Liban: Impatient, le Hezbollah montre ses muscles

 

Le bras de fer entre la rue et le pouvoir se prolonge samedi au Liban. Des risques accrus de dérapage ont été soulignés par des heurts entre l’armée et les manifestants ayant fait au moins six blessés.

Samedi après-midi, six personnes ont été blessées, dont certaines grièvement, dans des affrontements près de Tripoli, la grande ville du nord, selon l’Agence nationale de l’information (ANI), qui a fait état de l’«arrestation de plusieurs» manifestants par les militaires. Interrogée par l’AFP, une source médicale sur place a confirmé «plusieurs blessés» sans être en mesure d’en préciser le nombre.

Les heurts ont éclaté alors que l’armée tentait de débloquer l’autoroute reliant le nord du pays à la frontière syrienne. Les forces de l’ordre sont également intervenues sur le pont autoroutier qui surplombe le centre-ville de Beyrouth, soulevant des manifestants assis à même le sol pour dégager le passage, avant de se retirer. Plusieurs dizaines de manifestants sont ensuite venus en renfort pour assurer le blocage les deux voies du pont.

«C’est une voie principale de Beyrouth. Nous ne voulons pas que la vie reprenne son cours normal, ni à Beyrouth ni au Liban, car la vie dans ce pays n’est plus normale», a expliqué Karim, 31 ans. Plusieurs grands axes routiers reliant la capitale au reste du pays sont restés bloqués samedi, prolongeant la paralysie du pays dont les banques, les écoles et les universités sont fermées.

Une chaîne humaine de 170 km

Des appels sont apparus sur les réseaux sociaux pour organiser dimanche une chaîne humaine géante qui longerait toute la côte libanaise, de Tripoli à Tyr, sur 170 km. Cela impliquerait la mobilisation d’au moins 100’000 personnes selon les estimations. L’armée et la police ont fait part samedi de leur volonté «d’ouvrir les principaux axes routiers à travers le pays». «Nous allons négocier avec les protestataires sans avoir recours à la force», a assuré un porte-parole de l’armée.

Des dizaines de partisans du président Michel Aoun, conspué comme les autres dirigeants, ont organisé de leur côté des sit-in de soutien au chef de l’Etat en plusieurs points du pays. La tension est parfois montée, avec des échanges d’insultes entre les deux camps.

Heurts avec des partisans du Hezbollah

Déjà, vendredi, de violents heurts ont fait plusieurs blessés légers. Ils avaient opposé dans le coeur de la capitale des manifestants à des partisans du Hezbollah. Furieux des slogans hostiles à leur leader vénéré Hassan Nasrallah, des dizaines de membres du Hezbollah chiite se sont rués sur les manifestants, obligeant la police antiémeutes à s’interposer.

Des scènes similaires ont été signalées dans des villes du sud à majorité chiite, notamment à Nabatiyé et Tyr où des cris hostiles à Hassan Nasrallah sont entendus pour la première fois.

Depuis le début du mouvement populaire le 17 octobre, les manifestants crient leur colère de vivre dans un pays où les services de base, comme l’eau et l’électricité ne sont pas assurés 30 ans après la fin de la guerre civile (1975-1990).

«Chaos»

Hassan Nasrallah, dont le mouvement est le seul à n’avoir pas déposé les armes à la fin de la guerre civile, a lancé un appel au calme à ses fidèles. Mais le leader chiite, dont le mouvement fait partie de la coalition gouvernementale, a aussi brandi la menace du «chaos» et d’un «effondrement» du Liban.

Le chef du Hezbollah a écarté tout chamboulement institutionnel, rejetant la principale revendication de la foule après les fins de non-recevoir opposées par le Premier ministre Saad Hariri et le président Aoun: le départ de l’ensemble de la classe politique.

Seule institution à avoir échappé au mépris général de la population, l’armée joue désormais un rôle clé. Des soldats avaient déjà tenté mercredi de lever les barrages mais ont fini par fraterniser avec les manifestants qui leur offraient des fleurs.

A Tripoli, à Beyrouth ou dans le Sud, les rassemblements se poursuivaient samedi soir avec des slogans phares inchangés depuis dix jours: «Révolution, révolution!», «Tous, cela veut dire tous!», «Le peuple veut la chute du régime»…

(nxp/ats)