Cedeao : « Eco », entre confusion et divergences (Par E. Marame Faye)

 

Le projet de monnaie unique en Afrique de l’Ouest fait couler beaucoup de salive et d’encre. Pour l’heure, plusieurs contours de cette monnaie demeurent inconnus, mais beaucoup sont pessimistes quant à son utilité.

Depuis quelques jours des informations relatives à la nouvelle monnaie unique des pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, « Eco », circulent. Elles viennent de citoyens lambda sénégalais et d’autres vivants dans les pays-membres de la CEDEAO. Tout est parti d’un journal malien « le démocrate » qui, dans une de ses éditions, a affirmé qu’un Euro serait l’équivalent de 1200 Eco contre environ 655 F CFA.

Le journal ajoute que l’impression des billets se fera toujours en France, comme pour le F CFA. Le quotidien ne cite cependant aucune source. Comme une traînée de poudre cette information s’est répandue sur les réseaux sociaux animant bon nombre de débats tantôt passionnés, tantôt scientifiques. Toutefois, aucune autorité étatique, aucun économiste n’a confirmé ses allégations. « Il n’existe à ce jour aucune valeur de la monnaie ni par rapport à l’Euro encore par rapport à d’autres monnaies. C’est pareil pour l’impression des billets, on ignore le lieu choisi. Les Etats doivent d’abord lancer le marché, faire un appel d’offres. Rien de tout cela n’est encore clair », affirme le spécialiste et formateur en économie, Abdou Diaw.

Toutefois, Mamadou Koulibaly, professeur d’économie à l’Université d’Abidjan, a confié récemment qu’« ils (les pays de la Cedeao) vont continuer imprimer l’Eco où le franc CFA s’imprime aujourd’hui. Quand c’est imprimé à l’extérieur, ça ne donne pas plus d’assurance, mais ça permet d’économiser au moins sur les coûts d’imprimerie et les risques de falsification ou de détournement. Mais ça n’implique pas que les pays dans lesquels ces monnaies sont imprimées aient le pouvoir d’imposer aux pays titulaires de cette monnaie leurs prérogatives, leurs desiderata, leurs politiques économiques, les dévaluations quand ils veulent, les pressions politiques et autres ».

Une monnaie controversée

Selon le journaliste Abdou Diaw, il s’avère plus facile de réformer le franc CFA c’est-à-dire revoir la coopération avec l’Euro que de créer une nouvelle monnaie en quatre ou cinq mois. « Les pays gagneraient à revoir les conditions monétaires du franc CFA par exemple revenir sur la parité fixe et opter pour parité flexible ou flottante, ou encore à renégocier le taux d’intérêt sur les différents dépôts faits à l’étranger », ajoute-t-il. La parité flottante inclue une variation de la monnaie en fonction des lois du marché, en fonction donc de la demande et des différentes transactions faites sur la monnaie. Ce qui est le cas du dollar, par exemple. Actuellement, c’est la parité fixe (1 euro = 665 F CFA) qui a été adoptée pour l’Eco.

Par ailleurs, à l’image d’autres économistes sénégalais tels que Ndongo Samba Sylla, Abdou Diaw estime que les pays membres de la CEDEAO n’ont pas rempli les conditions nécessaires à la création d’une nouvelle monnaie unique. A l’en croire, les critères de convergence ne sont toujours pas de mise, surtout que les Etats membres ne sont pas au même niveau de développement économique. En effet, tous les pays ne maitrisent pas l’inflation ni le niveau de leur dette. « La norme d’endettement est fixé à 70% or au Sénégal, par exemple, l’endettement est à 70, 1 %, chaque pays a ses réalités. Il y a également le déficit public qui normalement ne doit pas dépasser 3%, mais dans notre pays, il est entre 4 et 5% », explique-t-il.

Autant de divergences qui rendent difficile la mise en œuvre d’un projet de monnaie unique. Dans une de ces déclarations, le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara a affirmé qu’en 2020, l’entrée des pays dans l’Eco ne sera pas effective pour tous les pays. Il s’agira d’abord des pays de l’Uemoa, les autres suivront progressivement. Encore une annonce qui a créé une vague de réactions sur le Net, car excluant les autres membres de la Ceadeao. Le moins que l’on puisse dire c’est que l’Eco est bien loin de faire l’unanimité. La plupart des internautes déplorent une décision prise par une minorité « les dirigeants africains » manipulée par la France. D’autres encore ne voient aucune différence et l’économiste Ndongo Sylla va jusqu’à dire que « la monnaie unique de la Cedeao pourrait être pire ».

Sur les 15 pays concernés, huit utilisent le franc CFA et neuf parmi eux impriment leur monnaie sur place. Le Nigeria, le Ghana, la Gambie font partie des pays qui ont leurs propres monnaies.

Par E. Marame FAYE