Macron juge l’Otan en état de «mort cérébrale»

 

Emmanuel Macron a jugé l’Otan en état de «mort cérébrale» dans un entretien publié jeudi. Il a déploré le manque de coordination entre les Etats-Unis et l’Europe et le comportement unilatéral de la Turquie en Syrie, membre de l’Alliance atlantique.

La chancelière allemande Angela Merkel a réagi en déclarant ne pas partager cette vision «radicale», tandis que le secrétaire d’Etat Mike Pompeo répétait l’exigence américaine d’un meilleur «partage du fardeau» financier de l’Otan. Moscou a salué de son côté un diagnostic «sincère», des «paroles en or» et «une définition précise de l’état actuel de l’Otan».

«Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’Otan», a déclaré le chef de l’Etat français dans une interview à l’hebdomadaire «The Economist» à paraître vendredi.

«Vous n’avez aucune coordination de la décision stratégique des États-Unis avec les partenaires de l’Otan et nous assistons à une agression menée par un autre partenaire de l’Otan, la Turquie, dans une zone où nos intérêts sont en jeu, sans coordination», a-t-il souligné, en référence à l’intervention militaire turque en Syrie.

«Muscler» l’Europe de la défense

Il faut «clarifier maintenant quelles sont les finalités stratégiques de l’Otan», a-t-il ajouté, plaidant à nouveau pour «muscler» l’Europe de la défense. Emmanuel Macron s’interroge en particulier sur l’avenir de l’Article 5 du traité atlantique, qui prévoit une solidarité entre membres de l’Alliance si l’un d’entre eux est attaqué. «Si le régime de Bachar el-Assad décide de répliquer à la Turquie, est-ce que nous allons nous engager ?».

«Nous nous sommes engagés pour lutter contre Daech. Le paradoxe, c’est que la décision américaine (de retrait du nord de la Syrie) et l’offensive turque dans les deux cas ont un même résultat: le sacrifice de nos partenaires sur le terrain qui se sont battus contre Daech, les Forces démocratiques syriennes (FDS)», regrette-t-il.

Trois grands risques

Cela rend pour le président français d’autant plus «essentiel d’une part, l’Europe de la défense – une Europe qui doit se doter d’une autonomie stratégique et capacitaire sur le plan militaire. Et d’autre part, de rouvrir un dialogue stratégique (…) avec la Russie».

Emmanuel Macron en profite pour pointer trois grands risques pour l’Europe. D’une part, «l’Europe a oublié qu’elle était une communauté, en se pensant progressivement comme un marché», souligne Emmanuel Macron.

Ensuite, les Etats-Unis regardent cependant désormais «ailleurs», vers «la Chine et le continent américain», estime le chef de l’Etat. «Pour la première fois, nous avons un président américain qui ne partage pas l’idée du projet européen».

Disparition à terme

Enfin, le rééquilibrage du monde va de pair avec l’émergence depuis 15 ans d’une puissance chinoise qui crée un risque de bipolarisation et marginalise clairement l’Europe.

Selon le chef de l’Etat français, si les Européens n’ont «pas un réveil, (…) le risque est grand, à terme, que géopolitiquement nous disparaissions, ou en tous cas que nous ne soyons plus les maîtres de notre destin».

L’Otan reste «forte»

Angela Merkel a commenté ces déclarations lors d’une conférence de presse à Berlin avec le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg. «Je ne pense pas qu’un tel jugement intempestif soit nécessaire, même si nous avons des problèmes», a-t-elle déclaré. Les «termes radicaux» de Emmanuel Macron ne correspondent pas à «mon point de vue au sujet de la coopération au sein de l’Otan», a ajouté la chancelière.

Jens Stoltenberg a de son côté estimé que l’Otan restait «forte», estimant que les Etats-Unis et l’Europe «travaillaient ensemble plus que nous ne l’avons fait depuis des décennies».

Mots sévères pour Moscou

Le président français a eu dans la même interview des mots sévères sur la Russie dont le modèle «anti-européen», de «sur-militarisation» avec une population déclinante et un PIB «équivalent à celui de l’Espagne» n’est selon lui «pas soutenable». Si elle ne veut pas devenir un «vassal de la Chine», la Russie n’a d’autre alternative qu’un «partenariat avec l’Europe», a-t-il ajouté.

(nxp/ats)