Kédougou, une région au potentiel gigantesque non exploité

 

 

Afrik.com propose cet article dans un dossier spécial sur la région de Kédougou, la plus pauvre du Sénégal mais pleine de charme. A près de 700 kilomètres de Dakar, elle est située dans l’est du Sénégal, à la frontière avec le Mali. Une région tout à fait à part dans le pays de la Téranga. Visite guidée.

A Kédougou

Elle est encore méconnue par nombre de Sénégalais, qui se demandent si Kédougou n’est pas une région du Mali. Pourtant, elle fait bien partie du Sénégal. Même si elle est à plus de 700 kilomètres de Dakar, à l’autre bout du pays de la Téranga, dans l’est, à la frontière avec le Mali. Elle est très spécifique avec ses nombreuses cases au cœur du centre-ville, qui attirent l’attention. Sa terre rouge, et la chaleur étouffante en période sèche, donne l’impression d’être sur le sol malien. Ici, pas de goudron à l’horizon. On circule surtout à vélo, ou en mobylette. Des moyens de transport appréciés par les femmes, qu’on aperçoit régulièrement en mobylette ou moto. Au moindre passage des voitures, un nuage de poussière est soulevé et on le ressent jusque jusque dans les narines.

« Kédougou est comme une vieille dame, elle a mal partout »

A Kédoudou, on a l’impression que rien n’a été fait depuis l’indépendance du Sénégal, en 1960. Il n’y a pas un hôpital, juste un dispensaire et quatre médecins pour toute la région. Et même pas un pédiatre, alors que les enfants en bas âge sont plus nombreux que les adultes. Il n’y a pas d’éclairage public non plus. A 19h c’est le noir complet. Quelques campements en guise d’hôtel sont par-ci par-là. Même pour accueillir le président de la République, c’est un problème car il n’y a pas les infrastructures qu’il faut pour accueillir un homme d’Etat.« Certains élus, provenant de Dakar, passent la nuit dans des régions proche, mais pas à Kédougou », selon Boubane Kaly, natif de la région, jeune étudiant à l’université cheikh Anta Diop. « Kédougou est comme vielle dame, elle a mal partout, tout est à faire dans la région », déplore Médoune Niang, natif de Dakar, désormais installé avec sa famille dans la région.

Paradoxalement, derrière cette apparente pauvreté matérielle, c’est sans doute l’une des régions les plus riche du Sénégal. Kédougou, c’est avant tout une population très chaleureuse, souriante, accueillante malgré la rudesse de la vie quotidienne jalonnée par la misère et la pauvreté. Ici on a encore le temps de se dire bonjour, de prendre des nouvelles des uns et des autres, de discuter, de se taquiner. Une vie paisible, bien loin du brouhaha de Dakar, qui grouille de monde, où le stress est permanent. Médoune Niang, qui a abandonné la capitale pour venir travailler à Kédougou, en sait quelque chose. « Quand j’ai décidé de venir ici, tout le monde m’a pris pour un fou à Dakar. Les gens ne me comprenaient pas et me disaient : “Mais qu’est-ce que tu vas faire là-bas ? Il n’y a rien la bas, tu vas souffrir”. Aujourd’hui, je ne regrette pas mon choix, j’ai le temps de faire mon travail, et ensuite de m’adonner à l’agriculture. J’ai d’ailleurs plusieurs projets en tête. Je vais maintenant rarement à Dakar, où la vie est devenue trop stressante. Certains de mes amis là-bas ont pris un vrai coup de vieux », raconte-t-il. Bien qu’il admette que la vie n’est pas « simple à Kédougou, car il y a tout à faire et à construire, et qu’après le boulot, il faut trouver une occupation pour ne pas s’ennuyer », il estime que « la qualité de vie y est meilleure qu’à Dakar ».

Un sous sol riche

Kédougou, c’est aussi une population métissée : peuls, malinké, bassary, sans compter des minorités, qu’on ne trouve que dans la région et nulle part ailleurs. Tous cohabitent en harmonie. D’ailleurs, ici on passe d’une langue à une autre, du peul au wolof, du malinké au bassary, parfois de l’espagnol au portugais, sans compter le joli français académique parlé par les habitants, dont seuls eux ont le secret. Selon Tama Bindia, ex-adjoint au maire, en ce moment conseiller municipal, « ce n’est pas étonnant qu’ici les gens parlent bien le français alors que certains n’ont pas fait de longues études. Ici, il y a plusieurs langues qui se côtoient, on parle français quand on ne comprend pas notre interlocuteur. Sans compter que l’église a joué un grand rôle, pendant longtemps, dans l’enseignement du français dans la région. C’est un héritage qui est resté aujourd’hui encore ».

Kédougou, c’est aussi une région riche en or, en marbre, en phosphate, en cuivre, en fer. Elle est aussi dotée de magnifiques chutes et lacs qui invitent au voyage et font rêver. Mais Kédougou ne serait pas Kédougou sans sa dense forêt, luxurieuse qui attire chaque année de nombreux touristes occidentaux qui y viennent chasser le phacochère. « C’est surtout la chasse qui intéresse les touristes dans la région », explique Daniel Diallo, jeune guide touristique, soulignant qu’ « ils viennent de tous les pays, Espagne, Portugal, France, Etats-Unis ». Malheureusement, le potentiel touristique de la région n’est pas bien exploité. « Il n’y a pas d’hôtels et infrastructures qu’il faut pour accueillir les touristes occidentaux et les mettre dans de bonnes conditions », déplore Tama Bindia, actuellement conseiller municipal à la mairie de Kédougou.

« Les politique ignorent Kédougou, car il n’y a pas d’enjeu électoral »

Kédougou, c’est aussi un potentiel agricole extraordinaire avec une longue saison d’hivernage, où il pleut au moins de juillet à octobre, avant le retour de la chaleur suffocante. « Durant la saison d’hivernage, la région est particulièrement belle, il y a de la verdure partout, le climat est frais. Quand Dakar est en période de forte chaleur, c’est à Kédougou qu’il faut venir, car il fait vraiment bon vivre », témoigne Ndiaga Hane, conseiller de développement en agriculture dans la région. Mais là encore, « l’Etat n’a pas su exploiter se filon, alors qu’on peut produire énormément de riz dans la région », selon lui.

Malgré toutes ces richesses naturelles et un potentiel non considérable, Kédougou reste bien la dernière roue du carrosse du Sénégal. La région a longtemps été boudée, notamment par les hauts fonctionnaires de Dakar. Selon le responsable local Tama Bindia, « personne ne voulait venir à Kédougou. J’ai vu des intellectuels pleurer après avoir été affecté ici. D’ailleurs, quand on affectait quelqu’un à Kédougou on disait qu’on voulait punir la personne. Etre affecté à Kédougou était comparable à être banni du pays, à l’exil forcé ». Pour Boubane Kaly, qui oeuvre au quotidien pour le développement de la région, « ce n’est pas étonnant que Kédougou soit toujours dans cet état, les politique ignorent complètement de la région car il n’y a pas d’enjeu électoral ».

Kédougou est en fin de compte comparable à un diamant brut toujours en attente d’être poli pour révéler toutes sa splendeur.

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