Irak – Législatives: la victoire de Sadr confirmée

 

Les résultats définitifs des législatives en Irak ont confirmé tôt samedi la percée des antisystèmes, le populiste Moqtada Sadr en tête, aux dépens du Premier ministre sortant soutenu par la communauté internationale.

Mais les possibilités d’alliances en vue d’une coalition gouvernementale restent ouvertes. Aucune des trois forces arrivées en tête n’a gagné plus d’une cinquantaine de sièges au Parlement à l’issue du scrutin du 12 mai, marqué par une abstention record depuis les premières élections multipartites de 2005.

Dans un système calibré pour parcelliser le Parlement après la chute du dictateur Saddam Hussein lors de l’invasion emmenée par les Américains en 2003, «La marche pour la réforme» de Moqtada Sadr est loin d’être assurée de gouverner l’Irak pour les quatre prochaines années. Les négociations pour former une coalition gouvernementale avaient déjà débuté dès la fin du vote il y a une semaine, sous le haut patronage des deux puissances agissantes en Irak –les Etats-Unis et l’Iran–, qui rejettent toutes deux le turbulent leader chiite.

Nouvelle «phase» de négociations

«La semaine passée a été celle des accords de principes, maintenant nous entrons dans la phase de formation des coalitions» à proprement parler, résume pour l’AFP le politologue irakien Hicham al-Hachémi.

Après un long décompte et plusieurs reports de l’annonce officielle des résultats finaux, l’alliance inédite entre l’influent leader nationaliste chiite Moqtada Sadr et les communistes remporte 54 sièges. La liste des anciens du Hachd al-Chaabi, supplétif crucial de l’armée dans la victoire sur le groupe Etat islamique (EI), 47 sièges. Et l’Alliance de la Victoire, emmenée par le chef de gouvernement sortant Haider al-Abadi, 42.

Talonné par le Hachd, proche de l’Iran, et par M. Abadi, nommé en 2014 grâce à un accord tacite entre les Etats-Unis et l’Iran, Moqtada Sadr a eu beau proclamer sur Twitter aussitôt les résultats annoncés que «la réforme a gagné et la corruption est affaiblie», il fait face à un contexte régional tendu.

Moqtada Sadr inquiète Téhéran et Washington

Alors que Téhéran et Washington sont à couteaux tirés depuis le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien, la personnalité et le parcours de cet ancien chef d’une puissante milice, devenu le héraut des manifestations anti-corruption, pose autant problème aux deux ennemis.

Le leader politique de 44 ans, issu d’une lignée de dignitaires religieux, opposants respectés, provoque régulièrement Téhéran en prônant une défense sourcilleuse de l’indépendance politique de l’Irak.

Sa dernière bravade à l’encontre du puissant voisin chiite à été sa visite chez son grand rival, l’Arabie saoudite sunnite, où il a discuté avec le prince héritier Mohammed ben Salmane des «intérêts communs» des deux pays. Quant aux Américains, ils se rappellent de sa puissante «Armée du Mahdi» qui a ensanglanté les rangs de leur troupes dans la foulée de l’invasion.

– Émissaires iranien et américain –

Deux jours après le vote, l’influent général iranien Ghassem Soleimani, émissaire de Téhéran régulièrement impliqué dans les affaires irakiennes, arrivait à Bagdad pour rassembler les forces chiites conservatrices, afin de faire barrage à Moqtada Sadr. Pour ce faire, il peut compter, assurent les commentateurs, sur l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki –qui n’a toujours pas digéré d’être écarté en 2014– et sur le Hachd, dont la tête de liste, Hadi al-Ameri, est depuis des décennies soutenu par Téhéran.

Les Etats-Unis, eux aussi, ont envoyé leur émissaire Brett McGurk, qui a entamé une tournée de rencontres avec les dirigeants des forces politiques, à Bagdad mais aussi dans la région autonome du Kurdistan, pour tenter d’influer sur le gouvernement qui dirigera l’Irak après la victoire annoncée en décembre sur le groupe Etat Islamique.

Dans ce contexte, Moqtada Sadr «va probablement essayer de former une large coalition, en incluant des partis chiites –potentiellement la liste de M. Abadi–, sunnites et kurdes», explique à l’AFP Raphaele Auberty, chercheuse au sein du think-tank BMI. Les sunnites, dont les deux principales listes comptent 35 députés élus, et les Kurdes, avec une cinquantaine de sièges, sont courtisés par les principaux gagnants car incontournables pour obtenir la majorité au Parlement. Mais, poursuit Mme Auberty, si Moqtada Sadr parvient à mettre sur pied une coalition, «la fragmentation du paysage politique va compliquer les prises de décisions».

(nxp/afp