[ DOSSIER ] Qui connait le tombeau du 1er Almamy du Boundou ?

Inscrits sur les sites historiques classés du Sénégal, la tombe du 1e Almamy du Boundou El hadji Malick Sy qui recevait jadis des milliers et milliers de pèlerins de tous âges, en provenance des quatre coins du Sénégal et même de la sous région, est aujourd’hui en état de désuétude total. Votre serviteur est allé à la découverte du tombeau nichée dans une forêt touffue du village de Wouro Himadou, l’un des plus anciens village du Boundou situé à sept kilomètres de la commune de Kidira.

Dossier réalisé par Ousseynou Diallo pour Tambacounda.info

Après 7 kilomètres de route en provenance de Kidira sur la nationale n°1 qui mène vers Bakel, le village de Wouro Himadou offre à sa droite un virage pour le moins brusque. Sur cette piste entourée d’un tapis herbacé haut et touffu, les véhicules et autres motocyclistes éprouvent beaucoup de mal à emprunter les contours ondoyants. Ça cahote et ça hoquette. Après avoir parcouru une vingtaine de minutes à bord d’une moto « Jakarta » dans ce labyrinthe, s’offre un spectacle surprenant. Peuplé uniquement de Peul, Wouro Himadou, l’un des plus grands villages du Boundou situé dans la nouvelle Communauté rurale de Bélé, abrite un site historique. Le tombeau du 1e Almamy du Boundou, l’ancien érudit de l’Islam. Erigé en chef-lieu d’arrondissement, le village connaît un accès difficile du fait de l’état défectueux de la route.

Le tombeau et l’histoire d’Elhadj Malick Sy méconnus des jeunes du village

On ne connait pas encore le tombeau d’Elhadj Malick Sy. En exclusivité, votre serviteur s’est rendu dans un des grands villages du Boundou qu’est Wouro Himadou où le premier Almamy du Boundou a été enterré. Dans ce grand hameau, coincé derrières les hautes collines dénommées Goumba Koba sur la RNN°1 avant Bakel, ils ne sont pas nombreux parmi les jeunes qui ont connu ce tombeau. Au travers d’une petite causerie sur place avec les habitants du village, les adolescents n’ont aucune connaissance du lieu où se trouve le tombeau d’Elhadj Malick Sy. « Oui, nous avons entendu parler du tombeau. C’est notre Almamy », ou « C’est un érudit de l’Islam, mais nous avons entendu parler du tombeau et de l’histoire d’Elhadj Malick Sy. Malheureusement, Nous n’avons jamais été sur les lieux et nous avons aucun souvenir de cet homme », racontent Abdoul et Hamidou, les deux rares jeunes du hameau chargé d’histoire. Il a fallu se rabattre sur un enseignant du village. Après avoir décliné notre identité et l’objet de notre visite, cet enseignant à bord de sa moto « Jakarta » n’a pas mis du temps pour nous conduire le lieu où se trouve le tombeau du premier Almamy du Boundou. Y accéder est une véritable paire de manche. Pourtant, l’endroit n’est qu’à environ 2 kilomètres du village de Wouro Himadou, mais le chemin qui y mène est parsemé d’embûches. Il faut aux conducteurs de véhicules, de vélos ou de motocyclistes et autres personnes qui empruntent ce site historique s’armer de beaucoup de courage. Avec la densité de la végétation, l’enchevêtrement des branches des arbres fait qu’il est difficile d’avancer à certains endroits. A une trentaine de mètres du site, ce sont des roches situées à gauche qui s’offrent au visiteur. A droite, se trouve le site tant recherché par votre serviteur. En continuant, un caïlcédrat géant se dresse devant vous et qui fait face au tombeau.

Un tombeau qui n’honore pas le Boundou

Le visiteur qui débarque pour la première fois au tombeau d’Elhadj Malick Sy, premier Almamy du Boundou, non seulement est frappé par les conditions éprouvant d’accès au site, mais l’état dans la quelle se trouve le tombeau inquiète. Le site historique est niché au milieu d’un paysage verdoyant mais touffu.


