[Portrait Tamba Diaspora]: Rencontre avec Ibrahima Ndiaye “Pourquoi pas un jour devenir maire de Tambacounda”

Au fil de ses pérégrinations dans la diaspora tambacoundoise, tambacounda.info ambitionne de présenter à travers des interviews le profil de jeunes cadres dont le cœur et l’esprit restent fortement attachés à leur région natale. C’est au tour de Ibrahima Ndiaye, doctorant en droit, fondateur d’un cabinet conseil en droit en France « Conseil sans frontières ». Dans l’entretien qu’il nous a accordé, ce natif de Tambacounda revient largement sur ses origines, son cursus et entre autres temps forts d’un amour qui l’a conduit à l’étranger, loin de son terroir.

Tambacounda.info: Ibrahima Ndiaye, pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de Tambacounda.info ?

Ibrahima Ndiaye: Je suis natif de Tambacounda, et j’y ai effectué mes études du primaire au lycée. J’ai donc quitté Tambacounda après mon Baccalauréat pour rejoindre la faculté de droit de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. J’habite au quartier dépôt. Toute ma famille vit encore à Tambacounda et d’ailleurs mon oncle Ali Baba NDIAYE fut d’ailleurs un des premiers habitants de Gourel Diadji.


Quels souvenirs marquants gardez-vous de votre vie d’élève à Tambacounda

Je me rappelle par exemple à l’école primaire ou j’ai toujours été premier de ma classe, le gouverneur de la région en personne est venu me remettre un cadeau à l’occasion d’une cérémonie organisée au cinéma dépôt ou l’on récompensait les plus brillants. Au lycée, je me rappelle aussi de notre trio (WAGNE, DIOUF et NDIAYE) et à cause de nous la terminale A3C est la plus connue du lycée par ses sorties  au parc national sans autorisation du proviseur mais le proviseur à l’époque Mr NDIAYE nous pardonnait toujours car notre classe faisait de très bons résultats.


Avez-vous rencontré des obstacles pour partir étudier à l’UCAD?

Quitter Tambacounda pour Dakar a été très dur pour moi d’autant plus que j’ai toujours vécu à Tambacounda et je ne quittai Tambacounda que pour une courte durée pour des vacances scolaires. La simple idée de partir cette fois-ci pour de longues études me suscitait beaucoup d’appréhensions. Je n’ai pratiquement pas rencontré d’obstacles pour partir étudier à l’UCAD, car j’étais déjà orienté en faculté de droit et pour cela le problème de l’orientation est réglé et ensuite j’avais une demi-bourse de 18’OOOcfa. A Dakar, mon oncle aussi m’a beaucoup aidé financièrement et méthodologiquement car il est aussi juriste de formation.


Quels sont, selon vous, les problèmes les plus urgents à régler dans le domaine de l’éducation dans la région de Tambacounda ?

Notre région occupe le 4ème rang en matière de scolarisation du pays. La dispersion et la taille des établissements humains font qu’on trouve rarement de gros villages capables de polariser en cas d’implantation d’école. Il y a aussi de problème de l’alphabétisation, la région est encore à un taux de 21% ce qui montre les importants efforts à déployer les adultes. Enfin la faible fréquentation des établissements scolaires surtout en milieu rural, le nombre élevé d’école à 1 et 2 classes et d’abri provisoire, la réticence de certains parents à scolariser leurs enfants, notamment les jeunes filles, la dispersion de l’habitat et la faible densité de la population, le déficit en équipement et en locaux fonctionnels, le manque d’établissement d’enseignement technique et professionnel, sont autant de facteurs que notre région doit faire face le plus rapidement possible.


Quelles sont les motivations qui vous ont poussé à entreprendre des études de droit dès votre entrée à l’UCAD ?

Depuis le lycée, mon choix était clair et le droit était d’ailleurs la seule option que j’ai cochée et je ne me voyais pas faire autre branche que le droit. Pourquoi ce choix, parce que tout simplement je voulais devenir juge d’instruction et c’est d’ailleurs après mon deug de droit à l’UCAD, j’ai choisi l’option judiciaire en licence pour pouvoir m’orienter vers une carrière en magistrature. J’ai toujours dit soit je serai juge d’instruction, un acteur de l’enquête judiciaire ou à défaut vraiment un auxiliaire de la justice c’est-à-dire un avocat qui apporte son concours au bon fonctionnement de la justice.

Quelles circonstances vous ont amené à Lyon puis à Reims ?

