Réformes institutionnelles : la loi organique portant organisation et fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature.

 

Me Sidiki Kaba n’a pas voulu s’arrêter en si bon chemin en termes de réformes institutionnelles qu’il a entreprises et défendue devant la représentation nationale. La loi organique portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la Magistrature est en effet adoptée le 6 décembre 2016. Tambacounda.info revient sur la substance des innovations majeures de cette loi.

Le rapport 2016 du ministère de la justice indique que les réformes entreprises à travers cette loi organique concourent « au renforcement de l’indépendance des magistrats, à une gestion plus transparente de la carrière des magistrats et à l’instauration de meilleures garanties dans les procédures pénales et disciplinaires dirigées contre des magistrats ».

Cinq mesures innovantes sont mises en relief. Il s’agit de l’augmentation du nombre de membres élus au sein du Conseil supérieur de la Magistrature qui est passé de 3 à 4 magistrats « pour prendre la massification du corps avec un nombre plus important des magistrats du deuxième grade qui auront ainsi 2 représentants élus au sein du Conseil supérieur de la Magistrature ».

Puis, l’on retiendra la fixation des modalités de désignation des membres élus du Conseil supérieur de la Magistrature. « Désormais les membres élus au Conseil supérieur de la Magistrature le seront pour 3 ans, renouvelable une fois, et non 4 ans sans limitation pour le renouvellement », lit-on dans le rapport non sans rappeler que « les membres de droit sont le Président de la République (président), le Ministre de la Justice (Vice-président), les Chefs de Cours (le premier président de la Cour suprême, le procureur général près la Cour suprême, les premiers présidents et les procureurs généraux près les cours d’appel.

Il s’ensuit l’instauration d’une majorité qualifiée (2/3) pour les décisions de révocation ou de mise à la retraite d’office prononcées par le Conseil supérieur de la Magistrature. Le rapport 2016 du ministère de la Justice laisse entrevoir que « cette mesure participe ainsi de la volonté de garantir plus de transparence dans la gestion de la carrière et éviter des décisions arbitraires ». En outre, « le conseil de discipline statue hors la présence du Président de la République et du Ministre de la Justice », indique le rapport non sans préciser qu’ »il est alors présidé par le premier président de la Cour suprême si le magistrat qui comparait est un juge du siège. S’il s’agit d’un magistrat du parquet, de l’administration centrale du ministère de la Justice, en position de détachement ou de disponibilité, le Conseil de discipline est présidé par le procureur général près ladite Cour ». Sous ce rapport, « pour délibérer valablement, le conseil de discipline doit comprendre, outre son président, au moins les deux tiers de ses membres ». Alors, « les sanctions sont prises à la majorité. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante. Toutefois, la mise à la retraite d’office et la révocation ne peuvent être prononcées qu’à la majorité des eux tiers des membres présents et votants du conseil de discipline ».

L’autre mesure innovante est inhérente à l’encadrement des délibérations du Conseil supérieur de la Magistrature pour lesquelles il est désormais exigé un quorum. « Pour délibérer valablement, le Conseil supérieur de la Magistrature doit comprendre, outre son président, au moins les deux tiers de ses membres. Lorsqu’il statue sur la nomination des magistrats, le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par le Président de la République ».

Enfin, il y a la consécration d’un droit de recours contre les sanctions disciplinaires prononcées par le Conseil supérieur de la Magistrature exercé devant la Cour Suprême. « Désormais, toute décision du Conseil de discipline peut être portée devant la chambre administrative de la Cour suprême », ce qui n’existait guère.

De la loi organique portant Statut des magistrats.

Le Garde Des Sceaux l’a défendue à l’Assemblée nationale le 5 décembre 2016 et le Président de la République l’a promulguée le 17 janvier 2017.

Le constat est peu reluisant, 494 magistrats pour 13 millions d’âmes et pour faire fonctionner 90 juridictions avec la nouvelle carte judiciaire. Comme alternative à cette situation, 8 innovations sont également introduites dans la loi organique portant Statut des magistrats.

  1. L’âge de la retraite maintenu à 65 ans avec toutefois la fixation à 68 ans de la limite d’âge des magistrats occupant les fonctions de premier président, de procureur général, de premier avocat général et de président de chambre à la Cour suprême.

« Cette mesure est élargie aux magistrats exerçant les fonctions de premier président et de procureur général d’une Cour d’appel », indique le rapport, et c’est pour « corriger les effets des départs massifs à la retraite, surtout des hauts magistrats ». Dans ce sillage, « un plan stratégique de recrutement jusqu’à l’horizon 2030 a été soumis au Président de la République pour autorisation de recrutement de 35 magistrats et de 40 greffiers par an ».

