Turquie: Erdogan à peine dérangé lors des élections locales

 

Les Turcs ont voté dimanche à l’occasion d’élections locales à valeur de test pour Recep Tayyip Erdogan. Le président a livré une âpre bataille pour éviter une défaite à Ankara ou Istanbul en pleine tempête économique. Les Turcs ont voté jusqu’à 17 heures pour élire leurs maires, conseillers municipaux et chefs de quartier («muhtar»). Les premiers résultats étaient attendus dans la soirée.

A un moment où ce pays est confronté à sa première récession en dix ans, une inflation record et un chômage élevé, ce scrutin a valeur de baromètre pour la popularité de M. Erdogan qui a remporté toutes les élections depuis l’arrivée au pouvoir de son parti, l’AKP, en 2002.

Ankara et Istanbul

Signe de l’importance de ces élections locales, le chef de l’Etat s’est lancé à corps perdu dans la campagne, tenant 102 meetings en 50 jours. S’il a autant mouillé la chemise, c’est parce qu’une défaite «torpillerait le mythe d’invincibilité» dont il jouit, souligne Emre Erdogan, professeur à l’université Bilgi d’Istanbul.

Une attention particulière sera portée aux 30 municipalités métropolitaines qui constituent le poumon économique de la Turquie, avec plusieurs batailles serrées comme à Bursa (nord-ouest) et Antalya (sud).

Mais les regards seront d’abord rivés sur la capitale Ankara et Istanbul, le coeur économique et démographique du pays, où l’hégémonie de l’AKP et de ses prédécesseurs islamistes, qui dure depuis 25 ans, est aujourd’hui menacée.

Pour éviter une défaite humiliante à Istanbul, sa ville natale dont il a été maire de 1994 à 1998, M. Erdogan a dépêché l’ancien Premier ministre Binali Yildirim. A Ankara, où il a envoyé l’ancien ministre Mehmet Özhaseki, la situation semble plus compliquée, des sondages donnant une avance franche au candidat de l’opposition, Mansur Yavas.

Tempête économique

Le choix de nombreux électeurs devait être guidé par les préoccupations concernant l’économie, l’inflation d’environ 20% ayant durement frappé les Turcs au porte-monnaie.

Conscient du problème, M. Erdogan a demandé le mois dernier aux mairies d’Istanbul et d’Ankara d’ouvrir leurs propres étals de fruits et de légumes vendus à prix cassés. Mais plutôt que de s’attarder sur les difficultés économiques, qu’il impute à une «opération de l’Occident», il a surtout fait campagne sur le terrain sécuritaire, décrivant un pays cerné par la menace terroriste et les puissances hostiles.

Dimanche, il ne s’agira «pas du prix de l’aubergine, de la tomate ou du poivron», a lancé M. Erdogan lors d’un meeting à Istanbul samedi. «Ce sont des élections pour la survie du pays !».

Polarisation et violences

Deux coalitions s’affrontaient dimanche: d’un côté, l’AKP de M. Erdogan et ses alliés ultranationalistes du MHP. De l’autre, les sociaux-démocrates du CHP et le parti de droite Iyi. Ces derniers sont soutenus par les prokurdes du HDP qui n’ont pas présenté de candidat à Istanbul et Ankara pour éviter une dispersion des voix.

La campagne pour ce scrutin, le huitième d’un épuisant cycle électoral entamé en 2014, a une nouvelle fois polarisé le pays. M. Erdogan s’est attiré les critiques de l’opposition en accusant quotidiennement ses adversaires d’être de mèche avec «les terroristes».

Des rixes ont éclaté dans plusieurs bureaux de vote à travers le pays. Deux personnes ont notamment été tuées par balles à Malatya (est), selon les autorités, ajoutant que quatre personnes avaient été arrêtées.

(nxp/ats)