Après une maîtrise en droit «  option judiciaire » à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, j’ai atterri à l’université Jean Moulin de Lyon III pour faire une spécialisation en droit Notarial. La réputation raciste de cette université Bourgeoise m’a poussé à poursuivre mon second cycle à l’université de Reims Champagne Ardenne ou je me sentis toute suite mieux accepter en tant qu’étranger. Avec l’aide de Dieu, j’ai pu obtenir une seconde maîtrise en Droit public car pour moi un vrai juriste doit avoir une double compétence (droit public et droit privé), un DEA en droit interne et actuellement je suis en doctorat de droit privé avec comme sujet la « question des Etrangers en Prison » sous la direction de Martine HERZOG EVANS une des spécialistes du droit pénal et du droit de l’exécution des peines en France. J’ai choisi Lyon pour deux raisons : d’une part Lyon 3 fait parti des plus grandes facultés de droit en France et d’autre part j’avais un ami Tambacounda Diéry Diabaté qui faisait ses études de commerce international à Vienne dans le Rhône Alpes, une localité très proche de Lyon. Le racisme et le négationnisme à Lyon 3 avec la présence des enseignants proches de l’extrême droite m’ont permis à atterrir à Reims et mon intégration dans cette ville a été facilité par un ami Abdoul Aziz Mbaye et aussi de la forte présence d’une communauté africaine.


Les conditions d’accueil que vous avez trouvées en France ont-elles été favorables pour mener vos études?

Quitter son pays pour un autre pays est toujours difficile surtout en Europe ou règnent l’individualisme, le chacun pour soi. J’ai pu surmonter beaucoup d’obstacles avec l’aide du bon dieu et de la bénédiction de mes parents. Je me souviens de ma première nuit passée dans une structure d’urgence avec les SDF car la personne qui devait venir me chercher n’était pas présente et son portable était toujours sur répondeur. Après deux semaines passées à l’Hôtel, j’ai eu la chance de rencontrer à la faculté de droit de Lyon 3 un sénégalo-guinéen du nom de Alpha DIALLO qui a eu la gentillesse de m’héberger chez lui et depuis j’ai commencé à suivre régulièrement mes cours et chercher un job étudiant me permettant de financer mes études.


En tant que doctorant en droit natif de Tambacounda, comptez-vous mettre vos compétences au service du développement de votre région et de quelle manière?

L’idée de participer à tout effort de développement de ma région de quelque manière que ce soit a toujours été une de mes préoccupations majeures. En tant que juriste, je participerai à la vulgarisation du droit dans ma région par la création des maisons de justice ou des points d’accès au droit pour favoriser une justice de proximité. Et ma qualité aussi de chargé de projet d’une ONG de solidarité internationale en France, j’envisage de porter des projets de réhabilitations d’écoles, de constructions de classes, bibliothèques, salles informatiques etc.…dans le cadre du dispositif ville vie vacances/solidarité internationale mais aussi des projets économiques qui seront soutenus par la région île de France dans son dispositif ARAMIS. C’est d’ailleurs dans ce sens que nous sommes actuellement en train de monter un projet d’appui à l’agriculture dans la localité de Boegueul Bamba avec comme partenaire la communauté rurale représentée par son vice-président Monsieur Abdoulaye NDIAYE.


Vous avez créé un cabinet conseil en droit en France « Conseil sans frontières ». Quels sont vos motivations ?

L’idée de création de ce cabinet conseil en France n’est qu’une étape pour moi de me familiariser au métier d’avocat que j’exercerai inchalla après ma soutenance de thèse en droit. Il faut savoir qu’en France quand on soutient une thèse de droit on est dispensé du concours d’avocat et on peut s’inscrire directement à l’école pour suivre la formation. En tant que Juriste salarié intervenant dans une fédération d’associations et aussi d’un point d’accès au droit et de la médiation de Fontenay-sous-Bois, une structure de la ville et du ministère de la justice, je reçois beaucoup de demande de régularisation de titre de séjour, rédige aussi des recours gracieux et contentieux en plus d’informations juridiques dans toutes les domaines du droit destinées aux usagers. C’est dans cette logique que j’ai créé cet organisme de conseil pour aider les personnes en situation irrégulière à accéder au droit à des honoraires très attractifs.


Quelles sont selon vous les personnalités politiques ou de la société civile qui vous inspirent de la confiance, que vous croyez capables de convaincre les TambacoundoisEs et de jouer un rôle positif pour leur région après 2012?

Je pense à Khoureychi THIAM, qui j’espère va continuer à jouer un rôle positif pour la région de Tambacounda si Wade sera réélu car c’est un vrai disciple de Wade qui est toujours sur le terrain mais aussi qui investit pour sa base.

Quelles garanties crédibles, selon vous, ces personnes peuvent-elles offrir ?

Je crois que toute personnalité politique doit assumer, avec courage et détermination, ses options politiques et de le faire dans une démarche pleine de tact, de courtoisie et de lucidité. Ces hommes politiques doivent être des hommes de parole, des hommes de dignité et des hommes intègres et si ces garanties font défaut à quelconque personnalité politique, on ne peut pas parler de crédibilité. La crédibilité est liée à, mais pas le même que l’acceptabilité. Pour être acceptable, une politique ou un politicien doit avoir un minimum d’efficacité et de légitimité perçue. Pour être crédible il faut d’autres qualités performatives qui comprennent les choses comme la rhétorique, le timing, la pertinence, le charisme, l’éloquence, la réactivité, et la vision.