  1. L’encadrement de la notion de « nécessité de service »

« Désormais, le magistrat du siège ne peut être déplacé provisoirement pour nécessité de service qu’après une caractérisation de ces nécessités par le Conseil supérieur de la Magistrature et uniquement pour un emploi supérieur ou équivalent et pour une durée ne pouvant excéder 3 ans », précise le rapport

  1. La revalorisation de certains emplois judiciaires et la prise en compte de certaines fonctions dans les emplois judiciaires

De nouveaux emplois judiciaires sont créés car « il existe aujourd’hui six Cours d’appel (Dakar, Kaolack, Saint-Louis, Thiès, Ziguinchor et Tambacounda). Des tribunaux d’instance et de grande instance sont crées, et il en est ainsi pour les fonctions d’inspecteur général adjoint de l’Administration de la Justice, de Premier avocat général près d’une Cour d’appel, de Conseiller référendaire à la Cour suprême, de premier vice-président et vice-président dans les tribunaux d’instance, de Procureur de la république adjoint et premier substitut dans les tribunaux de grande instance, entre autres.

  1. L’abaissement de l’annuité pour l’accession à la hors hiérarchie

Pourront être promus les magistrats totalisant 18 ans de carrière et non 21. « Désormais aux termes de l’article 87 du Statut, les magistrats qui auront compté trois ans d’ancienneté dans un emploi du premier groupe du premier grade peuvent être nommés hors hiérarchie. Il est de même pour le temps de passage au niveau du premier grade, au lieu de sept (7) années de présence effective à ce stade. Il est ramené à six (6) années. Aussi, il faudrait noter la réduction du nombre d’échelons du deuxième grade de six (6) à cinq (5) », relève le rapport.

  1. L’encadrement de l’évaluation et de la formation professionnelle des magistrats.

Le rapport mentionne que « les magistrats vont passer du système de notation réglé par les articles 33, 34, 35 et 36 de la loi organique n°92-27 du 30 mai 1992 à celui d’évaluation prévu par les articles 43 à 47 de la loi organique portant Statut des magistrats. Ce système d’évaluation qui inclut même les magistrats en détachement permet de mieux apprécier les qualités professionnelles et les aptitudes personnelles des magistrats. Les notes et les appréciations seront communiquées aux magistrats qui auront un droit de recours auprès du chef de la juridiction supérieure. L’évaluation sera désormais fondée sur les qualités professionnelles et le mérite pour chaque magistrat.

  1. L’instauration garantie de procédure aux magistrats poursuivis pénalement.

Pour poursuivre un magistrat, il faut l’autorisation du Ministre de la Justice. Selon les dispositions prises à l’article 25 du Statut, « le magistrat qui commet une infraction pénale, ne peut être poursuivi que sur autorisation du Ministre de la Justice », une disposition qui n’existait guère dans le texte de 1992  qui ne prévoit que la procédure de poursuite pénale devant la Cour suprême, notamment devant la chambre criminelle de la Cour suprême, et les poursuites sont engagées par le procureur général près ladite Cour.

  1. Limitation dans le temps de la mesure d’interdiction d’exercer d’un magistrat.

La possibilité offerte au Ministre de la Justice « d’interdire au magistrat, faisant l’objet d’une enquête à la suite d’une plainte ou lorsqu’il est informé des faits paraissant de nature à entrainer des poursuites disciplinaires, l’exercice de ses fonctions jusqu’à décision définitive sur l’action disciplinaire en cas d’urgence et sur proposition des chefs hiérarchiques, est maintenant encadrée dans le temps, souligne le rapport.

« En effet, si à l’expiration d’un délai de trente (30) jours, le Conseil de discipline n’a pas été saisi par le Ministre de la Justice, l’interdiction temporaire cesse de produire ses effets de plein droit », lit-on dans le rapport qui poursuit, « l’autre innovation est que, pour ce qui concerne les magistrats du siège, cette mesure ne peut intervenir qu’après avis du Conseil supérieur de la Magistrature.

  1. Un meilleur encadrement de l’Honorariat dans la Magistrature.

« Le magistrat qui cesse définitivement ses fonctions peut, sur proposition du Ministre de la Justice ou à sa demande, se voir conférer l’honorariat, soit dans son grade, soit le grade supérieur.

Toutefois, l’honorariat peut être refusé au moment du départ du magistrat par décision motivée de l’autorité qui prononce la mise à la retraite, après avis du Conseil supérieur de la Magistrature. Il est à remarquer également que, si au moment de son départ à la retraite, le magistrat fait l’objet de poursuites disciplinaires, il ne peut se prévaloir de l’honorariat avant le terme de la procédure disciplinaire et l’honorariat peut lui être refusé », indique le rapport.

D’autres règles relatives à l’honorariat sont aussi édictées :

  • Les magistrats honoraires demeurent attachés, en cette qualité, à la juridiction à laquelle ils appartiennent ;

  • Les magistrats honoraires continuent de jouir des honneurs et privilèges attachés à leur état et peuvent assister en costume d’audience aux cérémonies solennelles de leur juridiction, ils prennent rang conformément aux dispositions de l’article 28 de la loi portant Statut des magistrats ;

  • Les magistrats honoraires sont tenus à la réserve qui s’impose à leur condition ;

  • L’honorariat ne peut être retiré que dans les mêmes formes de son octroi.

Dans notre prochaine livraison, nous retracerons quelques réformes entreprises en matière de justice pénale.

Rassemblés par Boubacar Dembo TAMBA / www.tambacounda.info /