Le Sénégal de Senghor à Macky Sall : 60 ans d’ajustement structurel, d’instrument de coordination des politiques et d’instrument de soutien à la politique économique.

 

Tout d’abord, commençons par définir les termes utilisés qui font croire que les programmes mis en place par le FMI de nos jours sont différents des fameux ajustements structurels dans les années 80 et 90. Vous verrez que tous ces termes signifient la même chose et que le Sénégal n’a jamais eu à définir sa propre politique économique. Depuis 1960, nous avons voulu copier le modèle occidental alors que ce modèle n’est pas forcement pas adéquat à nos réalités politiques, sociales et économiques. Si depuis les indépendances, nous faisons toujours face aux mêmes problèmes, il faut revoir la manière de faire, car ça ne marche point. On nous endette pour nous imposer une politique qui ne nous développera jamais. N’est-il pas temps de couper le cordon ombilical qui nous lie à la France et aux institutions de Bretton Woods tout en mettant en place des partenariats gagnants ? L’endettement est idéal pour le développement si les ressources mobilisées sont bien allouées, mais malheureusement, cet endettement n’a servi qu’à enrichir les dirigeants tout en appauvrissant cette population qu’ils ont asservie.

C’est du pareil au même

Un ajustement structurel (ou réforme structurelle) désigne une mesure de politique économique dont le but est d’améliorer de manière durable le fonctionnement d’un secteur de l’économie ou d’économie entière d’un pays. Il est souvent utilisé pour réduire l’inflation, le chômage, les déficits publics, faciliter les investissements étrangers, et supprimer les entraves au développement économique entre autres.

L’instrument de soutien à la politique économique (ISPE) vise à aider les pays membre à maintenir ou consolider la stabilité macroéconomique et la viabilité de la dette, tout en approfondissant les réformes structurelles dans des domaines essentiels où des contraintes pèsent sur la croissance et sur la réduction de la pauvreté.

L’instrument de Coordination des Politiques Économiques (ICPE) est un instrument introduit par le FMI en 2017 qui sert à renforcer la stabilité macroéconomique par le maintien de la viabilité des finances publiques et la gestion prudente de la dette.

Le but d’un ajustement structurel est de relancer la croissance économique et de rétablir l’équilibre financier d’un pays. Cela se fait en prenant des mesures drastiques comme la réduction des dépenses publiques, la réduction de l’effectif de la fonction publique, l’augmentation des prix des denrées de première nécessité et la libéralisation de certains secteurs.

Au lendemain des indépendances

Le premier Plan de stabilisation a été mis en place en 1979 qui a pour but d’augmenter les recettes de l’Etat tout en suspendant les taxes à l’exportation sauf l’arachide et les phosphates. À partir de 1980, le Plan de développement économique et social est conçu par la Banque mondiale et le FMI. Il a pour but d’assainir les finances publiques. C’est ainsi que les institutions de Bretton Woods nous ont demandé de fermer une vingtaine d’ambassades, de réduire le parc automobile et le carburant de l’Etat et la réduction des subventions des denrées de première nécessité entre autres. Ayant considéré ce plan comme un échec, notamment dans sa dimension structurelle, un autre plan a été mis en place, il s’agit du Plan d’ajustement économique et financier à moyen et long terme. Pour réaliser les objectifs de ce Plan, des mesures ont été prises, la création de la Nouvelle politique agricole (NPA) pour responsabiliser les paysans, et la Nouvelle politique industrielle (NPI) pour redynamiser le secteur secondaire.

