Attention au département de Bakel (Par Alymana BATHILY)

 

L’extrémisme musulman qui a fini de mettre le Mali à feu à et à sang, qui a alimenté le terrorisme en Mauritanie il y a quelques années, existe aussi de ce côté-ci du fleuve Sénégal

Les  attaques armées contre les villages qui bordent le fleuve Sénégal, sont devenues récurrentes depuis le début de cette année.

Dans la nuit du 2 au 3 Février 2019, l’agence de la Poste de Bakel est attaquée et cambriolée. Un homme est blessé par une balle.

Le  19 février, c’est la Poste de Golmy, un gros village de la commune de Ballou qui fait l’objet d’une attaque armée de nuit. Un jeune homme, membre du « Comité de vigilance » du village est tué d’une balle à la tête. Une autre personne est grièvement blessée. Deux millions FCFA sont emportés.

En mars, ce sera le tour du bureau de poste d’un autre gros village du département, Gabou, de recevoir la visite d’une bande armée de cambrioleurs. 6 millions FCA sont emportés.

A Bakel ville comme à Golmy, Gabou, le mode opératoire est toujours le même. La bande, 5 ou 6 jeunes hommes, armés de kalachnikovs, arrive de nuit au bord de motos. Elle vise toujours le bureau de poste. Il s’agit d’emporter la caisse. Elle n’hésite jamais à tuer.

On pourrait penser qu’il s’agit là du banditisme ordinaire. Comme celui qui sévit désormais régulièrement à Dakar et dans sa banlieue. Sauf que ce département de Bakel est frontalier du Mali et de la Mauritanie.

Les populations des trois pays, en majorité Soninkés, Peulhs et Maures, sédentaires et éleveurs, vivent paisiblement ensemble depuis des siècles. Avec cependant, de temps en temps, des tensions autour de l’accès à la terre, à l’eau ou aux ressources naturelles.

On se souvient que « le conflit sénégalo mauritanien » de 1989 est parti d’une rixe entre éleveurs mauritaniens et paysans sénégalais, au village de Diawara, dans le  département de Bakel.

L’extrémisme musulman qui a fini de mettre le Mali à feu à et à sang, qui a alimenté le terrorisme en Mauritanie il y a quelques années, existe aussi de ce côté-ci du fleuve Sénégal.

Des immigrés radicalisés dans les foyers d’immigrés en France et dans les pays arabes se retrouvent également dans la communauté soninké et peulh du Sénégal.

Le rejet des pratiques et coutumes esclavagistes qui perdure dans les sociétés soninkés, peulhs et maures, des deux côtés du fleuve Sénégal, suscite régulièrement des conflits.

C’est là le terreau dont s’est nourri le terrorisme de l’autre côté de la frontière au Mali comme au Burkina Faso et ailleurs. D’autant que dans ce département périphérique, totalement enclavé par rapport au reste du territoire national, la présence de l’Etat est minimale.

En attestent l’état des routes, le manque et le bas niveau des infrastructures sanitaires comme des postes de police et de gendarmerie, l’insuffisance des forages, le manque de collèges et d’enseignants, la couverture parcimonieuse et défaillante du réseau téléphonique.

En fait, les besoins élémentaires des populations, en nourriture, alimentation, habitat, soins de santé primaires, ne sont assurés que grâce aux nombreuses diasporas de fils et filles du département à travers le monde entier qui, village par village, soutiennent leurs familles et communautés.

Avant les dernières présidentielles, un collectif de chefs de village, de maires, de représentants d’associations de jeunes, de femmes et de mouvements citoyens du département s’était réuni pour alerter les pouvoirs publics sur cette situation et plaider pour un investissement urgent de l’Etat notamment dans les infrastructures publiques.

Le président Macky Sall en compagnie du Premier Ministre Boun Abdallah Dionne a alors accordé une longue audience à ce collectif. On est revenu en détail sur la situation du département et sur les investissements attendus de l’Etat.

Dès après l’élection présidentielle, le Collectif avait adressé une lettre au président de la République pour le féliciter de sa réélection et lui rappeler les investissements notamment en matière de routes et d’hôpitaux attendus par les populations. Il n’y a à ce jour pas eu de réponse du président de la République.

Pourtant, on le sait maintenant, c’est l’absence de développement, c’est le sentiment de laisser pour compte des populations des zones périphériques qui  fait le lit du terrorisme, de l’insécurité et des guerres intercommunautaires.

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