«J’ai été pris manu militari en otage, capturé comme un criminel»

 

Adama Gaye a perdu beaucoup de poids. Mais la prison ne lui a pas fait changer de ton. Le journaliste-consultant qui bénéficie d’une liberté provisoire est plus que jamais déterminé à mener son combat pour la souveraineté économique sur les ressources naturelles. L’ancien pensionnaire de Rebeuss évoque ici son passage en prison, le mutisme de certains hommes politiques, comme Idrissa Seck et réplique à certains confrères, comme Madiambal Diagne, Moriba Magasouba.

Raisons de son arrestation : «J’ai été pris manu militari en otage, capturé comme un criminel, alors que je n’ai exercé que mes droits, à l’aube du 29 juillet, comme on le faisait dans les dictatures, que ce soit dans l’ère du nazisme ou dans les dictatures est-européennes des années de braises. Et on m’a amené sous le sceau d’une justice illégitime, parce que agissant de façon illégitime dans l’utilisation du pouvoir, en m’imputant des propos dont certains relèvent de mes écrits, alors que d’autres ne sont pas de ma paternité. Les choses que j’ai écrites, je les assume. Celles qui ont été planquées sur mon compte internet ne relevant pas de mon espace intellectuel sont l’un des grands problèmes qui se posent aujourd’hui par rapport à notre pays, relativement à la souveraineté des données. Sur ce plan, je suis la victime d’une situation, dont tout le monde se devrait d’être inquiet face à ce qu’un régime de façon aveugle puisse utiliser les moyens de répression à sa disposition pour s’en prendre à un individu. Je ne suis pas un insulteur. Je dis la vérité. J’ai toujours été un homme de vérité. Que ces gens soient allés à la soupe ou soient aplatis face au pouvoir, devenus des larbins, ce n’est pas Adama Gaye. Ce n’est pas négociable. Mes écrits resteront vivaces. Je ne regrette rien. Ce sont eux qui sont dans une logique de regret, ils ont peur. Les chasseurs sont maintenant dans une logique d’être pourchassés. Ils vont devoir rendre compte, ils vont rendre gorge, ils payeront. Je ne suis pas quelqu’un qu’on envoie comme ça en prison et qu’on libère après. Ce serait très facile. Ce combat sera déployé. La liberté provisoire, c’est le cadet de mes soucis. Même si j’avais zéro liberté, j’allais mener ce combat à l’intérieur de la prison. Ceux qui ont commis la bourde de me jeter en prison n’oseront pas recommencer leur bêtise. C’est une bourde judiciaire, la plus grave de l’histoire du Sénégal. Ils ont péché et ils devront le payer. Une faute politique se paie cash.»

Article 80 : «C’est un article obsolète. Ce n’est pas un article qui a sa place dans une démocratie. Il est regrettable qu’il y ait un abandon des combats démocratiques par beaucoup d’acteurs de la démocratie. Je n’ai pas entendu certains que j’ai connus de longues dates, comme Idrissa Seck, certains politiciens et même des mouvements nouveaux. C’est comme si le fait qu’on parle de ma personne allait leur porter ombrage. Les conditions de détention étaient exécrables. Quand on vous met dans une chambre de 90 personnes. Quand pour se doucher, il faut attendre une longue file. Quand vous prenez du café avec de l’eau chaude, les gens qui boivent remettent ça dans la cafetière, c’est comme si c’était une volonté d’écraser la personne. J’ai été un roc dans la prison. C’est la raison pour laquelle j’ai engagé une grève de la faim pour leur montrer que j’ai des cordes à mon arc et ces cordes étaient nombreuses. J’étais sur le point d’envoyer une lettre de ma fille au Secrétaire général de l’Onu, y compris déclencher aux États-Unis devant la Maison Blanche des grèves pour que plus jamais au Sénégal, personne n’ose prendre quelqu’un et l’amener en prison.»