Après plusieurs échecs, l’initiative PPTE a été mise en place en 1996, avant d’être renforcée en 1999. Il s’agit d’alléger la dette des pays très pauvres et très endettés. Il fallait pour chaque pays demandeur de cet allègement de mener pendant 3 ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale sous forme de programmes d’ajustement structurel. Tous les pays concernés ont adopté un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP). À la fin des 3 années, si le ratio du stock de la dette extérieure/exportations est supérieur à 150 %, le pays est déclaré éligible. En juin 2005, le G8, grands pays industrialisés avec le FMI, l’AID, de la Banque mondiale et du Fonds africain de développement ont annulé leurs créances sur les pays éligibles. Finalement, en mars 2009, dans un document intitulé « Réponse du FMI à la crise financière et économique » le FMI a affirmé avoir commis des erreurs et avoir appris de ces erreurs et a même assure que depuis la crise financière, aucun des prêts accordés n’était adossé aux conditions draconiennes utilisées dans le passé.

Ce ne sera qu’en 1848 avec la proclamation de la IIe République que les populations des quatre communes (Rufisque, Gorée, Saint-Louis et Dakar) sont déclarées citoyens français. Ils peuvent accéder aux établissements « français » comme le lycée Faidherbe ou le lycée Van Vollenhoven. Cette acculturation a permis à Blaise Diagne de devenir député, faisant de lui le premier noir à accéder à la chambre. Le Sénégal assiste ainsi à sa première alternance politique. Senghor est officiellement le premier président de notre petite nation et préfère garder l’identité française au lieu de retourner aux valeurs sénégalaises. En 2024, soit 64 ans après l’indépendance, le Sénégal n’aura connu que quatre présidents alors que dans les grandes démocraties, on serait au minimum avec huit présidents. Chacun de ces présidents à quelque chose en commun, ils ont tous traversé des ajustements structurels et n’ont pas pu sortir le Sénégal de la pauvreté. Est-ce dû à leur manque de vision ? Ont-ils les mains ligotées par les institutions de Bretton Woods ? Quel est le problème ?

Le début du commencement

La vision politique du Sénégal au lendemain des indépendances est caractérisée par la voie africaine du socialisme. Cette voie accorde une importance au monde rural et a l’agriculture. Le taux de croissance tournait autour de 2 % sur la période de 1960 à 1970. Ce faible taux de croissance économique est dû aux déséquilibres financiers dans le secteur public, au faible taux de rentabilité des investissements, à l’impossibilité de mobiliser une épargne publique et un service de la dette insoutenable entre autres maux.

Alors que notre économie repose sur la monoculture arachidière, représentant presque 80 % des exportations du Sénégal, la grande sècheresse des années 60 a gravement affecté la récolte annuelle. Elle est passée d’un million de tonnes à environ 800 000 tonnes. Conséquemment, une forte inflation s’en est suivi et le pouvoir d’achat des Sénégalais a drastiquement baissé, avec la population sénégalaise composée des deux tiers de ruraux. Le gouvernement n’était plus en mesure de payer les salaires et le chômage battait son plein. Cela a créé des tensions sociales et l’UNTS, seul syndicat qui avait été autorisé par le gouvernement senghorien, ne respecte plus son devoir de réserve et critique ouvertement la politique du président.

Le même mois, les étudiants apportent leur soutien aux manifestants et ils étaient déjà frustrés par le fait que l’enseignement ne soit pas assez « africanisé » vu que l’université de Dakar était considérée comme la 18 -ème université française à cause de son enseignement et de son personnel. Le recteur de l’université ainsi que la majorité des professeurs étaient français. Les étudiants sénégalais ne représentaient qu’un tiers de l’effectif contre deux tiers de ressortissants étrangers. À cela, s’ajoute l’omniprésence de la France au Sénégal, aussi bien par ses entreprises que par son armée. Pour contrecarrer les étudiants, le ministre de l’Intérieur sort les étudiants du campus et Senghor déclare l’état d’urgence le 30 mai 1968. Il s’en est suivi des pillages, des attaques des résidences des membres du gouvernement. Il a fallu une réunion d’urgence le 18 juin 1968 entre le gouvernement et les syndicats pour augmenter le SMIG de 15 %, revaloriser les bourses des étudiants et « sénégaliser » l’économie.

