Proche-Orient – Flottille turque: la CPI met sa procureure sous pression

 

La Cour pénale internationale (CPI) a ordonné lundi pour la deuxième fois à sa procureure de réexaminer la nécessité ou non de poursuivre Israël pour un raid meurtrier. Il avait été mené contre une flottille humanitaire à destination de Gaza en mai 2010.

Dernière étape d’une longue bataille judiciaire au tribunal de La Haye, les juges ont statué en appel que la procureure Fatou Bensouda devait décider d’ici décembre si elle rouvrait le cas. «La procureure est sommée de reconsidérer sa décision avant le 2 décembre 2019», a déclaré le président de la Cour d’appel Solomy Balungi Bossa à la Cour, ajoutant qu’une majorité de juges avait appuyé la motion, deux s’y étant opposés.

En 2010, la flottille affrétée par l’ONG turque IHH, considérée comme proche de l’actuel gouvernement islamo-conservateur au pouvoir à Ankara, avait été arraisonnée dans les eaux internationales par un commando israélien tandis qu’elle tentait de rallier Gaza, sous blocus israélien.

Neuf Turcs qui se trouvaient à bord du Mavi Marmara avaient été tués dans l’assaut. Un dixième était mort plus tard de ses blessures.

Aide à Gaza

Cette flottille était composée de huit navires, avec à leur bord 70 passagers originaires d’une quarantaine de pays. Son objectif déclaré était d’apporter de l’aide à Gaza et d’attirer l’attention de la communauté internationale sur les conséquences du blocus.

La procureure Fatou Bensouda avait été saisie de l’affaire par le gouvernement des Comores, Etat partie au Statut de Rome – le traité fondateur de la CPI – mais aussi celui auprès duquel était enregistré le Mavi Marmara, le navire amiral de la flottille internationale humanitaire.

Elle avait décidé en 2014 de ne pas poursuivre Israël, considérant que les faits n’étaient «pas assez graves» même si elle estimait «raisonnable de penser» que des crimes de guerre avaient été commis. Fatou Bensouda avait confirmé sa décision en 2017 après que la CPI lui avait ordonné de réexaminer le dossier.

Les juges ont estimé que Mme Bensouda avait «cru à tort» pouvoir être en désaccord avec les termes légaux présentés avant le procès. Mais ils ont souligné que la «décision finale» sur la réouverture ou non du dossier lui revenait.

Critiques

Les relations entre la Turquie et Israël, alliés stratégiques dans les années 90, s’étaient dégradées après le raid. Israël avait ensuite présenté ses excuses, accordé à la Turquie la permission d’accéder à Gaza par les ports israéliens, et versé 20 millions de dollars (18 millions d’euros) d’indemnités aux familles des victimes.

En 2015, la CPI avait également lancé une enquête préliminaire sur des allégations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité en Israël et dans les territoires palestiniens, à la suite de la guerre à Gaza. Mais Mme Bensouda n’est pas encore passée à l’étape suivante consistant à ouvrir une véritable enquête.

Le conseiller en sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Bolton, a menacé l’an dernier de faire arrêter les juges de la CPI s’ils agissaient contre Israël et les Etats-Unis. Ni Israël ni les Etats-Unis ne sont membres de la Cour pénale internationale, créée en 2002 pour juger des pires atrocités commises dans le monde.

Fatou Bensouda, qui doit quitter son poste de procureure de la CPI en 2021, essuie depuis plusieurs mois des critiques après l’échec de plusieurs affaires qu’elle supervise. Plusieurs suspects très médiatisés ont été libérés, dont l’ancien dirigeant ivoirien Laurent Gbagbo plus tôt cette année.

(nxp/ats)