Serigne Cheikh Mbacké : le recours rêvé pour maintenir la flamme du “Sopi” à Touba

 

Serigne Cheikh Mbacké Doly, nouveau président du groupe parlementaire ’’Liberté et démocratie’’, regroupant le Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition) et ses alliés, peut se prévaloir d’être le premier candidat à des élections législatives à avoir gagné le département de Mbacké (centre du pays), avec une liste d’opposition.
C’est dire si ce jeune chef religieux originaire de Touba, polygame et moyennement alphabétisé en langue française, peut compter sur un grand crédit politique, bien que le choix porté sur sa personne pour diriger le groupe parlementaire du parti de l’ancien président Abdoulaye Wade laisse certains perplexe, pour dire le moins.
D’aucuns parlent à ce propos de calcul politique de la part de l’ancien président Abdoulaye Wade, estimant que cette décision est un clin d’œil au très courtisé électorat mouride.
Une idée qui n’est pas à rejeter, si l’on sait que Madické Niang, qui a démissionné de la présidence du groupe parlementaire ’’Liberté et Démocratie’’, suite à sa décision de se porter candidat à la prochaine présidentielle de 2019, peut également compter sur ses entrées dans la communauté mouride.
Surtout que M. Niang n’a pu obtenir la bénédiction de Me Wade, qui désapprouve de fait sa candidature alternative à celle de Karim Wade, fils de l’ancien président, candidat désigné par le PDS mais qui ne devrait pas pouvoir participer à la présidentielle, son inscription sur les listes électorales ayant été rejetée.
Alors, Me Madické Niang s’est vu forcer de démissionner de la tête du groupe parlementaire ’’Liberté et Démocratie’’, disant refuser dans un communiqué d’engager “un bras de fer avec le président Wade sur quoi que ce soit”.
“Ainsi, avant que le parti ne se saisisse de la question, j’ai décidé, pour le mettre à l’aise, de remettre en jeu immédiatement mes fonctions de président du groupe parlementaire, car mon honneur ne me permet pas de m’accrocher à des responsabilités que le président Wade m’a confiées”, avait ajouté M. Niang.
Madické Niang parti de la tête du groupe parlementaire ’’Liberté et démocratie’’, Me Wade a porté son dévolu sur Serigne Cheikh Mbacké Doly, la surprise du chef, pour le remplacer et qui sait, contrecarrer ses plans, dans le cas où il aurait voulu se servir de cet appareil pour la présidentielle.
“J’estime que ma nomination à la tête du groupe parlementaire liberté-démocratie est un mérite. A la tête de la liste départementale de Mbacké aux législatives de 2017, j’ai raflé les cinq sièges de députés réservés à cette circonscription”, explique M. Mbacké qui, dans un entretien avec l’APS, semble ignorer toutes ces considérations.
La quarantaine bien sonnée, né d’un père militant de première heure du PDS au milieu des années 1970, Serigne Cheikh Mbacké Doly s’est très tôt engagé dans la politique, se faisant remarquer par un militantisme appuyé au sein de la formation libérale. Sans doute, une manière pour lui de préserver l’héritage politique de son père.
Il présente volontiers son appartenance au PDS comme “un mariage à vie” d’autant plus qu’il affirme avoir le profil de l’emploi, en dépit de tout ce que peut dire ou croire les uns et les autres.
“Je suis et je reste un militant du PDS. Je ne quitterais jamais le PDS, même si tout le monde le quittait”, tranche le député libéral, marié à trois femmes. Il se garde cependant de préciser le nombre exact de ses enfants.
Comme de nombreux marabouts entrés en politique, il a plusieurs cordes à son arc : agriculteur réputé et grand propriétaire terrien, il détient des champs dans les zones les plus fertiles du Sénégal, sans compter ses nombreuses écoles coraniques.
“Mon père est l’un des premiers à avoir des champs au ranch de Doly qui se situe entre Djiyeul, Darou Miname jusqu’à Kaffrine’’, souligne le nouveau président du groupe parlementaire ’’Liberté et Démocratie’’.