Inévitablement, les Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) ont été instaurés au Sénégal dans le but de stabiliser le déficit extérieur et de retourner à un équilibre macroéconomique. Il est impératif de rappeler que les années 70 étaient caractérisés par un surendettement, des déséquilibres du cadre macroéconomique, des finances publiques malsaines, et surtout la non-pertinence des choix d’investissements publics. Malheureusement, ces PAS n’ont rien donné de concret en termes de développement.

Nous assisterons à beaucoup de condamnations durant l’époque de Senghor. Charles Gueye sera condamné à 10 ans d’emprisonnement pour complot contre la sécurité de l’état. Malik Samb, aussi connu sous Max Mader, sera condamné à un de prison pour une manifestation interdite. Ils étaient des proches de Majemout Diop du PAI, disent-ils. Le 22 mars 1967, une tentative d’assassinat visant Senghor a été déjouée. Celui qui est accusé n’est autre que Moustapha Lô, et il sera exécuté en 1967. D’autres seront lourdement condamnés pour avoir pris part à la tentative d’assassinat ou pour ne pas avoir dénoncé les commanditaires du plan. Il s’agit de Mamadou Moustapha Dramé, Doudou Ndiaye et Abdoul Baila Wane.

Ibrahima Paye, aussi connu sou le nom de Jack, Blondin Diop, Mohamed Diop, Mame Sidy Gueye et Thiemokho aussi connu sous l’alias Thié Camara ont été emprisonnés pour avoir incendié le centre culturel français durant la visite du président français Pompidou. La police va plus tard déclarer que Blondin Diop s’est suicidé par pendaison, il n’avait que 26 ans. En peu de temps, le Sénégal a vécu une tentative de coup d’état, une tentative d’assassinat, et de plusieurs troubles d’étudiants. À 74 ans, Senghor était littéralement fatigué et il a préféré laisser sa place à son dauphin constitutionnel, Abdou Diouf.

Un changement identique

Premier ministre depuis 10 ans, Abdou Diouf succède finalement à Senghor le 1er janvier 1981. Dès son ascension au magistère suprême, il a estimé que pour relancer l’économie sénégalaise, les mentalités devaient changer et il voulait assainir la vie politique et économique du Sénégal pour attirer les investissements aussi bien nationaux qu’étrangers. L’enrichissement illicite devient ainsi un délit, notifié par l’article 163 du Code pénal. Dorénavant, tous les acteurs politiques doivent justifier l’origine de leurs revenus, sous peine de poursuite. Théoriquement, cette loi aurait pu changer le Sénégal, mais en pratique, c’était impossible, car la société sénégalaise souffre de cette pratique de corruption dans toutes les couches.

La monoculture arachidière semble mieux se porter, avec la production qui était tombée en dessous de 300 000 tonnes en 1980, était passée à 800 000 tonnes grâce au bon hivernage de 1980 et 1981. Malheureusement, ce ne sera pas assez, car en 1983, la situation économique était très mauvaise et les institutions de Bretton Woods exigent la diminution de l’effectif de la fonction publique, l’augmentation des prix des denrées de première nécessité, l’arrêt des subventions dans le secteur arachidier et la libéralisation du secteur secondaire. Les premières mesures tombent le 19 août 1983, les prix des denrées de première nécessité augmentant de plus de 10 %. Un nouveau Plan d’ajustement économique et financier à moyen terme est négocié avec les bailleurs de fonds. Il faut aussi noter que durant les années 80, la France avait sa mainmise dans notre économie ; l’aide française était évaluée à presque 136 milliards FCFA, représentant presque le tiers des aides reçues par le Sénégal. Elle était aussi notre partenaire économique privilégiée avec presque 75 % du secteur privé sénégalais provenant des capitaux français.

Les politiques de développement menées par le président Diouf n’ont pas été des succès. Le secteur privé n’a pas répondu présent à l’appel. La dette était de 800 milliards de FCFA et représentait presque 70 % du PIB, et le service de la dette représentait 50 % des recettes budgétaires. La dette extérieure augmente de 20 % par an depuis l’ascension du président Diouf. Le climat social est très pesant.

