Liban: la contestation se mobilise en masse

 

Brandissant des drapeaux libanais et réclamant la «chute du régime», plusieurs milliers de personnes ont envahi dimanche les rues de Beyrouth et d’autres grandes villes, quelques heures après un vaste rassemblement des partisans du président Michel Aoun.

Le chef de l’Etat a appelé à l’unité pour soutenir son programme de réformes, alors que depuis le 17 octobre le Liban est secoué par un soulèvement inédit ayant mobilisé des centaines de milliers de manifestants, qui crient leur ras-le-bol face à une classe politique jugée corrompue et incompétente et une économie au bord du gouffre.

Manifestants par milliers

Dimanche soir la place des Martyrs, au coeur de Beyrouth, était noire de monde. Les manifestants ont afflué par milliers avec leurs drapeaux et leurs pancartes rivalisant d’inventivité, a constaté une correspondante de l’AFP.

«Révolution !», scandait un manifestant, salué par les vivats et les sifflements de la foule qui reprend en choeur les principaux slogans du mouvement, accompagnée par les rythmes d’une musique électro et les applaudissements.

«Le peuple veut la chute du régime», «Tous veut dire tous», ont crié les manifestants.

«Nous sommes tous unis face aux chefs qui nous dirigent depuis 40 ans mais qui n’ont rien changé dans ce pays», lance Abir Mourad, 37 ans, venue tout spécialement de Tripoli, grande ville du nord. «Nous sommes venus dire que la force du changement est désormais aux mains du peuple.»

«Tyr, Tyr, Tyr, c’est pour toi que nous nous révoltons», «Banlieue (sud) nous sommes avec toi jusqu’à la mort», ont scandé les manifestants, en référence à des bastions du mouvement chiite du Hezbollah qui est contre la plupart des demandes du mouvement de contestation.

Marche féministe

Partie du Musée national à Beyrouth, une marche féministe rassemblant quelques centaines de femmes et d’hommes, s’est dirigée plus tôt dans la journée vers la place des Martyrs. «Notre révolution est féministe», pouvait-on lire en rouge sur une bannière brandie par des manifestantes.

Enveloppés dans des draps blancs, une corde autour du cou accrochée à une potence, trois manifestants alignés miment la mise à mort des maux dont souffrent encore le pays selon eux, notamment le confessionnalisme.

Des rassemblements ont également eu lieu dans les deux grandes villes côtières du sud, Tyr, majoritairement chiite, et Saïda, majoritairement sunnite, d’après l’agence d’information libanaise.

Pendant près de deux semaines le Liban est resté quasi-paralysé. Mais le pays a retrouvé ces derniers jours un semblant de normalité avec la réouverture des banques et des écoles, faisant craindre un essoufflement de la contestation. Les barrages routiers, installés par les contestataires pour gêner les autorités, ont été progressivement levés.

Rassemblement pro-président

Plus tôt dimanche, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées en soutien au président Michel Aoun à Baabda, au sud-est de la capitale, sur la route menant au palais présidentiel, a constaté un photographe de l’AFP.

«J’appelle tout le monde à l’union», a lancé M. Aoun dans une courte allocution à l’intérieur du palais, s’adressant à ses partisans mais aussi aux contestataires, refusant de voir se dérouler «une manifestation contre une autre manifestation».

«Nous avons mis en place une feuille de route» pour lutter contre la corruption, redresser l’économie et établir un Etat civil, a rappelé le président, avertissant que ce ne sont pas des réformes «faciles à concrétiser».

«Réformiste et sincère»

La foule compacte s’étalait sur près de deux kilomètres, d’après le photographe de l’AFP. Certains participants brandissaient des drapeaux libanais et des étendards orange, couleur du parti de M. Aoun, le Courant patriotique libre (CPL). D’autres exhibaient des portraits du président de 84 ans.

«Le général Aoun est un homme réformiste et sincère, ce n’est ni un corrompu ni un voleur, nous sommes là pour lui dire on est avec toi et on restera avec toi quoi qu’il arrive », a confié à l’AFP une manifestante, Diana.

«Il y a de la corruption au sein de l’Etat depuis 30 ans, le président n’en est pas responsable, il essaye de lutter contre», a assuré la quadragénaire.

Démission du Premier ministre

Le soulèvement a entraîné mardi dernier la démission du Premier ministre Saad Hariri et de son gouvernement –qui continue toutefois de gérer les affaires courantes.

Il s’agissait d’une des demandes des contestataires, qui réclament une nouvelle équipe ministérielle composée de technocrates.

Mais selon une manifestante à Tripoli, Najwa, les «scénarios qui alimentent les rumeurs ne sont pas très encourageants». «Il n’y a pas de transparence», ajoute-t-elle, précisant ne pas être certaine que le nouveau gouvernement soit différent du précédent.

Au Liban, plus du quart de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2012, selon la Banque mondiale (BM). Les Libanais sont exaspérés par l’absence de services publics dignes de ce nom, avec de graves pénuries d’eau et d’électricité et une gestion archaïque des déchets.

(nxp/afp)