Shutdown aux Etats-Unis: Contraints de se nourrir aux banques alimentaires

 

Jamais jusqu’ici ils n’avaient eu besoin de se ravitailler dans une banque alimentaire. Mais après un mois de «shutdown» partiel de l’administration fédérale, des dizaines de fonctionnaires se pressaient mardi à Brooklyn pour s’approvisionner en produits de première nécessité.

Parmi eux, des employés des douanes, des impôts ou de l’agence fédérale de gestion des urgences, au chômage technique depuis le 22 décembre.

D’autres, gardiens de prison ou agents de la sécurité dans les transports jugés indispensables, sont obligés d’aller travailler sans être payés. Certains profitaient de leur pause-déjeuner, d’autres d’un peu de leur temps libre, pour se ravitailler.

Dans le hall d’entrée du célèbre Barclays Center, plus habitué à accueillir des concerts et des rencontres sportives que des opérations caritatives, des bénévoles ont procédé à la distribution quelques heures durant.

Sur une première table, les fonctionnaires se sont inscrits. Aux suivantes, ils ont pris des sacs pleins de boites de conserves, de pommes de terre, de poulet, de raisin, de lait et de produits d’hygiène de base.

«Ne pas toucher le fond»

«Honnêtement, je suis venue me servir. Tout ce qui me permet d’économiser et de garder mon argent pour d’autres choses, c’est ce que j’essaie de faire», dit Antoinette Peek-Williams, du Service des douanes et de protection des frontières, venue de Harlem, à plus d’une heure en métro.

Depuis le début de l’impasse budgétaire entre Congrès et Maison Blanche, cette employée de 62 ans vit «au jour le jour, surveillant ce que je mange, surveillant ce que je dépense (…) en priant pour qu’ils prennent une décision rapidement».

Elle espère reprendre le travail le 1er février. «Je garde espoir car, sans espoir, vous n’avez plus rien», relève cette mère d’une étudiante à l’université.

«Ça devient difficile», confie aussi Chanté Johnson, 48 ans, administratrice pour le service des impôts. «Filet de sécurité, économies», «on arrive à la fin», souligne-t-elle. «Il faut essayer de ne pas toucher le fond».

Celle qui subvient aux besoins de sa fille et de sa mère dit mal dormir et manger moins sainement depuis qu’elle ne travaille plus. «J’espère que cela va se terminer demain», dit-elle sans y croire.

Pour ceux qui sont obligés de travailler sans paie dans l’immédiat, la situation est plus tendue encore. Contraints à un devoir de réserve, ils ne peuvent témoigner qu’anonymement. «C’est très stressant», confie une mère célibataire de 39 ans, gardienne à la prison fédérale de Brooklyn, venue chercher pendant sa pause-déjeuner de quoi préparer «deux-trois repas».

Sa fille est en dernière année au lycée et, en cette saison où se préparent les dossiers de candidature pour les universités, elle se désole de ne pouvoir payer les frais requis.

Comme une catastrophe naturelle

Elle a obtenu, moyennant une pénalité, le report du paiement de l’abonnement de son téléphone portable, obligatoire pour son travail. Elle a calculé qu’elle ne pourrait plus tenir après mi-février: «Après ça, je n’aurai plus d’essence pour aller travailler».

Dans une ville où la flambée des loyers a placé de nombreuses familles en état de précarité, le «shutdown» a aggravé la situation, explique Francisco Tezen, un responsable de l’association Food Bank for New York City, à l’origine, avec l’aide d’entreprises sponsors, de la distribution de mardi.

«C’est quelque chose d’inédit, presque équivalent à ce qu’il faut mettre en place pour une catastrophe naturelle», assure M. Tezen, qui avait rassemblé l’équivalent de 1.000 repas mardi et qui prépare d’autres distributions pour les fonctionnaires dans les prochains jours.

«Nous pouvons aider mais nous ne pouvons pas être un antidote à l’impasse (budgétaire) ou à une mauvaise politique», souligne-t-il.

Beaucoup de fonctionnaires fédéraux à New York, bastion démocrate, identifient clairement le président républicain Donald Trump comme responsable de ce blocage. La situation migratoire à la frontière mexicaine «n’est pas si grave» qu’il faille dépenser 5,7 milliards de dollars pour construire un mur – réclamé par le président mais rejeté par l’opposition -, juge notamment Chanté Johnson.

«Je dis à mes collègues: que s’est-il passé? A-t-il été battu par un Mexicain quand il était petit pour être si acharné?», dit-elle. «Négociez et laissez-nous reprendre le travail que nous aimons!»

(nxp/afp)