À cela, il fallait ajouter la grogne estudiantine à la suite du retard des paiements de bourses d’étude. Le ministre de l’Intérieur avait alors décidé de faire rentrer la police dans le campus universitaire. Le bilan est de presque 30 blessés parmi les étudiants et l’université est fermée. Iba Der Thiam négocie avec les étudiants et ces derniers réclament le retrait des forces de l’ordre, le dédommagement des victimes et le règlement immédiat des bourses entre autres revendications. Tous les problèmes étaient urgents, car le pays traversait une crise économique. Il a fallu mettre en œuvre un plan d’action pour la création de 70 000 emplois en trois ans. Néanmoins, cet effort n’est pas suffisant, à cause, de la croissance démographique plus rapide que la croissance économique.

Le système financier est en eau trouble, car les banques sénégalaises sont en mauvais état et il a fallu une restructuration et il ne restait que trois banques en bonne santé financière. L’Etat était obligé d’ouvrir la porte aux anciens investisseurs occidentaux. Cette crise a provoqué des licenciements et les créances douteuses ont été rachetées par l’Etat. La crise est profonde et le Sénégal souffre, la France, en tant « qu’ami » du Sénégal, annule la dette, élevée à 256 milliards FCFA et la dette du Sénégal est toujours de plus de 1 000 milliards FCFA. La France, qui avait annulé la dette du Sénégal, a refusé d’octroyer de l’aide tant que le Sénégal ne se pliait pas à la demande du FMI et de la Banque mondiale, qui est de dévaluer le FCFA. Le président Diouf ne voulait point emprunter cette voie.

Comme alternative à la dévaluation, le président Diouf conçoit le plan Sakho-Loum, un plan d’urgence économique pour assainir les finances de l’Etat. Les mesures étaient entre autres de réduire les salaires des fonctionnaires de 15 %, de prélever une journée de salaire par mois dans le privé, de généraliser la TVA et de supprimer les exonérations douanières. Les syndicats ne l’entendent pas de cette oreille et on assiste à un dialogue de sourds. Le 12 janvier 1994, le franc CFA perd 50 % de sa valeur. Du jour au lendemain, les prix augmentent de presque 25 %, l’inflation est aux alentours de 30 % et les prix des denrées de première nécessité ont aussi connu une hausse comprise entre 40 et 70 %.

L’ère de la mégalomanie

Le 19 mars 2000 marque un changement majeur, les Sénégalais sont fatigués du parti socialiste et donne la chance au PDS du président Wade. Malgré toutes les politiques de développement, le Sénégal peine à faire décoller son économie. Le président Wade est arrivé comme le sauveur de toute une nation. Pendant que le pays manquait de tout, le président Wade a tout commencé en même temps, malgré nos maigres ressources. Il fallait s’endetter massivement pour financer tous les projets de développement, productif ou pas. La mal gouvernance et la pauvreté ont pris de l’ampleur sous le règne des libéraux.

Le kilogramme de riz qui coûtait 140 Francs CFA est monté à 240 Francs CFA en 2008. Le kilogramme de viande de mouton qui coûtait 1200 Francs CFA en 2000 coûtait 2580 Francs CFA en 2007. La bouteille de gaz de 6 kilogrammes qui coûtait 1495 Francs CFA en 2004 coûtait 3109 en 2007 et celle de 12 kilogrammes qui coûtait 3615 Francs CFA en 2004 est passée à 7165 Francs CFA en 2007. Le prix du sac de riz de 50 kilogrammes est passé de 9 500 Francs CFA à 17.000 Francs CFA à Dakar et 20.000 Francs CFA dans les autres régions du pays. Quand les populations avaient marché pour décrier la cherté de la vie, les forces de l’ordre ont riposté avec force et cela a causé la mort d’un homme et l’arrestation d’une vingtaine de personnes.