“Au milieu de cette forêt, il a fondé un village qui s’appelle Darou Salam Doly où il vivait avec ses disciples. C’est pour cette raison que les gens l’appelaient +Serigne Bara Borom Doly+. C’est la même chose quand on dit +Serigne Saliou Borom Khelkom+”, explique le parlementaire.
Il reste que le compagnonnage de Serigne Cheikh Mbacké avec l’ancien président Abdoulaye Wade n’a pas été un long fleuve tranquille au cours du deuxième mandat de ce dernier.
Celui qui dirigeait alors le Mouvement des jeunes marabouts, n’a pas été toujours tendre à l’égard de l’ancien président. Il constituait une voix dissidente dans les rangs du PDS à Touba, cité religieuse de la région de Diourbel et capitale du mouridisme.
Aussi se dit-il “très surpris” par le choix porté sur sa personne par le “Pape du Sopi”.
“J’étais à Touba quand d’un coup j’ai reçu un appel téléphonique de Me Abdoulaye Wade. Au bout du fil, il m’a dit + C’est vous que j’ai choisi+. C’était une surprise pour moi parce que je ne m’y attendais pas. Et je n’ai pas été demandeur également”, confie-t-il.
Et M. Mbacké de continuer à évoquer la teneur de sa discussion téléphonique avec Me Wade : “C’est vous que j’ai choisi comme président du groupe parlementaire parce que votre position et votre courage prouvent que vous serez en mesure de mener à bien cette mission (…)”.
Se disant galvanisé par cette “grande confiance”, le nouveau président du groupe parlementaire “Liberté et démocratie”, compte s’engager à “réunifier la famille libérale”, ce qu’il considère comme sa principale mission.
“Je vais aller voir les militants qui en un moment ont été frustrés pour discuter avec eux en vue de les convaincre de retourner au PDS”, promet Serigne Cheikh Mbacké.
Pour ce faire, il ne manque pas de leviers, en tant que membre du comité directeur du Parti démocratique sénégalais et de son secrétariat national, il est aussi le secrétaire national du PDS en charge des chefs religieux et des chefs coutumiers. S’y ajoute son statut de premier vice-président au conseil départemental de Mbacké.
A ceux qui vont malgré tout continuer de douter de ses capacités intellectuelles à diriger un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, il n’hésite pas à brandir son CV.
“J’ai appris l’arabe jusqu’à un certain niveau. J’ai arrêté pour poursuivre les études en français. J’avais fait l’école franco-arabe. J’ai abandonné les cours juste avant de passer mon examen du BFEM (Brevet de fin d’études moyens) pour reprendre l’option arabe”, se défend M. Mbacké.
Il ajoute : “Je n’ai pas besoin qu’on m’aide à traduire mes dossiers. Je comprends le français et je suis en mesure de répondre et de débattre sur toutes les questions. Mais je préfère le faire en wolof”.
Une conviction pour le nouveau président du groupe parlementaire ’’Liberté et démocratie’’, selon qui un pays “ne peut pas se développer sans ses langues nationales. Je crois que pour développer le Sénégal, il faut que l’on croit en nous et nous appuyer sur le wolof et les autres langues locales (…). C’est pour cette raison que je m’exprime le plus souvent en wolof”.
Serigne Cheikh Mbacké, qui a mémorisé le Saint Coran dès le bas-âge, consacre ses moments de divertissement à la lecture, à la recherche et au sport.
“Lorsque je reviens du boulot, je préfère lire et faire des recherches. Je consacre un temps à la lecture coranique parce que je suis assidu dans ma pratique religieuse. J’aime aussi faire du sport”, révèle le nouvel homme fort de l’opposition parlementaire.
Le jeune marabout conclut, non sans fierté : “L’histoire retiendra que je suis le premier fils issue de la famille des Mbacké à avoir être nommé président d’un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale”.
“Je suis aussi le premier responsable politique de la région de Diourbel et du département de Mbacké à occuper un tel poste’’, se félicite-t-il.

FD/MTN/BK/AKS