«Dagor», porte-parole : « Le Khalife de Tivaouane, mon père et moi »

 

Petit par la taille, grand par la voix, Daouda Mbaye dit Dagor a fini de séduire son monde. Porte-voix du Khalife général des Tidianes, le fils de Moussa Alé Mbaye est sur les traces du pater. Berceur des âmes par sa voix mélodieuse, Dagor Mbaye tonne et détonne les soirées religieuses dans la cité de Maodo. Fierté de toute une communauté, Dagor Mbaye porte la voix du Khalife des Tidianes depuis le Khalifat de Mame Abdoul Aziz Sy «Dabakh». Interview découverte.

Qui est Dagor Mbaye ?

Mon vrai nom est Daouda Mbaye dit Dagor. Je suis né le 10 janvier 1951 à Tivaouane, dans la maison d’El Hadji Malick Sy. Mes aïeux sont originaires du Cayor dans le village de Souguère, commune de Pékess. Je suis l’homonyme du jeune frère de mon père, Dagor Mbaye. Dagor est un prénom «Céddo (animiste)», c’est Daouda qui est mon vrai prénom. Je suis né à Tivaouane, mais j’ai fait mes humanités à Saint-Louis au quartier Nord, auprès de Serigne Mamour Ndiaye qui m’a enseigné le Saint Coran. C’est après la maîtrise du Saint Coran que je suis retourné à Tivaouane pour rejoindre ma mère, puisque j’ai perdu mon père en 1961. De retour à Tivaouane, on m’a confié à Mame Abdou Aziz Sy «Dabakh». Et c’est sous sa protection que j’ai appris le «Wazifa», les chants religieux, la prise de parole en public, le porte-voix, entre autres. C’est Mame Abdou qui a forgé cela en moi.

Quelle est votre relation avec Tivaouane ?

Ma relation avec Tivaouane précède même ma naissance. Mais, c’est une longue histoire qui remonte à mon père. Quand mon père et son jeune frère Dagor avaient atteint l’âge d’apprendre le Saint Coran, leur oncle les a amenés à Saint-Louis chez une de ses sœurs, Awa Deugne. Cette dernière les confia à Gorgui Modou Massamba Diéry Dieng, un grand érudit et dignitaire musulman. Un Cadi au tribunal de Saint-Louis. Et c’est lors de ces visites chez Gorgui Modou Massamba Diéry Dieng qu’El Hadji Malick Sy a repéré mon père et son jeune frère. Parce que ce sont eux qui assuraient l’appel à la prière, les «zikrs» et les autres chants religieux. Et quand El Hadji Malick a décidé de quitter Saint-Louis, il a demandé à Gorgui Modou Massamba Diéry Dieng de lui confier mon père, parce qu’il était séduit par sa voix. C’est ainsi que son compagnonnage avec El Hadji Malick Sy a commencé jusqu’à son rappel à Dieu.

Quelles sont vos responsabilités au près du Khalife ?

Mon rôle consiste à porter la voix du Khalife. Dans certaines cérémonies ou rencontres parfois, nous n’avons pas de haut-parleur pour amplifier la voix. Et comme nos guides religieux ont souvent la voix basse, il faut quelqu’un pour amplifier la voix afin que l’assistance puisse recevoir le message. C’est cette responsabilité qu’on assure au près du Khalife. Je suis aussi un chanteur religieux et j’anime souvent des conférences religieuses un peu partout à travers le pays. Quand le Khalife effectue des voyages, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, on l’accompagne également. Nous sommes entièrement aux services du Khalife.

Ça fait quoi d’être un homme de confiance du Khalife pour porter sa voix ?

C’est seulement le Khalife qui peut répondre à cette question. Qu’est-ce qu’il a vu en moi pour me désigner parmi tant d’autres personnes qui peuvent porter sa voix ? C’est lui seul qui peut répondre à cette question. Mais, mon rôle de porte-voix du Khalife est un legs. Notre père était le porte-voix d’El Hadji Malick Sy. Donc, aujourd’hui on suit les pas de notre progéniture. Et si nous méritons la confiance du Khalife au point d’être son porte-voix, nous n’avons pas failli. Et c’est la continuité de la confiance qu’El Hadji Malick avait envers mon père qui se poursuit avec l’actuel Khalife général des Tidianes, par la grâce divine. Car le don qu’avaient nos parents, nous ne l’avons pas. C’est pourquoi on remercie Dieu de nous avoir hissés à ce niveau pour assurer une telle mission.

Est-ce qu’il vous arrive de rencontrer souvent des difficultés à transmettre fidèlement les paroles du Khalife ?

Transmettre fidèlement les paroles d’une autorité n’est jamais facile, a fortiori celles du Khalife général des Tidianes. Parce que nous sommes des êtres humains et ça nous arrive de nous tromper souvent. Transmettre les paroles du Khalife peut-être une chose facile dans la mesure où, s’il sent que ce n’est pas ce qu’il a dit que tu as transmis, il te le fait répéter. Jusqu’à ce que tu le communiques correctement. Donc, ce n’est pas une chose trop compliquée. Mais, la seule difficulté, c’est que, quand le Khalife parle, on se focalise plus sur lui pour pouvoir interpréter ce qu’il dit. Parce que si on tourne le dos au Khalife et qu’on regarde le public, on peut entendre ce qu’il dit sans rien y comprendre. Puisque ça entre et ça sort. Donc, on est obligé de se concentrer sur lui pour pouvoir transmettre fidèlement ses propos. Par contre, il nous arrive souvent de transformer les paroles du Khalife parce qu’on juge qu’il n’est pas courtois de les transmettre fidèlement. Il nous appartient alors de les embellir, de les maquiller pour éviter de heurter le public. Ce n’est donc pas tout ce que le Khalife dit qu’on doit transmettre.

iGFM