Les manifestations sociales se sont multipliées sous le régime libéral et plusieurs morts d’homme sans aucun procès. C’est ainsi que les Imams de Guédiawaye avaient organisé une marche de protestation contre la cherté de la vie et surtout les factures d’électricité trop élevées. Les coupures et les délestages augmentaient par faute de combustible et le tarif de l’électricité a augmenté de 17 % et presque 160 000 factures comportaient des anomalies.

Pendant que les jeunes mouraient en traversant la méditerranée à cause d’un avenir sombre au Sénégal, le régime libéral était dans des dépassements budgétaires et un trou de 450 milliards avait été découvert ainsi que le logiciel de suivi des dépenses qui avait été manipulé. Ils se sont partagé le Sénégal pendant que le Sénégalais lambda souffrait. Après des violences et plusieurs morts, il était temps d’une alternance ou plutôt d’une continuation.

L’ère de l’endettement improductif

C’est ainsi que le président Sall accédera au magistère suprême le 28 mars 2012. Ayant trouvé les caisses de l’Etat presque vides, il est allé en France rendre visite à son homologue pour demander de l’argent et en retour, il a décidé que l’armée française ne paierait aucun centime pour bénéficier du site de Rufisque et a signé le traité le 18 avril 2012.

En 2014, le président Sall met en place le Plan Sénégal Émergent (PSE), et tous les espoirs étaient portés sur ce plan pour enfin faire décoller l’économie du Sénégal et nous sortir de la pauvreté. Il a été initié pour un montant de 9 685,7 milliards FCFA et s’articule autour de trois axes : transformation structurelle de l’économie et croissance ; capital humain, protection sociale et développement durable ; gouvernance, institution, paix et sécurité. S’endetter pour se développer. Le Sénégal de Macky Sall, peut-il se permettre de retomber dans le piège d’une dette qui l’étranglerait à nouveau ?

Sous le règne républicain, en 2013, la dette représentait 45,7 % du PIB, 50,6 % en 2014, 55,7 % en 2015, 59 % en 2016 et 61,44 % en 2017. Le taux de pauvreté est de 47 % et nous faisions partis à un moment des 25 pays les plus pauvres du monde et sommes toujours parmi les pays les plus pauvres du monde. Le président avait promis de réduire le nombre de ministres à 25 ce qu’il a fait pendant quelques mois avant d’augmenter ce nombre et de nommer une flopée de ministres conseillers. Ce régime a supprimé le sénat et d’autres agences d’une part pour après créer des institutions budgétivores que sont le HCCT et le CNDT entre autres. Il avait aussi promis la réduction du train de vie de l’État et nous ne voyons que l’arrogance de la part de ses collaborateurs.

Le service de la dette a augmenté entre 2014 et 2017 de 24 % à 30 % et absorbe la majorité de nos recettes fiscales. La dette s’accroît et le danger est que la plupart des réalisations faites à partir des ressources empruntées sont d’ordre électoraliste donc avec un petit retour sur investissement ou aucun retour sur investissement. L’autre danger est que presque la moitié de notre dette est en dollars alors que notre Franc CFA est lié à l’Euro. Si toutefois le dollar grimpe, le coût de notre dette en augmentera conséquemment donc la dette n’est pas aussi soutenable sur le moyen terme que nous ne le pensons. En plus de cela, nous n’avions que 151 millions de dollars en devises et en or en fin 2017 et aucun plan en place pour accroître cela alors que plus de 70 % de notre dette est externe.

De 2012 à 2018, la dette a accru de plus de 5 000 milliards et en fin 2019, cette dette sera de presque 9 000 milliards. À quoi a servi cet endettement massif pendant que la population souffre ? Plus de dix ans de cela, le monde traversait une crise financière qui n’a épargné aucun pays. L’économie mondiale est en meilleure santé avec des banques et des investisseurs à la recherche d’investissements. L’Afrique en profite pour financer ses investissements. Le danger de cet endettement est qu’il crée une crise de la dette. Ce fut le cas dans les années 60 et 70 quand les pays africains s’étaient endettés excessivement pour financer leur croissance. Quand il y a une croissance soutenue, il y a obligatoirement une création massive d’emplois et cela n’est pas le cas au Sénégal. Le fait est que les pays qui ont montré une croissance rapide ont créé moins d’emplois que les pays qui ont montré une croissance modérée. Le Sénégal affiche un taux de pauvreté de 47 %. Où va cette croissance que ces dirigeants ont tant vanté ? Les 10 pays les plus riches d’Afrique subsaharienne francophones ont un PIB d’environ 200 milliards de dollars. La France à elle seule, dispose d’un PIB d’environ 2 925 milliards de dollars. Comment est-ce possible ?

