Un Tambacoundois chez les Chinois, rencontre avec Mouhamadou Bathily établi à Guangzhou

Propos receuillis par Enna / Tambacounda.info /

bathily
Parcours du combattant de Mouhamadou Bathily de Aroundou à Guangzhou

Tambacounda.info a rencontré Mouhamadou Bathily, 32 ans, originaire de Aroundou dans le département de Bakel. Fils du grand marabout du village, il suit un enseignement coranique auprès de son père avant de fréquenter une école arabe dans le village de Ballou puis à Bakel. Il part ensuite à Dakar pour fréquenter l’école franco-arabe de Colobane où il obtient son bac arabe en 1993. En 1996, Mouhamadou commence son parcours du combattant à la recherche du savoir et de l’avoir. « Ma première aventure commence au Gabon de février 1996 à février 1999, puis je suis revenu au Sénégal pour me ressourcer et revoir la famille ».

Mouhamadou ne va pas s’arrêter là, car animé par une forte envie de réussir pour pouvoir un jour aider ses parents qui lui ont tout donné, et ne voyant que l’aventure comme solution, il repart en août 2000 au Gabon et se lance dans le commerce jusqu’en décembre 2003. Il revient au Sénégal pour une pause temporaire avant de décider d’aller à la conquête de l’Afrique de l’Ouest. Il atterrit d’abord au Burkina Faso de juin 2004 à mai 2005, enchaîne vers Bamako au Mali où il passe 5 mois, jusqu’en novembre 2005, met ensuite le cap sur le Niger en décembre 2005 où il reste jusqu’en mai 2006.
Le 5 juin 2006, notre cher aventurier atterrit là où peu de Sénégalais se battent pour aller, en Chine. Lorsqu’on lui demande comment il est arrivé là-bas, il réplique : « J’ai quitté Niamey (Niger) avec mon visa de trois mois pour la Chine en poche. Comme il n’y avait pas de vol depuis Niamey, je me suis rendu à Lomé, capitale du Togo, en passant le Bénin en voiture. De Lomé, j’ai pris l’avion pour la Chine »

Notre aventurier est persévérant. Quand on lui demande comment il a fait pour obtenir le visa pour la Chine, il répond : « A cette époque, avec un registre de commerce prouvant que tu es un commerçant et une lettre d’invitation, on obtenait facilement le visa, sans même besoin d’un intermédiaire. Mais je pense que les choses ont changé maintenant».

Nous comprenons pourquoi Mouhamadou Bathily a saisi l’occasion d’obtenir facilement un visa pour se rendre en Chine. Lorsqu’on lui demande pourquoi la Chine et pas l’Europe, qui est à ce jour la destination prisée par les Sénégalais, que l’on voit même prêts à sacrifier leur vie pour fouler le sol européen, il répond : « L’Europe ne m’a jamais attiré à cause de sa politique hypocrite qui consiste à fermer les frontières aux Africains qui lui ont presque tout donné. De plus, je ne me verrais jamais dépenser entre deux et trois millions pour obtenir un visa européen, à plus forte raison sachant que je peux être humilié par la police européenne et rapatrié à tout moment. En tant que commerçant, c’est inadmissible. Avec une somme pareille, je développe un business sans problème. Et je vous promets que la Chine est la nouvelle destination pour les fils du continent noir. »

Mais quel genre de travail font les Sénégalais établis à Guangzhou ? Mouhamadou nous explique : « D’abord, je peux vous dire que toute l’Afrique de l’Ouest est très bien représentée ici à Guangzhou. Le travail des Africains s’oriente principalement sur deux axes : le transport et le commerce. La majorité d’entre eux viennent avec un fond de commerce, achètent de la marchandise et l’envoient au pays. Cela a permis à beaucoup d’entre nous de créer des emplois au pays, soit en engageant du personnel qui travaille pour nous, soit en ouvrant des boutiques à nos frères ou parents. D’autre part, nous jouons un rôle d’intermédiaire et d’interprète entre les Chinois et nos compatriotes Africains qui débarquent pour acheter de la marchandise ou pour trouver des partenaires. Des Africains qui ont les moyens investissent dans le transport avec des cargos pour envoyer des conteneurs en Afrique. Le seul problème, c’est qu’il est difficile d’importer des marchandises d’Afrique pour les vendre en Chine, car tout est moins cher ici. Il y a une forte communauté Tambacoundoise ici, en majorité des Soninkés de Bakel. Il existe aussi une communauté des Sénégalais de Guangzhou qui se réunit chaque premier samedi du mois pour poser les problèmes des Sénégalais afin de trouver des solutions. Nous sommes environ une centaine de Sénégalais à Guangzhou. Nous vivons bien, en parfaite harmonie, on s’entraide et nous, Tambacoundois, échangeons beaucoup pour le développement de notre cher région. »

Concernant la coopération entre la Chine et le continent Africain qui prend de l’ampleur, tambacounda.info a essayé de savoir si notre Tambacoundois de Guangzhou ressent l’intérêt des Chinois pour l’Afrique à son niveau. Il nous répond à ce sujet avec un ton convaincu et convaincant :

« Les Chinois  ont un réel intérêt pour l’Afrique et aiment travailler avec nous. Les hommes d’affaires et les autorités chinoises nous le montrent tous les jours par des preuves oculaires. Beaucoup de Chinois ont envie de découvrir l’Afrique pour sceller des partenariats. Je pense que là où l’Afrique peut être gagnante, c’est en envoyant nos dirigeants et nos hommes d’affaires en Chine pour voir comment ils travaillent, car ce sont des exemples pour l’Afrique, surtout sur le plan industriel et sur le plan de l’agriculture. Il est temps de couper le cordon ombilical avec l’Europe et de s’ouvrir sur l’Asie. Car je vous dis que la Chine est un pays très développé ».

Comment se passe sa vie à Guangzhou ? «Je peux dire mieux même qu’au Sénégal, parce qu’ici les choses comme les logements, les transports, la nourriture sont beaucoup moins chères qu’en Afrique et nous sommes  bien accueillis par les Chinois. On n’a pas de problèmes avec les Chinois, ni avec les autorités, jamais d’actes de racisme, nous sommes vraiment chez nous ici. »

Propos recueillis par tambacounda.info