« C’est scandaleux et indescriptible », selon l’enseignant Sega Camara

L’enseignant trouve par ailleurs « scandaleux » qu’après une mission bien accomplie, on retrouve la tombe du 1e Almamy du Boundou dans la forêt touffue du village de Wouro Himadou et dans un état indescriptible. « C’est une insulte pour tout le Sénégal. C’est le summum de l’irresponsabilité de tous les fils du Boundou en particulier et de l’Etat en général », a-t-il indiqué. Raison pour la quelle, il estime que tous les fils du Boundou doivent se ressaisir le plus rapidement possible pour réparer cette injustice. Qu’ils soient au Sénégal ou de la diaspora, M. Camara déclare ne pas comprendre qu’ « un grand homme et érudit digne de ce nom puisse dormir dans cette forêt touffue ». Avant de se demander comment peut-on « isoler cette tombe dans un état indescriptible avec tout ce qu’Elhadj Malick Sy a fait pour notre pays ? Comment peut-on se permettre de se résigner à son isolement pour des raisons d’incuries, d’incompétence pure et simple ? », s’interroge-t-il.

 

Elhadj Malick Sy enterré dans le secret

Selon Opa Guiro, fonctionnaire international en retraite  et petit fils du 1e  Almamy du Boundou, « la dynastie des Sy s’est installée au Boundou où vivaient les Fadoubés et les Guirobés à partir d’Elhadj Malik Sy, fils de Daouda Boucar originaire de Siyouma prés de Podor. Elhadj Malik Sy est arrivé au Boundou au 17e siècle et a vécu jusqu’aux environs de 1699. Il a guerroyé contre la dynastie des Bathily pour contrôler le territoire du Boundou et c’est lors d’une des batailles menées contre ces derniers prés de la colline dénommée GOUMBA KOBA tout prés du village de Wouro Himadou qu’il fut tué au environ de 1699. Son fils, Boubou Malik Sy qui poursuivait des études coraniques au Fouta Djalon où sa sœur était mariée dans une des familles régnantes, ayant appris le décès de son père, leva une armée avec l’appui des beaux parents de sa sœur, revint au Boundou où il vengea son père en exterminant l’un après l’autre les membres régnant de la Dynastie des Bathily.

Elhadj Malik Sy ayant été enterré dans le secret pour que son corps ne tomba pas aux mains de ses ennemis, le lieu de sa tombe demeura inconnu jusqu’à ce qu’un de ses arrières petits fils, El Hadji Hamady Sega Sy, chef du Canton du Boundou Septentrional, le fit découvrir en 1945 par un marabout Soninké renommé pour sa connaissance pour tout ce qui concerne la recherche d’objets ou de lieux par le Sellou Ballou. Les personnes suivantes ont été parmi ceux qui eurent l’honneur de porter sur leurs épaules le SALLOU BALLOU : Samba Thioulou Fofana du Village de Sambacolo, Hamet Dabo du village de Diboli Foulbé et Amadou Mody Mangane du village de Wouro Himadou.Tous les villages du Boundou ont convergé à Wouro Himadou, l’un des plus anciens villages du Boundou pour assister à cet événement mémorable. Il faut noter que les Sy du Boundou et ceux de la Famille Sy de Tivaouane descendent tous de ce feu El  Hadji Malik Sy Daouda Boucar Diam Sy ».

Le Boundou, premier Etat Théocratique

Selon les traditions, le Boundou a été fondé vers la fin du 15e siècle par le marabout Torodo Malick Sy, lui- même fondateur de Ciouma avec son frère Aly Boucar. Le Boundou fut le premier état théocratique au Sud du Sahara. Région frontalière et véritable carrefour de civilisation le Boundou semble avoir été occupé dès l’aube pléistocène (1,8 millions à 11 000 ans avant notre ère) à la suite de conditions géologiques et biogéographiques favorables. Très vite, il a fourni un milieu adéquat aux activités de l’homme préhistorique et est fait de nos jours le point d’ancrage du paléolithique au Sénégal. C’est d’ailleurs sur le site de GUITA à 40 Kilométre en amont de SARE entre KIDIRA et SENEDEBOU, qu’il a été découvert un hachereau typique, ce qui correspond au paléolithique inférieur (1 million à 200 000 ans avant notre ère). De même, sur les sites de Nayé, Diboli, Sanssade… une industrie lithique riche et variée y a été découverte, ce qui atteste d’une part la succession de plusieurs civilisations et montre également que le Boundou a été le cadre de refuge, un lieu d’épanouissement de la culture avec une grande diversité ethnique.

