Destitution de Trump: enquête approuvée

 

La procédure de destitution menaçant Donald Trump a pris une nouvelle ampleur jeudi, après un vote crucial autorisant des auditions publiques qui a suivi des lignes profondément partisanes au Congrès. «C’est notre démocratie qui est en jeu», a affirmé dans l’hémicycle la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, tenant à donner à cet événement rare une tonalité solennelle.

Plus de vingt ans après le dernier vote ayant ouvert une telle procédure contre Bill Clinton, la Chambre, à majorité démocrate, a adopté une résolution donnant un cadre formel aux investigations par 232 voix favorables contre 196 voix. Les élus se sont donc très largement conformés aux consignes de leurs partis, à l’exception de deux démocrates, les républicains faisant bloc autour de Donald Trump en dénonçant une «mascarade».

«Avec ces auditions publiques, nous rechercherons la vérité et nous ferons en sorte que les Américains puissent se faire leur propre idée» sur l’affaire ukrainienne, a expliqué Nancy Pelosi. «Nous assumons ce devoir avec le sérieux qu’il mérite», a ajouté Adam Schiff, chef démocrate de la commission du Renseignement qui co-dirige l’enquête.

«Chasse aux sorcières»

Suivant apparemment le vote de près, Donald Trump a très rapidement dénoncé «la plus grande chasse aux sorcières de l’Histoire américaine». «C’est inique, anticonstitutionnel et fondamentalement anti-américain», a renchéri la Maison Blanche.

Le 24 septembre, Nancy Pelosi avait décidé d’engager son parti sur la voie périlleuse de l’«impeachment» (mise en accusation du président) après des révélations sur un appel téléphonique entre Donald Trump et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky au coeur de l’été. Lors de cet échange, le président républicain avait demandé à son interlocuteur de «se pencher» sur son rival démocrate Joe Biden et les affaires de son fils Hunter en Ukraine.

Les démocrates accusent Donald Trump d’avoir abusé de son pouvoir à des fins personnelles, Joe Biden étant bien placé pour l’affronter lors de la présidentielle de 2020. Condamnant «l’attaque de Donald Trump contre la Constitution», ce dernier, comme d’autres candidats démocrates à la Maison Blanche, a salué le vote. Affirmant être visé par un «coup d’État», l’homme d’affaires martèle que cet appel était «irréprochable».

Le chef de l’État a envisagé de lire à la télévision le fameux échange avec son homologue ukrainien. «A un moment donné, je vais m’asseoir, peut-être au coin du feu en direct à la télévision, et je lirai la transcription de l’appel, parce que les gens doivent l’écouter. Quand vous l’écoutez, c’est un appel réglo», a dit Donald Trump au média «Washington Examiner».

Auditions à huis clos

Les démocrates ont déjà entendu une douzaine de diplomates et conseillers de la Maison Blanche à huis clos. Selon les éléments qui ont fuités, des ambassadeurs et des hauts responsables ont livré des témoignages parfois accablants pour la Maison Blanche.

Ils ont notamment révélé les efforts déployés pendant des mois par des proches du président, dont son avocat personnel Rudy Giuliani, en marge des canaux de la diplomatie officielle, pour convaincre Kiev de fournir des informations embarrassantes sur Joe Biden. Un conseiller à la Maison Blanche spécialiste de la Russie, Tim Morrison, était à son tour entendu jeudi.

D’après des médias américains, il a confirmé aux élus qu’en coulisses, Washington avait réclamé l’ouverture d’une enquête à Kiev sur l’entreprise employant Hunter Biden avant de débloquer une aide militaire destinée à l’Ukraine. Tim Morrison travaillait avec l’ex-conseiller à la sécurité nationale John Bolton, qui a été appelé à témoigner à son tour le 7 novembre mais pourrait refuser de le faire s’il n’est pas assigné à comparaître.

Majorité républicaine au Sénat

Le président et son entourage ont vivement critiqué le secret de ces auditions. Ils leur ont aussi reproché de violer les droits de Donald Trump à se défendre et d’avancer sans avoir jamais procédé à un vote. La résolution approuvée jeudi vise à les priver de cette ligne de défense.

Outre l’organisation d’auditions publiques, elle autorise désormais les républicains à convoquer leurs propres témoins. Le texte prévoit ensuite le transfert des preuves à la commission judiciaire qui sera chargée de rédiger les articles de mise en accusation du président. C’est seulement à ce stade que «la participation du président et de ses avocats sera autorisée».

La Constitution américaine ne donne que les grandes lignes pour destituer un président: à la Chambre des représentants revient le soin de le mettre en accusation, au Sénat de le juger. Compte tenu de la majorité républicaine à cette chambre haute qui aura le mot final, une destitution paraît peu probable.

(nxp/ats)