Kosovo: Il perd son poste d’imam pour avoir cru en Darwin.

 

«Les êtres vivants sont le fruit de l’évolution. Mais cette évolution est dirigée par Dieu.» Pour avoir exprimé sur les réseaux sociaux ce double attachement à sa foi et à la science, Drilon Gashi, un imam de 31 ans, a reçu en septembre une lettre de la communauté islamique (BIK), lui notifiant qu’il était relevé pour «faute lourde» de ses fonctions d’imam de sa mosquée dans l’ouest du Kosovo.

«Notre avocat nous a dit qu’il avait laissé passer le délai d’appel», a expliqué Ahmet Sadriu, porte-parole de la BIK. «Il a commis plusieurs fautes. Ses principes sont contraires à ceux de l’islam et à notre règlement intérieur. Dans un premier temps, il a été suspendu, mais il a continué», a poursuivi Ahmet Sadriu, qui ne souhaite pas en dire plus sur la controverse.

Majoritairement musulman, le Kosovo, où des législatives se tiennent dimanche, inscrit dans sa constitution son caractère séculier ainsi que la séparation des religions et de l’Etat.

Rigorisme en hausse

Selon Driton Gashi, «il est possible de croire en Dieu, d’être un croyant sincère, et en même temps d’avoir confiance en la science.» Quelque 90% des habitants du Kosovo, très majoritairement albanais, se disent musulmans et pratiquent pour la plupart un islam libéral, notamment influencé par le soufisme bektashi. «La religion des Albanais, c’est l’Albanisme», ont coutume de dire les habitants. Dans les bars et les restaurants, l’alcool est à disposition, et ce qui vient d’Occident, surtout des Etats-Unis, a une image positive.

Mais à l’instar de nombreux observateurs, Driton Gashi décèle un renforcement d’une pratique religieuse plus rigoriste. Après la guerre entre guérilla indépendantiste et forces serbes sur cette ancienne terre yougoslave communiste (1998-99), de nombreuses mosquées ont été reconstruites ou bâties avec des fonds de pays du Golfe. Des imams sont allés s’y former, notamment en Arabie saoudite.

Volonté de s’en aller

Ce fut le cas de Driton Gashi qui a étudié à Médine. A son retour au Kosovo, il s’est vu confier la mosquée du village de Vitomirice, financée par de l’argent venu de Dubaï. S’il n’a pas été convaincu par l’enseignement reçu en Arabie saoudite, «de nombreux imams (kosovars) convertis à la doctrine wahhabite, occupent des positions clés au sein du BIK», assure-t-il.

«Ce sont eux qui composent la commission de discipline et qui ont tout fait pour que je sois limogé», affirme-t-il. La communauté islamique n’a pas commenté ces accusations. Mais l’ancien imam peut compter sur ses admirateurs. L’un d’eux lui a écrit: «Félicitations Drilon! Tu en sais bien plus que ces religieux ignorants et conservateurs!» sur Facebook, où il compte près de 3500 amis.

Sur sa page Facebook, Drilon Gashi se décrit «au chômage». Moins de deux mois après sa mise au ban, il réfléchit à quitter le Kosovo avec sa famille.

(afp/20 minutes)