Affaire Théo «Maintenant, je peux avoir tout ce que je veux»

 

Victime d’une très violente arrestation le 2 février 2017 à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Théo L. a été confronté aux deux policiers mis en examen le 21 février dernier. «Le Parisien» s’est procuré la retranscription de cette audition, placée sous l’autorité d’un juge d’instruction. La magistrate a commencé par reprocher au jeune homme, grièvement blessé à l’anus, de ne pas s’être soumis à un contrôle médical régulier. Théo a assuré qu’il n’avait pas pu passer de radio à cause d’un empêchement.

Cet échange n’a rien d’anodin: si la blessure du jeune homme s’avère permanente, les deux policiers mis en examen risquent les assises, et non la correctionnelle. Depuis cette audition, Théo a réagi et devrait se faire retirer la poche de stomie qu’il porte depuis plus d’un an. L’aspect médical de l’affaire est au centre du dossier. Après une nouvelle expertise médicale, l’enquête s’oriente davantage vers des violences volontaires qu’un viol. Il semblerait en effet que la matraque du policier n’ait pas pénétré l’anus de Théo mais qu’elle ait heurté sa «bordure», provoquant «un éclatement de la région péri-anale».

«Une blessure désolante»

Face aux policiers, le jeune homme a répété avoir reçu le coup de matraque «dans les fesses». Ce à quoi le policier mis en examen pour viol a répondu: «Je le dis depuis le début que je vise le haut de la cuisse, et non l’anus. C’est une blessure désolante, j’y pense tous les jours, mais je n’ai pas voulu la provoquer.» Provoquée par l’avocate d’un des deux agents qui soulignait des incohérences entre ses différentes auditions, la victime a rétorqué: «Je n’étais pas en état de faire cette audition, j’étais sous morphine.»

Les deux policiers ont justifié cette interpellation violente en évoquant la «virulence» de Théo. Le principal intéressé a, pour sa part, expliqué qu’il avait résisté parce que ces agents avaient la réputation de «frapper les gens menottés». Selon des experts, l’un des policiers a frappé le jeune homme dix fois en 45 secondes, y compris lorsque celui-ci était à terre. «Face aux coups que je lui porte, Théo ne modifie pas son comportement. Ils sont sans effet. Je ne porte pas des coups pour le plaisir, mais en légitime défense», a assuré le policier.

«Je serai célèbre»

Dans le cadre de cette instruction ouverte pour viol et violences volontaires, Théo a été interrogé en janvier 2018 par une experte-psychologue. Dans son rapport, la spécialiste estime avoir eu affaire à une personne «immature», «semblant se positionner dans une forme de toute puissance». «Maintenant, je peux avoir tout ce que je veux… grâce à l’affaire Théo je peux prendre le temps de me reposer et mûrir un autre projet», a lancé le jeune homme, avant d’ajouter: «J’ai écrit mes textes, je vais sortir ma musique, je serai célèbre.»

La spécialiste Mélanie Debonnaire décrit Théo comme «un post-adolescent (…) encore précaire dans les projections de sa vie». Selon la psychologue, le jeune homme ne présente aucune tendance à l’affabulation et ses déclarations ont été «conformes à ses représentations psychiques sans exagération». La spécialiste préconise que Théo soit à nouveau examiné «en préparation du procès et des retombées médiatiques»

(joc)