Brésil: Hommage à l’élue noire assassinée à Rio

 

Avec des fleurs, des pancartes demandant «Qui a commandité l’assassinat de Marielle (Franco)?» et une messe, des centaines de Brésiliens ont rendu hommage jeudi à la conseillère municipale noire assassinée il y a exactement un an avec son chauffeur.

Cette élue homosexuelle, née dans une favela et combattant le racisme, l’homophobie et la violence policière, a été abattue à l’âge de 38 ans le 14 mars 2018, avec Anderson Gomes. L’élue était membre du Parti du socialisme et de la liberté (PSOL, gauche). Son assassinat avait provoqué une vive émotion au Brésil et au-delà des frontières.

Un office catholique a été célébré à Rio en présence des parents de Marielle Franco, en larmes. Des amis de la jeune femme ont dansé devant l’église de style colonial du centre historique.

«Le monde et le Brésil ont besoin de savoir»

«Marielle était une femme très forte, qui voulait changer son pays», a déclaré sa mère, Marinete da Silva, à l’AFP. «J’espère qu’ils vont trouver ceux qui ont commandité son meurtre. Le monde et le Brésil ont besoin de savoir».

Des dizaines de personnes se sont réunies à l’endroit où la conseillère municipale et son chauffeur ont été criblés de balles en sortant d’une réunion, dans le centre de Rio. Les personnes présentes chantaient et réclamaient elles aussi que soient connus les commanditaires du double assassinat.

«Ici c’est un endroit symbolique pour se souvenir d’elle», a déclaré à l’AFP Iraci França, 60 ans, une amie de Marielle Franco. «La mort de Marielle pour nous, femmes noires de ce pays (…) signifie un processus profond de récupération de notre identité et de résistance parce qu’il existe des politiques de féminicide et de génocide de la jeunesse noire», a déclaré à l’AFP Silvia de Mendonça, une actrice de 57 ans.

«Commandité et par qui?»

Sur les escaliers de l’assemblée municipale dont Marielle était l’élue, des tournesols et des pancartes ont été déposés. Des femmes juchées sur des échasses portaient une banderole «Marielle gigante» (Marielle géante).

Dans la soirée, quelques milliers de personnes se sont rassemblées devant l’édifice. «Malheureusement, nous sommes ici pour nous souvenir de la mort d’une camarade noire, lesbienne, issue de la périphérie, militante des droits humains. Nous n’avons rien à célébrer, nous manifestons pour rester en vie», a expliqué à l’AFP Rosangela Castro, 62 ans.

A Brasilia, des femmes ont rebaptisé le pont Costa e Silva, du nom d’un des présidents durant la dictature (1964-85), avec un immense adhésif arborant le nom de Marielle Franco.

Alors que l’enquête avait fait du surplace depuis un an, deux ex-policiers ont été arrêtés mardi à Rio — opportunément à l’avant-veille du 1er anniversaire de la mort de Marielle Franco, ont dit certains commentateurs.

Un arsenal découvert

Le policier militaire à la retraite Ronie Lessa, suspecté d’avoir tiré 13 fois, et un autre ancien policier, Elcio Vieira de Queiroz, suspecté d’avoir conduit le véhicule ayant pris en chasse celui de Marielle Franco, ont été arrêtés à leurs domiciles.

Un arsenal de 117 fusils M-16 et de 500 munitions a été également découvert mardi, dans la maison d’un ami de Ronie Lessa — la plus grande saisie jamais réalisée dans l’Etat de Rio de Janeiro. Mais les autorités ont dit ignorer si l’assassinat de Marielle avait été commandité et par qui.

«Dommage que cela ait pris un an», a déclaré à l’AFP au sujet des arrestations le député Marcelo Freixo, mentor en politique et ami de Marielle Franco. «Il y a eu beaucoup d’erreurs» dans l’enquête et cette étape «n’a de valeur que si elle permet de découvrir le commanditaire».

Le ministre de la Justice et de la Sécurité publique Sergio Moro a déclaré au quotidien Valor qu’il était «assez probable» que quelqu’un ait ordonné le crime. «L’enquête ne peut être conclue avant que cela ne soit confirmé et que les commanditaires ne soient identifiés ou que (cette thèse) ne soit totalement infirmée», a-t-il dit. Amnesty International a demandé une enquête indépendante.

(nxp/afp)