pays, de mettre en avant cet article 10 de la Constitution qui donne la possibilité’’ au peuple sénégalais, chaque jour que Dieu fait, d’exprimer au besoin son désaccord, “mais de manière pacifique”, précise le plasticien.

Les personnages exposés par l’artiste sont en effet dépourvues de membres inférieurs préposés aux dégâts, selon l’artiste, ce qui ne les empêche pas de marcher vers un cercle de quatre mètres de diamètre où il est rappelé à tous le contenu de l’article 10 de la Constitution.

Celui-ci stipule en effet : “Chacun a le droit d’exprimer librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique, pourvu que l’exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public”.

Le plasticien, de cette manière, en appelle à la sauvegarde des acquis démocratique du Sénégal, un devoir des citoyens autant que de l’autorité.

Aussi invite-t-il à “des marches pacifiques faisant usage des instruments légaux de la Constitution au Sénégal, en Afrique et partout dans le monde”.

“Le Sénégal est un pays qui rassure par sa stabilité, sa démocratie, il est perçu dès qu’on décline nos origines à l’extérieur, il joue une fonction exemplaire sur le continent”, fait valoir Ousmane Dia, sorti de l’Ecole nationale des Beaux-arts de Dakar en 1997.

Il a ensuite complété ses études par un “post grade”, mention “sculpture”, à l’Ecole supérieure d’arts visuels de Genève où il a obtenu son diplôme en 2001, avant de participer à de nombreuses expositions collectives à travers le monde.

Ousmane Dia compte mettre de plus en plus sa carrière personnelle en avant à l’avenir, après avoir organisé onze édition d’échanges artistiques dénommées “Tambacounda-Genève-Dakar” (TGD) et réunissant des artistes suisses et sénégalais.

Il affirme n’être plus dans “une démarche de création-vente”, ambitionnant de faire de son art “une tribune” pour faire passer des messages à travers le monde, une manière de se donner également l’occasion d’explorer le monde du métal, dont il dit avoir “une affinité particulière” et presque atavique, un signe artistique particulier qu’il tient d’un père mécanicien-garagiste.

Pour le ministre de la Culture, Abdou Latif Coulibaly, Dia “présente un très beau spectacle d’une marche pacifique qui symbolise l’une des valeurs de notre Constitution”.

“Il parle des libertés publiques fondamentales inscrites dans la Constitution et en appelle solennellement au respect de cette Constitution tant par les citoyens que par l’autorité”, commente le ministre.

Selon Abdou Latif Coulibaly, l’artiste évoque et insiste dans le même temps sur “l’une des valeurs fondamentales des libertés publiques, à savoir la marche qui est une forme d’expression démocratique, “en disant qu’on peut faire une marche pacifique sans qu’il y ait des casses”.

“Autant il célèbre ces libertés, autant il les encadre et met en garde”, ajoute le ministre de la Culture, se disant “impressionné par la majestuosité de cette exposition de Ousmane Dia” offert à l’Etat du Sénégal.

“Nous trouverons un bel endroit pour que les Sénégalais puissent voir l’exposition”, a-t-il promis, en présence de l’ancienne Première ministre Aminata Touré, marraine de l’exposition, que cette dernière assimile à “une contribution à l’éveil des citoyens, à l’enracinement de notre démocratie”.

Après cette exposition retour au bercail à voir jusqu’au 18 février, l’artiste se prépare pour une autre prévue en 2020 à Dakar.

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