«L’avion (…) On dirait qu’il va perdre ses pièces»

 

Disparu lundi soir à bord de l’avion qui l’emmenait à Cardiff, l’attaquant italo-argentin avait envoyé un message Whatsapp inquiétant à des amis proches au moment de monter dans l’avion.

C’est comme s’il avait pressenti le drame. Quelques minutes avant de décoller, Emiliano Sala a envoyé un message vocal à un groupe d’amis. Les paroles de l’attaquant de 28 ans, transmises via la messagerie WhatsApp et révélées mardi soir par le quotidien sportif argentin Olé, apparaissent rétrospectivement glaçantes, mais sont prononcées sur un ton assez calme, et ponctuées de bâillements.

Ce message envoyé en espagnol peut être retranscrit ainsi: «Salut les copains, comment ça va? Je suis mort de fatigue. J’étais à Nantes, occupé toute la journée à faire des trucs, des trucs et encore des trucs. Là, je suis dans l’avion, on dirait qu’il va tomber en morceaux.»

Le joueur de 28 ans explique qu’il doit disputer son premier entraînement le lendemain. On l’entend bailler largement, décrivant toujours plus l’avion comme inquiétant. Mais il le prend plutôt à la légère.

«Si vous n’avez pas de nouvelles d’ici 1h30…»

«Et vous, comment ça va? Ici, on verra ce qui se passe. Si vous n’avez pas de nouvelles d’ici 1h30… Je ne sais pas s’ils vont envoyer quelqu’un pour me chercher si on ne me retrouve plus… Mon Dieu, qu’est-ce que j’ai peur!»

Un terrible pressentiment, certes prononcé avec un détachement étonnant, qui pose déjà de nombreuses questions. La principale: comment un joueur qui venait d’être acheté pour 18 millions d’euros a-t-il pu voyager dans un avion en si mauvais état?

Le légendaire Diego Maradona, lui, a tenté de conjurer cette «malchance terrible» en disant espérer, sur un ton désabusé, que l’avion de tourisme se soit «trompé d’aéroport et qu’on le retrouvera vivant», dans un message audio relayé par le journaliste Martin Arevalo sur Instagram. Une fausse piste puisque les autorités britanniques avaient assuré avoir «appelé tous les terrains d’aviation du sud de l’Angleterre pour savoir si (l’avion) y avait atterri».

Le monomoteur Piper PA-46 Malibu emprunté par le joueur, effectuant le trajet Nantes-Cardiff, a disparu des radars lundi soir vers 20h20 GMT, à une vingtaine de km au nord de l’île anglo-normande de Guernesey. Le contrôle aérien de l’île voisine de Jersey avait précisé lundi soir que l’avion et ses deux occupants, qui volaient dans un premier temps à 5.000 pieds, avaient demandé à descendre et évoluaient à 2.300 pieds avant d’échapper aux radars.

Les recherches, entamées lundi soir, ont duré «quinze heures» et couvert près de 3000 kilomètres carrés, selon la police.

Elles ont dû être interrompues mardi au coucher du soleil, reportant de plusieurs précieuses heures les chances de détecter tout signe de vie. Sous la direction des garde-côtes de Guernesey, avec des moyens britanniques et français, ces recherches devaient reprendre mercredi dès l’aube pour tenter de localiser d’éventuels débris.

«Penser au pire»

S’il est tombé, «l’avion se serait brisé, auquel cas il n’y a pas d’espoir», indiquait mardi soir à l’AFP John Fitzgerald, directeur général de l’agence de secours maritimes Channel Islands Airsearch. De plus, «la température de l’eau est si froide en ce moment que s’ils (les passagers, ndlr) se trouvaient dans l’eau, le froid les aurait maintenant gravement affectés».

«Les heures passent et je ne sais rien, cela me fait penser au pire»: le désespoir du père du joueur, Horacio, en larmes au moment de s’adresser à la presse depuis l’Argentine mardi soir, en disait long sur les chances de survie de son fils.

A Nantes, club que Sala venait de quitter pour s’engager avec Cardiff (formation galloise évoluant en première division anglaise), l’annonce de la disparition de l’avion a rassemblé des centaines de personnes venues déposer mardi soir des fleurs en hommage à leur meilleur buteur, auteur de 12 buts en championnat en une demi-saison.

A Cardiff, l’émotion était également immense trois jours après la signature du joueur, pour un montant estimé par la presse à 17 millions d’euros. Le directeur du club, Ken Cho, s’est dit «choqué». Un supporter, Josh Thomas, s’est lui lamenté en marge d’un autre rassemblement de fans: «Il était non seulement notre transfert record mais aussi celui qui allait retourner la situation et marquer les buts nous permettant de nous maintenir» en Premier League.

Prières

Le 16e de finale de Coupe de France des Nantais contre l’Entente SSG (3e division), prévu mercredi, a été reporté à dimanche, et le foot français a communié mardi, avec de nombreux messages de soutien de la part de clubs et d’acteurs du jeu.

Et provenant de ceux qui avaient côtoyé «Emi». «Je prie pour Emiliano et sa famille», a réagi son ancien entraîneur à Nantes, Claudio Ranieri.

Sur les réseaux sociaux, les messages de soutien affluaient, et une polémique, avec la photo tweetée mardi par la star Cristiano Ronaldo: on le voit se faire un selfie, tout sourire, à bord d’un avion. «Pas le bon jour pour ce tweet. Vraiment pas», a notamment réagi l’ancien joueur anglais Gary Lineker.

Arrivé jeune en France et formé à Bordeaux, puis prêté à différents clubs (Orléans, Niort, Caen), Sala avait avait fini par signer à Nantes en 2015 pour un million d’euros, où il était parvenu à faire oublier ses allures un peu gauches et sa technique rudimentaire grâce à un réalisme précieux.

Après avoir vu s’évanouir la possibilité d’un transfert en Turquie à Galatasaray cet été, il avait finalement obtenu un bon de sortie au mercato d’hiver, au grand dam de l’entraîneur Vahid Halilhodzic, avec lequel il avait tissé une relation forte.

Lundi, il était revenu à Nantes prendre ses dernières affaires avant de rejoindre Cardiff définitivement. Il avait publié une photo de lui entouré de ses ex-coéquipiers, souriant comme toujours.

(Sport-Center/20 minutes/afp)