Position de certains journalistes : «Moi, ce qui m’importe le plus, c’est sur quoi j’ai mis le doigt. C’est le fait que les ressources naturelles là où j’ai aidé le Sénégal et ce qui se passe avec l’histoire de Petro-Tim. Ce que j’ai écrit relève de la vérité. J’ai mené des démarches jusqu’à parler avec le Directeur général de British Petrolieum, une société qui pèse 226 milliards de dollars (124 mille 300 milliards FCfa) de valorisation boursière. J’ai parlé avec le Pdg de Total à Ryad, lors du sommet organisé par le Prince héritier Ben Salman pour exiger qu’ils sortent les contrats. C’est à cause de cette intervention qu’il a montré les contrats. Je connais le pétrole depuis des années. Si on veut me ramener à des considérations de débat de presse et autres, ce sont des débats secondaires. Je leur laisse leur débat de gesticulation intellectuelle, de pipi de chat sur le journalisme. J’ai dépassé cela. Ce qui me parait essentiel au 21e siècle, c’est la lutte pour la souveraineté économique sur nos ressources naturelles. Il y a eu la guerre contre l’Apartheid, la guerre pour décoloniser l’Afrique. Au 21e siècle, le principal combat, en plus de l’affermissement de la liberté et de la démocratie, c’est le combat pour s’assurer que les pays africains ne se retrouveront pas privés de leurs ressources naturelles, du fait d’acteurs qui sont mus par de petits intérêts. J’ai étudié le pétrole et le gaz. J’ai parcouru le monde et j’ai aidé Monsieur Macky Sall à entrer dans le pétrole. Aucun d’eux, ni Abdoulaye Wade ni Karim Wade, n’avaient ces relations.»

Soutien de Karim et Khalifa Sall : «J’ai critiqué Khalifa Sall. J’ai critiqué Karim Wade. Mais j’ai observé une intelligence politique qui a consisté à venir vers moi. Khalifa Sall a toujours fait montre de générosité. Chaque fois, il me fait parvenir de l’eau, des journaux. Chaque fois que je le voyais, son sourire était la première signature de son visage. Karim Wade a eu l’intelligence de m’envoyer un brillant avocat, Me Seydou Diagne, le jour de mon interpellation, pour dire qu’il est constitué à son nom. Abdoulaye Wade a fait un témoignage que tout le monde a remarqué. Je dois aussi remercier ceux qui sont de ma confrérie, à commencer par le Khalife général des Mourides, qui a envoyé son fils aîné, en me dissuadant de mettre un terme à ma grève de faim. En revanche, je constate pendant que j’étais en prison, détenu de façon illégale, des écrits que personne ne peut dénoncer. La preuve, les motifs de ma détention ont été transmutés, non pas en accusations sur les mœurs, mais on a parlé d’offense au chef de l’État et de déstabilisation du pays. Mais c’est grave, si ma plume peut déstabiliser le pays. Au moment où je me trouvais les mains liées, certaines personnes surgissant d’on ne sait où, peut-être voulant redorer leur blason, sont allés sur des plateaux de télévision et dans certains journaux, pour dire, l’un en particulier, Madiambal Diagne, qu’il m’a vu au Caire lors de la finale (de la Coupe d’Afrique des nations de football) avec des Algériens. Alors que ce jour-là, j’étais avec des Égyptiens et le Haut-commissaire adjoint de l’Omvs que j’avais invité dans les meilleures conditions. Il répondra de cette déclaration. En plus, vous avez vu un de nos vieux dans le journalisme au Cesti, Moriba Magassouba, qui m’a rencontré peut-être à Paris une seule fois, en 10 ou 15 minutes, qui ose dire qu’il a guidé mes pas à Paris. Qui ose dire aussi qu’un défunt journaliste que je ne vais pas nommer ici, lui aurait dit quelque chose, alors que cette personne était candidat à un poste prestigieux pour lequel j’étais en compétition. Il n’était même pas présélectionné. Vous voyez cette petite méchanceté, cette jalousie des Sénégalais.»

JULES SOULEYMANE NDIAYE / igfm