France: Le détenu et Chekatt, une amitié terroriste en prison

 

Michaël Chiolo avait 20 ans quand il a tué, pour 300 euros et quelques médailles, un octogénaire rescapé de Dachau: sept ans plus tard, le vagabond violent est devenu un détenu radicalisé, dont l’attaque de surveillants mardi s’est conclue par la mort de sa compagne dans l’assaut policier. Mi-décembre 2015 à Metz: Michaël Chiolo est condamné en appel à 30 ans de réclusion criminelle pour enlèvement et séquestration suivi de la mort d’un ancien résistant, décoré de la Croix de guerre. L’enquête le décrit comme «dangereux et manipulateur», sans remords.

Son procès et celui de ses complices se tient après un autre jugement qui illustre l’évolution du jeune homme en détention. Un mois plus tôt, le tribunal de Mulhouse l’a reconnu coupable d’apologie du terrorisme. Michaël Chiolo avait demandé à ses codétenus de rejouer la tuerie du Bataclan dans la cour de la maison d’arrêt.

Suivi par le renseignement pénitentiaire et inscrit au fichier pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), il n’était libérable qu’en 2038. Au cours de ses années d’incarcération, il s’est lié avec Cherif Chekatt, auteur de l’attentat du marché de Noël de Strasbourg en décembre 2018. Les deux hommes ont passé 175 jours de détention ensemble, puis ont continué à correspondre par courrier, selon France Télévisions.

L’attaque, qui s’est produite vers 9H45, avait été qualifiée de «terroriste» mardi par la ministre de la Justice Nicole Belloubet. Se fondant sur de premiers témoignages, le procureur de la République de Paris a expliqué mardi soir que le détenu voulait «venger» Chérif Chekatt, l’auteur de l’attentat jihadiste de Strasbourg de décembre, et avait crié «Allah Akbar» au moment de se jeter sur les deux surveillants.

Né en Moselle le 11 juillet 1991, à la frontière franco-allemande, Michaël Chiolo était, selon l’enquête, désocialisé depuis l’âge de 17 ans et en fuite de son foyer quand il est arrêté en avril 2012. Quelques jours plus tôt, au sein d’un trio de marginaux, il a séquestré et tué cet ancien résistant de 89 ans dont il convoitait le coffre-fort. Roger Tall, qui s’était échappé du camp de concentration de Dachau, succombe à ce vol à main armé, étouffé par du scotch à son domicile de Montigny-lès-Metz.

Froideur

Pour l’expert psychiatre, Michaël Chiolo présente un «trouble de la personnalité grave de type dissociale», sur lequel les psychothérapies sont «sans effet». «Risque de récidive violente majeure» et «grande dangerosité», note-t-il. Son ancienne avocate, Me Pauline Brion, se souvient d’un garçon «intelligent, très cultivé», sans formation ni profession, «devenu un peu vagabond» après avoir coupé les ponts avec sa famille.

En 2010, il s’affichait pourtant heureux et amoureux sur son blog, fier de ses origines italiennes et converti à l’islam, sous le nom d’Abdel-Karim. Mais l’année se conclut sur un procès pour des faits d’escroquerie et un vol aggravé commis entre 2008 et 2010.

Deux ans plus tard, le 13 avril 2012, le voilà mené par un ami d’enfance, de cinq ans son aîné, dans l’attaque d’une bijouterie en Sarre, de l’autre côté de la frontière. 4.000 euros de butin et l’envie de recommencer les mènent le 17 avril, avec un troisième complice, au domicile de l’octogénaire puis en prison après deux semaines de cavale.

Me Dominique Rondu, avocat de la soeur de la victime, se souvient, au premier procès à Nancy en 2014, d’un «garçon assez froid, indifférent à la situation» et à sa gravité. La condamnation du jeune homme à 28 ans de réclusion criminelle semble marquer un tournant. Il fait appel et au second procès «on avait affaire à quelqu’un qui visiblement s’était radicalisé, qui avait toujours cette froideur, cette indifférence», se souvient l’avocat.

Marlène Schott, avocate de l’ami de Michaël Chiolo, décrit «un jeune homme paumé» au premier procès, sans signe de radicalisation. «Au deuxième procès, il était beaucoup plus inquiétant (…) sur la défensive» et le sujet s’impose à l’audience. Les débats mentionnent un incident en détention à Epinal: «Il avait obligé ses codétenus à boire huit litres d’eau par jour pour se purifier», raconte-t-elle.

«C’était trois paumés, des compagnons d’infortune qui sont passés de foyer en foyer et se sont associés pour aller chercher de l’argent. Ils se sont retrouvés à la rue très jeunes, délaissés», explique-t-elle, ajoutant que son client qualifiait Michaël Chiolo de «dingue» lors du second procès.

«Personne n’est venu témoigner pour lui au procès», se souvient Me Brion. L’avocat avait néanmoins fait citer sa nouvelle compagne à la barre, «une femme rencontrée en prison». «Il avait écrit à quelqu’un pour qu’on lui trouve une épouse», se souvient-elle. Blessée dans l’assaut du Raid, elle est décédée mardi soir.

(cga/afp)