Les migrants vénézuéliens affluent au Brésil.

 

Le feu à peine passé au rouge, une dizaine d’enfants vénézuéliens armés d’éponges et de détergent se ruent sur les voitures d’une artère de Boa Vista, dans le nord du Brésil, dans l’espoir de gagner quelques pièces. D’autres migrants offrent leur force de travail, leur spécialité écrite à la main sur des pancartes en carton.

La nuit, des femmes, plus discrètes, vendent leur corps dans un quartier de l’est de cette ville de 333’000 habitants, capitale de l’Etat de Roraima, frontalier avec le Venezuela. La municipalité estime que 40’000 migrants du pays voisin vivent actuellement à Boa Vista, mais le chiffre est difficile à établir précisément, le flux étant continu.

La plupart d’entre eux dorment sur des places ou dans des parcs. Ceux qui ont plus de moyens se regroupent pour louer une chambre. «Nous sommes en présence d’une crise humanitaire», admet auprès de l’AFP la maire Teresa Surita.

L’édile reconnaît un manque de planification, mais pointe aussi du doigt la lenteur du gouvernement à Brasilia à prendre des mesures face à la migration massive de Vénézueliens qui fuient depuis trois ans la crise et la faim dans leur pays. «Il y a beaucoup de réunions et peu d’actions concrètes», affirme-t-elle. L’an dernier, trois centres d’hébergement ont été créés dans des écoles ou des gymnases, mais ils peuvent tout juste accueillir 1500 personnes.

Droit au travail

Brasilia a annoncé à la mi-février des mesures d’urgence, prévoyant notamment d’améliorer la protection sociale, la santé et la sécurité dans les municipalités submergées par l’arrivée massive de migrants vénézuéliens.

Plus de 500 d’entre eux étaient censés être transférés vers Sao Paulo, la plus grande ville du pays, ou Manaus, capitale de l’Etat d’Amazonie, mais seuls une vingtaine pourront voyager dans un premier temps, pour des raisons sanitaires. Les autorités estiment que 500 à 1200 Vénézuéliens entrent tous les jours au Brésil, dans l’Etat de Roraima. La plupart d’entre eux poursuivent leur route à la recherche de travail dans la capitale Boa Vista, à 215 km, et dépensent souvent le peu d’argent qu’ils possèdent pour le voyage.

René Santos, 42 ans, a laissé son épouse et ses trois enfants à Ciudad Bolívar, ville vénézuélienne à environ 1.000 km de Boa Vista. Cet ancien ouvrier dort depuis des mois sous une tente qu’il a plantée place Simon Bolivar, du nom du père de l’indépendance du Venezuela. Cette place donne d’ailleurs sur l’avenue Venezuela. «Sur cette place, il y a beaucoup de travailleurs. Nous avons besoin de l’aide de ceux qui défendent les droits de l’Homme. C’est un droit universel que nous revendiquons: le droit à la vie, le droit au travail», affirme-t-il, les larmes aux yeux.

«Traité comme un délinquant»

Plusieurs centaines de migrants dorment sur la place, sous des tentes ou à l’air libre, sur des cartons. Malgré les panneaux «Bienvenue à Boa Vista» en plusieurs langues, rien n’est prévu pour subvenir aux premières nécessités des Vénézuéliens. Ils utilisent les toilettes d’une station-service ou d’une gare routière proche.

Pour manger, ils dépendent pour la plupart de la charité d’habitants de Boa Vista, comme Leila Bezerra qui prépare deux fois par mois environ 1000 repas grâce à des dons. «Il faut les aider, ils ne sont pas ici parce qu’ils le veulent, mais parce qu’ils ont faim», rappelle-t-elle, en remuant sa louche dans une énorme marmite de 30 kilos de haricots noirs et de saucisses.

Mais cette générosité est un peu l’arbre qui cache la forêt, alors que de nombreuses agressions xénophobes ont eu lieu ces derniers mois. «Les gouvernants doivent agir, mais tout ce que nous voyons ici ce sont des hommes politiques qui veulent fermer la frontière ou nettoyer la ville, parce qu’ils ne veulent pas des Vénézuéliens», explique France Rodrigues.

Victor Lira, 27 ans, a parcouru 1.500 km depuis Caracas pour arriver à Boa Vista. Il vit actuellement dans une tente de fortune faite de sacs plastiques. «J’ai obtenu deux réais (environ 50 centimes d’euros) hier et je suis allé au supermarché acheter des bananes, mais les gens pensaient que j’étais venu voler. C’est dur d’être traité comme un délinquant quand on veut juste acheter à manger», s’émeut-il, les yeux humides.

(nxp/afp)