Assises de Tambacounda: Un million à payer pour Diary Bâ, libre après 2 ans en prison

L’accusée Diary Bâ recouvre la liberté, après avoir écopé de deux ans de prison ferme, soit l’équivalent de la peine, que lui a infligée, vendredi à Tambacounda, la Cour d’assises de Kaolack, qui l’enjoint par la même occasion à payer un million de francs à titre de dommages et intérêts au mari de la victime, qu’elle a tuée lors d’une bagarre.

Sa coaccusée Houlèye Dème, poursuivie pour violation de domicile et coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de 60 jours, a, elle, pris 6 mois d’emprisonnement ferme.

Tout commence le 27 avril 2012, jour où des éléments de la brigade de gendarmerie de Goudiry sont informés d’une bagarre au domicile d’un émigré, laquelle avait fait plusieurs victimes, dont un mort.

C’est à la suite à d’un incident entre Sira Dème et Sokhna Soumaré, deux coépouses habitant dans une même maison conjugale, que Diary Bâ, mère adoptive de la seconde, avait quitté Tambacounda pour Goudiry, afin de porter plainte contre Sira Dème.

Elle en avait été dissuadée par les notables du voisinage, qui avaient d’ailleurs participé à la réconciliation des deux coépouses. Et le lendemain, Diary Bâ avait décidé de rentrer chez elle. Mais faute de véhicule en partance pour Tambacounda, elle avait été obligée de retourner chez sa fille adoptive, en attendant le moment opportun.

Cependant, pendant qu’elle dormait dans la chambre de sa fille adoptive, Houlèye Dème et Racky Dème, deux sœurs de Sira Dème, les ont attaquées. Houlèye Dème, armée d’un pilon, blesse alors Sokhna Soumaré au bras droit et au tibia gauche, alors que Racky Dème s’acharne avec un morceau de bois de chauffe sur Diary Bâ, lui en donnant un coup à la tête.

Brusquement réveillée, Diary se saisit de la même arme pour riposter en tapant sur la tête de son agresseur, ce qui la plongea dans le coma, jusqu’à sa mort dans la nuit du 29 au 30 avril 2012, à l’hôpital régional de Tambacounda.

Interrogé, le mari de Racky Dème, Sadio Fily Mangane, avait indiqué que son épouse lui avait demandé la permission d’aller voir ses parents à Lougué (Communauté rurale de Boynguel). C’est par la suite qu’il avait appris qu’elle s’était battue à Goudiry et avait subi de graves blessures.

Concernant l’origine du différend, Sokhna Soumaré déclarait qu’après un appel téléphonique reçu de leur mari se trouvant en France, sa coépouse Sira, estimant avoir été mise en mal avec son époux par sa coépouse, lui avait infligé une sévère correction, à l’aide d’une corde.

Informée de cet incident, sa mère adoptive, qui résidait à Tambacounda, était venue à Goudiry, où des pourparlers avaient finalement permis d’aplanir les divergences. Selon Sokhna Soumaré, la sœur de sa coépouse vivant en France l’avait appelée au téléphone pour la menacer de mort. C’est par la suite que Racky Dème et Houlèye Dème sont venues du village de Lougué, pour résoudre le problème à leur manière.

Elles sont directement allées à la cuisine, où Houlèye Dème s’est saisie d’un pilon et Racky Dème d’un morceau de bois de chauffe. Elles se sont ensuite introduites dans la chambre de Sokhna Soumaré où elle était avec sa mère, qui dormait.

Au moment où Racky voulait porter un coup à la tête de Sokhna, elle glissa et le bâton tomba sur le tibia de cette dernière qui poussa un cri qui réveilla sa mère adoptive, couchée à même le sol. Racky, surprise par la présence de la mère de Sokhna, s’était retournée vers elle pour lui donner deux coups de bâton à la tête.

A la barre, Houlèye indique qu’elle était sous la douche, et quand elle en est sortie, elle a vu sa sœur Racky gisant dans une mare de sang. ‘’J’ai pris un pilon et j’ai en frappé Diary Bâ, pour ensuite m’enfuir et m’enfermer dans la chambre de Sira, parce qu’elle me poursuivait pour se venger’’.

‘’Qu’étiez-vous allées faire à Goudiry ?’’, demande le président de la Cour Pape Ibrahima Ndiaye à Houlèye Dème. ‘’On était allait voir notre sœur, parce qu’on avait entendu qu’elle s’était battue avec sa coépouse’’.

Mais pour le juge, c’est comme si les deux sœurs étaient venues en ‘’expédition punitive’’, dans la mesure où elles auraient pu se rendre au jardin quand on leur avait dit que leur sœur, qu’elles étaient venues voir s’y trouvait.

Pour l’avocat général, aucun élément ne précise les circonstances de la mort de Racky Dème. ‘’Lorsqu’il y a coups et blessures réciproques, c’est un combat dans un tunnel noir et on s’en tient au résultat. Sous ce rapport, la seule constante, c’est qu’il y a eu homicide. Pour lui, autant on ne peut parler de provocation, autant la légitime défense est écartée. Il a ajouté que Racky a eu moins de chance que Diary Bâ, mais que cette dernière aurait pu finir comme elle.

L’intention de donner la mort n’étant ‘’pas caractérisée’’, selon lui, il a demandé que le chef de meurtre dont est accusée Diarry Bâ, soit requalifié en coups et blessures ayant entraîné la mort, sans intention de la donner, et de la condamner à 30 mois ferme. Il a requis que soit disqualifié le chef de violation de domicile imputé à Houlèye, et de la déclarer coupable de coups et blessures contre Sokhna Soumaré pour la condamner à 8 mois ferme.

Le conseil de Houlèye, Me Lady Bâ, a plaidé dans le même sens de la disqualification du délit de violation de domicile, pour ne retenir contre sa cliente que le délit de coups et blessures volontaires. Il a demandé une ‘’application bienveillante’’ de la loi à l’égard de cette mère de sept enfants, qui ‘’n’a pas fini de porter le deuil de sa sœur’’.

Me René Ndiaye, qui assure la défense de Diarry Bâ, a invoqué l’article 309 du Code pénal qui prévoit des circonstances atténuantes au cas où les coups sont provoqués. Il a relevé que Diary n’est pas une criminelle en puissance, mais elle a eu une ‘’réaction naturelle’’, en répondant ‘’coup pour coup’’. Il a aussi jugé ‘’disproportionnés’’ les 2 millions réclamés à sa cliente par le mari de la défunte, à titre de dommages et intérêts, estimant qu’un ‘’franc symbolique’’ aurait suffi.

La Cour a déclaré Diary Bâ coupable de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, la condamnant à 2 ans de prison ferme et à payer un million de francs CFA à titre de dommages et intérêts au veuf de la défunte. Quant à Houlèye Dème, elle a été condamnée à 6 mois ferme, mais relaxée du délit de violation de domicile.

Toutes deux recouvreront la liberté, parce qu’ayant déjà purgé leurs peines respectives.

ADI/ASG / APS /