La légende rencontre que lorsque Malick Sy foula le sol du Boundou, il y trouva une vieille dame du nom de Coumba Ndao, assise auprès d’un puits traditionnel, seul point d’eau potable à mille lieux à la ronde. Coumba Ndao, vivait avec les siens, les Fadoubés, dont elle était la doyenne. Elle autorisa Elhadj Malick SY et ses hommes à se désaltérer de l’eau du puits, dont elle était la gardienne. L’eau y était douce avec un goût de cristal. En guise de remerciement pour cette hospitalité spontanée, Malick Sy proposa à Coumba Ndao de lui faire une margelle pour protéger les rebords du puits afin d’éviter les éboulements. En reconnaissance, Coumba Ndao décide que désormais son puits s’appellera Boundou Coumba Banadou Boubou Malick Sy. Telle est la légende qui explique l’origine du nom de Boundou, puits en Pulaar, qui donna son nom à cette contré devenu le Boundou Au delà du mythe, l’histoire de Coumba Ndao nous édifie sur les premiers habitants du Boundou : les Fadoubés. A coté des Fadoubés, existait un autre peuple autochtone du Boundou dont les populations, selon la légende, vivait dans les grottes : les Guirobés. A cette époque ce territoire se trouvait dans la mouvance du défunt empire du Mali l’absence de toute structure politique organisée favorisa  l’établissement pacifique le Imam Malick Sy et de ses hommes. L’objectif de l’Imam Malick Sy était clair : continuer la propagation de l’Imam dans cette contrée et y ancrer l’enseignement du coran.

El Hadji Hamady Sega Sy commis expéditionnaire qui devient chef de canton du Boundou

Petit fils de l’Almamy Bocar Sada, Roi du Boundou, El Hadj Hamady Sega Sy est né en 1912 à Sénédébou, dans le département de Bakel. Agrée en qualité de Commis Surnuméraire par le décret numéro 3617 du 13-11-1930, il est nommé commis expéditionnaire le 1er Janvier 1933 et fut intégré dans le cadre commun supérieur des SAFC en 1945. Après avoir gravi, à la satisfaction des autorités coloniales d’alors, tous les échelons de la hiérarchie, il occupa les fonctions suivantes : De 1930 à 1935 : chargé du secrétariat au parquet du tribunal de première instance de Saint-Louis. Il n’avait alors que 18 ans. De 1935 à 1937 : Secrétaire des Tribunaux Indigènes (1ère et 2ème degrés) du Cercle de Bakel. De 1938 à 1941 : Secrétaire Interprète des Tribunaux Indigènes du 3ème groupe des cercles du Bas Sénégal. Dagana, Louga, Linguère. Nommé Chef de Canton Stagiaire du Boundou Septentrional, le 29 Juillet 1941, puis titularisé un an plus tard. Le jeune fonctionnaire d’élite, Hamady Sega Sy, énergique, plein d’allant, vertueux fut un efficace auxiliaire de la Justice. Convoqué par l’autorité de tutelle pour l’essayage de tenues officielles entre autres, sur le chemin du retour, El Hadji Hamady Sega Sy, en compagnie de son frère et ami Papa Bathily, ont été ravis à notre affection le vendredi 17 Mars 1961, aux environs de 17 h 30 mn à hauteur de Koungheul à la suite du  renversement du véhicule du Député Maire Abdoulaye Bâ, à bord duquel ils se trouvaient. Un vendredi du mois bénit de Ramadan ; alors qu’il observait le jeûne et venait de sacrifier à la prière le vendredi à Kaolack. Il a été inhumé, avec les honneurs, dans le caveau familial de Sénédébou, en présence des membres du Gouvernement dont Maître Valdiodio Ndiaye, Ministre de l’Intérieur et Seydou Nourou Tall, chef Religieux.

On notera que le gouvernement avait mis à la disposition de l’ensemble des Sénégalais un train spécial de Dakar à Kidira pour les condoléances. Musulman fervent, l’image d’El Hadji Hamady Sega Sy, père de famille rigoureux, attentionné à l’endroit des siens et de ses proches, restera gravée à jamais dans la mémoire collective des Sénégalais en général et des « Boundoukés » en particulier, par son abnégation, son amour du prochain, son sens de l’équipe proverbial et de son élégance. Sa renommée l’avait propulsé aux postes élogieux de membre du Conseil des Notables et du Conseil d’Administration de la Société de prévoyance et trésorier de l’Association des Anciens Chefs de Canton du Sénégal. Il venait d’accomplir ses 28 ans, 2 mois et 16 jours de bons et loyaux services sanctionnés par les distinctions Chevalier du Nicham EL Anouar, Chevalier de l’Etoile Noire du Bénin, Chevalier de la Légion d’Honneur. Il laissa quatre (4) femmes et seize (16) enfants dont Monsieur Anoune Sy actuel Président d’Honneur du CODEB que nous avons rencontré à Kidira avant de nous conseiller de nous rapprocher auprès d’Opa Sy, petit fils d’Elhadj Malick Sy.

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