Soutien d’artistes à la Présidentielle: Les dessous d’un engagement !

 

Chanteurs, comédiens, bref les artistes, n’hésitent pas à prendre position derrière un candidat à une élection présidentielle, quand d’autres se montrent plus prudents pour ne pas froisser leur public. Une tradition politique qui n’a pas vraiment prouvé son efficacité.

 Les élections, particulièrement la Présidentielle, font sortir des artistes des coulisses. Ils ou elles s’engagent officiellement aux côtés de leur candidat favori, sans forcément partager toutes ses convictions ni adhérer à la totalité de son programme. Ils signent des pétitions, participent aux comités de soutien, assistent aux meetings. Si ces artistes se cachent sous les oripeaux d’une ferme volonté de vouloir amener les Sénégalais à changer de mentalité par l’éveil des consciences, de travailler à l’instauration d’un climat de dialogue et d’un esprit de citoyenneté, de sortir les populations du calvaire quotidien, ils peinent pourtant à convaincre.  Mais, on le dit souvent, politique et musique ne font pas bon ménage. Alioune Mbaye Nder  en a fait les frais lors de la Présidentielle en 2012. Le chanteur avait adressé son soutien à Me Abdoulaye Wade et n’a étrangement plus brillé dans les charts depuis.

La perception du citoyen sur le soutien des artistes

Mais nombreux sont les Sénégalais qui estiment que la place des artistes n’est pas dans la politique. De surcroit, ils sont presque unanimes qu’aucun d’eux  ne peut influencer leur  vote.

Nous sommes au marché Castors. En ce début de matinée, l’endroit grouille de monde, il faut être costaud pour se frayer un chemin face à ce méli-mélo qui a pris d’assaut l’endroit dès les premières heures de la matinée. Trouvé en train de s’abreuver d’un Mbalax rythmé de Youssou Ndour, Dione, boucher de profession, est un inconditionnel de la musique du roi du Mbalax. A la question de savoir comment il trouve l’implication de certains artistes dans l’arène politique, notre interlocuteur répond : «Je pense que la politique est un domaine qui doit être exclusivement réservé aux politiciens. Les musiciens n’ont pas leur place là-bas, ils doivent plutôt chercher à trouver le moyens de faire plaisir à leurs fans». Quid de voter pour son idole ? Le jeune fulmine en riant sous cape: «Je ne pense pas du tout». Pour Mouhamadou Diop, bijoutier, la première contrainte à laquelle se heurtent ces artistes demeure leur faible niveau d’instruction. «Il est erroné que des gens qui n’ont aucune compétence postulent pour des postes de responsabilités. Les gens ne croient qu’à leur musique. A part la danse et la musique qui sont leur domaine de prédilection, ils n’ont pas une possibilité d’influencer ailleurs», soutient-il

S’engager pour se faire des affaires

Beaucoup sont ceux qui pensent que l’engagement de beaucoup de ces acteurs n’est rien d’autre qu’un raccourci pour se faire des affaires. «Ils (Ndlr : les artistes) savent qu’ils ne peuvent pas trouver des milliards dans la musique. Voulant coute que coute devenir riches, ils  optent  pour la politique», affirme M. Diop. Pour ce quadragénaire, la plupart de ces gens n’y sont que pour leurs propres intérêts, en essayant de se cacher sous les habits d’un digne serviteur du peuple. «Les Sénégalais sont devenus conscients depuis un certain temps, rien ne sera plus comme avant. Ces gens n’auront le soutien de personne », argue-t-il. Tout le contraire chez la dame Ngom, teint d’ébène, la quarantaine révolue. A l’en croire, elle est prête à voter ou accepter les consignes de  vote  de son idole.

Pour Mansour, élève en classe de terminal au Lycée Blaise Diagne, cette convoitise relève du fait que la politique est devenue un raccourci  pour s’enrichir. Seulement,  indique-t-il : «Parmi les artistes qui interviennent dans la politique, en dehors d’un mouvement qu’il n’a pas voulu citer, personne n’a réellement une conviction dans  ce qu’il prêche.» Pour sa part, si tel était le cas, ils n’auront pas attendu à quelques mois des élections pour se décider. «Peut-être qu’ils  parviendront à hypnotiser la population analphabète, mais pour celle qui est instruite, ce ne sera pas possible»,  pense-t-il.

«Un artiste Président de la République, c’est irréaliste au Sénégal»

Malick Cissé, étudiant en communication et journalisme, abonde dans le même sens : «La politique est devenue un enjeu de taille. C’est devenu l’affaire de tout le monde, mais l’engagement des artistes ne trompe personne. C’est dans leur intérêt tout simplement et ce serait dommage de croire le contraire». «C’est une grosse erreur que commettent ces musiciens. Ils peuvent faire de la politique pour avoir un poste de député ou de maire, mais si c’est pour être Président de la République, ça devient vraiment irréaliste. Président de la République, c’est quelque chose de très sérieux. On n’en a eu que trois en cinquante ans », laisse entendre Mapenda Cissé, étudiant en cinquième année en Maths finances. Et de renchérir : «Franchement, je pense que les Sénégalais sont matures maintenant. Ils savent faire la part des choses. Même les guides religieux qui sont à un niveau plus élevé ne peuvent pas actuellement pousser les gens à voter pour  tel candidat».

Pour ce professeur de Français, la célébrité et l’avoir de beaucoup d’entre eux les trompent. «Ils ne pourront jamais être Président dans ce pays, encore moins occuper certaines responsabilités d’ordre intellectuel, car n’étant pas des politiques au vrai sens du mot», dit-il. Avant de convoquer le cas du footballeur libérien et celui de Petit Mbaye, ancien promoteur de lutte, pour justifier ses arguments. «Ils ne feront que perdre leur argent mais, au finish, ils n’auront même pas 1%. À mon avis, ils devraient continuer à nous endiabler avec leur mbalakh, c’est vraiment le domaine dans lequel ils excellent», note le professeur.

Les raisons d’un «soutien musical» à un candidat

Interrogés sur le fait que d’aucuns estiment que leur engagement ne relève que de leur propre compte, les artistes dégagent en touche. A leur avis, ceux qui avancent ces propos ne cherchent qu’à minimiser   le rôle de catalyseur qu’ils jouent dans la société pour la restauration d’un climat de paix et de stabilité.

Pour l’artiste Mame Ngor Diazaka, qui soutient le Président  de la République à travers un mouvement dénommé «Khathiéndo doorandoo”, Macky est la solution. « Si j’ai un conseil à donner aux jeunes, c’est de s’investir pour accompagner le Chef de l’Etat à conduire sa politique de développement jusqu’aux échéances présidentielles, le réélire pour un second mandat et éviter que les politiciens nous enferment dans un éternel recommencement », disait-il dans un entretien accordé au site Allo Dakar. « Ceux qui parlent d’intérêts personnels n’ont rien compris », soutient l’artiste.

Georges Emmanuel NDIAYE

rewmi.com