Quels sont vos rapports avec les ressortissantEs tambacoundois de la diaspora ?

J’entretien toujours de très bons rapports avec les Tambacoundois de la Diaspora et d’ailleurs nous organisons tous les samedis du début de chaque mois une rencontre chez un de nos amis Tambacoundois et ceci est une manière pour nous de garder le cordon ombilical avec la solidarité et la fraternité que nous avons connu à Tambacounda. Maintenant avec le développement des réseaux sociaux, je suis parvenu à être en contact avec beaucoup de Tambacoundois de la Diaspora. Je pense notamment à SIGNATE des USA, de Lamine DANFAKHA de l’Espagne etc.… J’ai eu aussi l’occasion de rencontrer Ousmane DIA à Reims lors de son exposition avec l’association rémoise des étudiants africains à l’époque ou Moustapha Kamara était le président de cette association. Je pense aussi notamment à Ibrahima WAGNE qui travaille comme Rédacteur juridique au siège de la sécurité sociale à Bobigny, à Abdoulaye Kasse qui est responsable informatique de SIA, à Diéry DIABATE qui est diplômé en Cuisine.


Quel rôle peuvent-ils/elles jouer en faveur de Tambacounda et quelles sont à vos yeux les limites de l’action menée depuis l’étranger pour votre région ?

Votre question me fait penser tout de suite à cette réflexion que Souty TOURE à l’époque ministre de la protection de la nature m’avait dit au moment ou je quittais Tambacounda pour la France « Mon fils vous pouvez voyager dans beaucoup de pays , mais vous restez toujours d’un pays, d’une région et d’une culture » Quand je pense donc à ce propos de Souty TOURE, je pense que tout Tambacoundois de la diaspora a un rôle à jouer en faveur de la région. Ce rôle consiste à défendre et promouvoir les intérêts économiques, sociaux et culturels de notre région quelque soit notre appartenance politique ou civile. Le constat est que les Tambacoundois de la Diaspora sont dispersés partout dans le monde et certains sont déconnectés de la réalité du pays et ils peuvent restés très longtemps sans partir à Tambacounda. Il n’y a pas assez structures associatives qui réunissent les Tambacoundois sauf pour les rencontres familiales ou cérémonies. L’absence de ce cadre de dialogue permanent et d’informations peut constituer un frein à l’action menée depuis l’étranger pour notre région.


Quel est votre regard sur la génération des 20-40 ans à Tambacounda et quels espoirs fondez-vous dans la relève ?

Je suis confiant en l’avenir de cette génération et donc mon regard ne peut qu’être qu’optimiste. Cette génération a compris que sans elle, Tambacounda ne décollera pas et c’est pour cette raison que ces jeunes Tambacoundois sont impliqués sur tous les débats politiques, économiques et culturels pour défendre l’intérêt de la région.


Quelles sont vos ambitions professionnelles et politiques ?

Sur le plan professionnel, j’exerce déjà le métier de juriste et en même temps je suis sur le point de soutenir mon doctorat de droit pour ensuite intégrer l’école de formation des barreaux à Paris. J’ai déjà effectué un stage d’un mois dans le cadre d’une future collaboration dans le cabinet de Maître Mouhamadou Moustapha DIENG situé en face du palais de justice. J’ai commencé à faire de la politique depuis ma première année de droit au Sénégal et j’ai envie de servir mon pays et plus particulièrement ma région. Pourquoi pas un jour devenir maire de Tambacounda (rires). En France, je continue aussi à faire de la politique et d’ailleurs à cet effet j’ai occupé des postes dans le directoire de campagne d’un ministre et d’un élu. Je compte mettre cette riche expérience politique au service de mon pays et de ma région.

Votre dernier mot ?

Je voudrai tout simplement lancer un appel à tous les Tambacoundois de la diaspora de se mobiliser et de se battre pour le développement de notre région. Il ne faut évidemment pas tout attendre de nos autorités locales mais plutôt penser à ceux que nous Tambacoundois de la diaspora peuvent faire pour notre région et de cette manière nous participerons au rendez vous de ceux qui bâtiront l’avenir de Tambacounda. Enfin, je remercie aussi toute l’équipe de Tambacounda.info qui ne ménagera aucun effort pour gagner la bataille de l’information des Tambacoundois mais aussi de m’avoir accordé cet interview.

Vous êtes tambacoundois ou tambacoundoise de la diaspora,vous voulez avoir avoir votre portrait sur votre site régional, envoyez nous votre CV par email à : info@tambacounda.info et nous prendrons contact avec vous.