«Pont de Crimée» Poutine au volant de son camion pour l’inauguration

 

Le président russe Vladimir Poutine a inauguré mardi le pont reliant la Crimée à la Russie, ouvrage colossal vers la péninsule ukrainienne annexée par Moscou en 2014, suscitant les protestations de Kiev et des Occidentaux.

En jeans et blouson, le président russe s’est engagé sur le pont au volant d’un camion benne orange. A la tête d’une colonne d’une dizaine de véhicules, il a parcouru en 16 minutes les 19 kilomètres qui relient la péninsule de Taman, dans le sud de la Russie, à celle de Kertch, en Crimée.

De l’autre côté du pont, en Crimée, il a été accueilli par une petite foule qui l’a applaudi. «A plusieurs moments de l’Histoire, même sous le tsar, les gens rêvaient que ce pont soit construit. Ils ont essayé à nouveau dans les années 1930, 1940, 1950, et enfin grâce à votre travail et votre talent, ce projet, ce miracle a eu lieu!», s’est-il exclamé. Il s’agit pour la Russie d’un «jour exceptionnel, festif, historique».

La télévision russe, qui a retransmis en direct les images de la traversée en camion, a salué les «héros» ayant construit ce pont.

Condamnations

Dans un entretien à l’AFP, le Premier ministre ukrainien Volodymyr Groïsman a accusé la Russie de «bafouer le droit international» avec ce pont, assurant que «le temps viendra où la Russie paiera tout».

Les Etats-Unis ont condamné un chantier qui vise selon eux à «consolider l’annexion illégale» d’un territoire «qui fait partie de l’Ukraine» et montre «la volonté persistante de la Russie de bafouer les lois internationales». «Nous réaffirmons une fois de plus notre attachement à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine», a ajouté la porte-parole du département d’Etat américain Heather Nauert dans un communiqué.

Toutes les sanctions américaines liées à l’annexion de la Crimée, y compris celles visant des personnes et entités impliquées dans le chantier du pont, «resteront en vigueur tant que la Russie n’aura pas remis le contrôle de la péninsule à l’Ukraine».

L’Union européenne a dénoncé «une nouvelle violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriales de l’Ukraine par la Russie», estimant que la construction du pont visait à «poursuivre l’intégration forcée de la péninsule annexée illégalement».

La France a souligné que ce pont contribuait «à priver l’Ukraine d’un plein accès et de l’utilisation de ses eaux territoriales internationalement reconnues». Londres a dénoncé «un nouvel exemple du comportement dangereux de la Russie». «Nous continuons de travailler avec nos partenaires pour nous opposer à l’annexion, notamment en maintenant un solide train de sanctions», a déclaré le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Alan Duncan.

Chantier titanesque

Lancé en février 2016, ce chantier titanesque avait été confié par l’Etat russe à la société du milliardaire Arkadi Rotenberg, partenaire de judo du président Vladimir Poutine. Selon un décret publié sur le site du gouvernement, Stroïgazmontaj devait livrer le pont avant décembre 2018, pour un coût de 228,3 milliards de roubles (2,9 milliards d’euros à l’époque).

Mais lors d’une visite en mars, quelques jours avant sa réélection à la présidence, M. Poutine a exigé que le pont soit prêt avant l’été. La Crimée est une destination de vacances populaire auprès des Russes, qui constituent l’une des principales sources de revenus pour cette péninsule prisée pour ses plages et ses montagnes plongeant dans la mer Noire.

Les voitures et autobus devraient accéder au pont dès mercredi, a indiqué le Kremlin. Les trains devront attendre fin 2019 pour traverser le détroit de Kertch, un bras de mer entre la mer d’Azov et la mer Noire.

Réduire l’isolement géographique

Pour la Russie, le pont doit permettre de réduire l’isolement tant géographique qu’économique de la Crimée, annexée en mars 2014 après une intervention des forces spéciales russes et un référendum dénoncé comme «illégal» par Kiev et les Occidentaux.

En raison du blocus imposé par Kiev, dont le territoire constituait jusqu’à présent la seule voie d’accès terrestre, la presqu’île est approvisionnée par air et par mer.

L’Ukraine est aussi en proie depuis avril 2014 à un conflit armé opposant les forces gouvernementales à des séparatistes prorusses, qui a fait plus de 10’000 morts dans l’est de son territoire, frontalier de la Russie. Kiev et les Occidentaux accusent la Russie de soutenir militairement les rebelles, ce qu’elle nie.

L’Ukraine a mené mardi des perquisitions dans les locaux à Kiev de deux médias russes, la télévision RT et l’agence de presse Ria Novosti, interpellant un journaliste ukrainien accusé de «haute trahison».

(nxp/ats)