Pour faire plaisir à l’électorat, les dirigeants s’endettent pour des réalisations de prestige qui ne contribuent point au développement de leurs pays. Les créanciers facilitent l’accès au crédit pour financer des projets non-rentables. Cette richesse est de toute façon rapatriée dans les métropoles, car leurs entreprises sont les maitre-d ‘œuvre de ces ouvrages et les bénéfices ne sont pas utilisés pour créer suffisamment d’emplois dans les pays débiteurs. Les prêts des pays riches sont souvent attribués pour des intérêts politiques et personnels plutôt que pour une politique de coopération visant à développer les pays pauvres. Ce fameux plafond de 70 % a été fixé durant la période de la crise de la dette, car le taux d’endettement devenait excessif. Avec l’initiative des pays pauvres très endettés et l’initiative d’allégement de la dette multilatérale, le taux d’endettement des pays membre de l’UEMOA a drastiquement baissé. Si les pays membre peuvent manipuler leur PIB pour diminuer le taux d’endettement, n’est-il pas plus sage de revoir ce seuil maximal de 70 % à la baisse ?

Cette évolution de la dette provient de la mainmise du FMI et de la Banque mondiale sur l’économie sénégalaise. Ces institutions multilatérales financent les réformes qu’elles imposent tout en exigeant un remboursement intégral des prêts. Or, ces réformes creusent l’endettement, ce qui augmente l’endettement multilatéral du pays. Malgré tout cela, nos dirigeants font toujours confiance à ces institutions de Bretton Woods pour le modèle économique imposé.

En conclusion

Selon l’étude des institutions de Bretton Woods, la dette extérieure totale des pays à revenu faible et intermédiaire a augmenté de 10 % en 2017 pour atteindre 7,1 billions de dollars, un rythme d’accumulation de dette plus rapide que l’augmentation de 4 % en 2016. Cette augmentation est due à des entrées nettes de dette de 607 milliards de dollars. Parmi les pays à revenu faible et intermédiaire, 31 % avaient un ratio dette extérieure/RNB supérieur à 60 % fin 2017, soit le double du nombre de pays ayant un ratio comparable à fin 2008, dont 11 pays où le ratio était supérieur à 100 %.

Lorsque la dette dépasse un niveau critique, elle devient un fardeau et exerce une pression négative sur l’investissement et la croissance. Plutôt que de s’endetter pour croître, les pays surendettés comme la plupart des pays africains doivent renoncer à la croissance pour rembourser leurs dettes. Une fois cette dette remboursée, nous serons économiquement libres de choisir un modèle économique adéquat à nos réalités.

Comme de nombreux pays en développement, le Sénégal a été confronté à une grave crise de la dette extérieure, qui a conduit les autorités à signer 13 accords de réaménagement de la dette avec les créanciers du Club de Paris entre 1981 et 2000. Au lendemain de cette crise, les initiatives prises par la communauté internationale au cours des années 2000, notamment l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et l’Initiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM), ont permis au Sénégal de bénéficier de plusieurs centaines de milliards de francs CFA de remise de dette.

En Afrique, l’endettement ne nous développera jamais, car nos dirigeants ne sont pas intègres et la corruption bat son plein. Tant que nous ne nous attaquerons pas au problème d’intégrité, peu importe le nombre de milliards dont nous bénéficierons, nous serons toujours pauvres.

Mohamed Dia / Dakaractu/