Afghanistan: Des législatives dans la crainte d’attentats

 

Les Afghans âgés de plus de 18 ans sont appelés depuis samedi à s’inscrire dans les écoles et les mosquées: une première étape prévue pour deux mois, commençant par les grandes villes avant les districts et les villages. Puis ce sera le tour des candidats.

A Kaboul, des policiers armés ont été postés devant les centres d’enregistrement frappés du logo de la Commission indépendante électorale (IEC) et la fouille est obligatoire. Se présente Mohammad Hussein, 54 ans. Il est l’un des premiers à venir dans cette école de Shar-e-Now, un quartier résidentiel et commerçant.

Aux trois préposés en brassard vert qui l’accueillent, il tend une tazkira (carte d’identité) fatiguée: «Je veux saisir l’occasion de voter pour un candidat qui apportera le changement, quelqu’un d’éduqué aussi. Certains députés savent à peine parler», explique-il en recevant la pastille plastifiée qui garantit son inscription. «En 2010 j’avais voté mais c’était une erreur, mon député n’a rien fait. J’en veux un qui travaille, sans demander de pot-de-vin», ajoute-t-il.

A la mi-journée pourtant, à peine sept hommes s’étaient enregistrés depuis l’ouverture. Personne chez les femmes, indique Ajmir Khan, jeune employé de l’IEC à l’accueil. Mais ce n’est qu’un début, veut-il croire.

Appui de l’Otan

Si beaucoup d’Afghans souhaitent se débarrasser d’un Parlement (249 députés) jugé paresseux et corrompu, dont le mandat a expiré depuis trois ans, ils redoutent plus encore un scrutin pour rien, confisqué par la fraude et qui les exposera à un regain de violence.

«Bien sûr, l’insécurité est notre premier défi et notre inquiétude majeure, surtout dans les campagnes», reconnaît le président de l’IEC, le Dr Abdul Baie Sayad, au coeur de son compound puissamment gardé.

Autant que les talibans ou les combattants du groupe Etat islamique, le responsable craint «les potentats locaux, les milices illégales: tous vont tenter d’interférer» parie-t-il.

Lui-même est menacé: «Tous les jours je reçois des appels. Des députés, des petits chefs… ‘On va enlever ton fils’, ‘Tu es un homme mort’», sourit-il. «J’ai dix gardes du corps avec moi, mais personne ne protège ma maison ou ma famille».

Dans les campagnes, le personnel de l’IEC, soit 12’000 personnes pour la phase d’enregistrement, 23’000 prévues le jour du vote, seront escortées de soldats. «Tous les services de sécurité ont été mobilisés et les forces de l’Otan ont promis d’assurer la sécurité» se rassure le président.

Recensement pas à jour

«Nous faisons tout pour donner confiance à la population» poursuit-il. Les ulémas ont été appelés en renfort et dans les mosquées, le vendredi, appellent les fidèles à participer à l’aventure électorale. Samedi en venant s’inscrire, le président Ashraf Ghani qui a proposé aux Talibans de se transformer en parti politique dans le cadre d’un accord de paix les a également appelés à se joindre.

Les promoteurs du scrutin ont un défi supplémentaire: combien d’électeurs inscrire? «On mise sur 13 ou 14 millions», affirme le Dr Sayad. Estimation à la louche à partir des dernières projections démographiques disponibles.

Le dernier recensement en Afghanistan remonte à 1979. Depuis, quatre décennies de conflits ont déplacé les Afghans quand elles ne les ont pas fait fuir, au Pakistan et en Iran d’abord, plus récemment en Europe et en Turquie.

Résultat, l’Office central des statistiques évoque un peu moins de 30 millions d’Afghans. Mais une étude réalisée avec l’aide des Nations unies à partir d’images satellite et d’un certain nombre d’indicateurs sur le terrain citerait plutôt 34 à 35 millions, selon la presse locale, dont la moitié en âge de voter.

«Indispensables»

L’étude qui ferait surtout apparaître «d’importantes modifications» de peuplement dans certaines régions n’a pas été publiée par les autorités. La question, «politiquement sensible, obligerait à revoir les circonscriptions», confie un observateur international.

«Personne n’attend des élections parfaites», prévient un responsable occidental. «Mais la communauté internationale les ratifiera parce qu’elles sont indispensables à la progression du pays» estime-t-il. En commençant par «sortir de ce parlement élu en 2010».

(nxp/ats)