Comment une fausse «gendarmette» a dépouillé des gendarmes, militaires, un policier de la Bip, un riche commerçant…

 

Les gendarmes de la brigade de Keur Massar viennent de signer un exploit à la dimension des prouesses délictuelles d’une divorcée qui, passant pour une gendarmette, a dépouillé plusieurs gendarmes, militaires, policiers, richissimes commerçants et autres chauffeurs. Elle a été cueillie avant-hier à Pire par les pandores de Keur Massar. Récit d’une abracadabrante épopée.

Avant-hier samedi, il est environ 18 heures, lorsque des éléments opérationnels de la brigade de gendarmerie de Keur Massar effectuent une descente inopinée dans la commune de Pire. Le dispositif dépêché renseigne sur le caractère dangereux de la cible et sur l’ampleur du préjudice causé. Pour une bonne coordination de l’action sur le terrain, le commandant Boubacar Diémé de Keur-Massar et son collègue Abdoulaye Diallo de Tivaouane, effectuent un rapide briefing de mise à jour.

Le film de l’arrestation de la mise en cause à Pire

La cible est désormais formellement identifiée sous le nom d’Adiara Ndiaye à l’état civil, alias Adama Ndiaye, jeune fille de taille moyenne à la frappante noirceur d’ébène. Mieux, elle est cette fois localisée avec précision dans une maison tenue secrète, où elle avait été gracieusement hébergée par une nième potentielle victime. Au terme de ce briefing, la messe est dite et l’assaut est donné. Adiara Ndiaye est prise de court dans une chambre, son interpellation se passe sans anicroche. Quelques minutes après, les éléments opérationnels de Keur-Massar qui ont perquisitionné les lieux, ressortent avec leur cible et près de cent mille trouvés par devers elle. Les menottes bien vissées, elle est précipitée dans le véhicule des gendarmes qui démarrent en trombe. N’eut été cette prompte intervention des hommes du major B. Diémé, la fausse gendarmette Adiara Ndiaye allait poursuivre sa razzia. En atteste cet autre rendez-vous qu’elle avait ficelé depuis Pire, avec une autre potentielle victime établie à Dakar.

Son audition dans les locaux de la brigade de Keur Massar, a permis d’établir une chronologie de ses faits d’armes. Adiara Ndiaye qui ne manque pas d’audace et d’ingéniosité, était parvenue à dépouiller plusieurs victimes, dont des militaires, gendarmes, policiers, artistes, chauffeurs, riches commerçants…, en se faisant passer pour une gendarmette. À cause du nombre impressionnant de ses forfaits, elle était activement recherchée par les commissariats des Parcelles assainies de Dakar, la brigade de gendarmerie de Ouakam, la Section de recherches de Colobane, la légion de la gendarmerie d’intervention, la brigade de gendarmerie de Keur-Massar…, assaillis de plaintes.

Le subtil modus operandi qui a fait mouche

La poursuite de l’enquête a permis de savoir que Adiara Ndiaye est divorcée et mère de 3 enfants. Contractant une grossesse après son divorce et abandonnée des siens, elle se prostituera pour survivre et payer ses frais médicaux. Elle va perdre ce 4e enfants, «mort à la naissance à Tivaouane», confie-t-elle. Déjà plongée dans cet engrenage, Adiara Ndiaye qui était sans profession, va choisir de se refaire une santé financière en usant de moyens peu orthodoxes. Elle signe ses débuts délictuels en grugeant des hommes qu’elle dépouille après avoir couché avec eux. Puis, elle revoit à la hausse ses ambitions et jette principalement son dévolu sur les hommes de tenue, les riches commerçants et autres artistes… Son modus operandi est des plus simples : passant pour une gendarmette, avec la tenue qui lui va à ravir,  elle aborde ses victimes, entretient une conversation tout en charmant sa proie, histoire de l’attirer dans l’intimité d’une pièce. Là, après une partie de jambe en l’air, Adiara s’arrange pour dépouiller sa victime, soit en la droguant ou en la poussant à s’absenter momentanément.

Les faits d’armes de la fausse gendarmette

La dernière victime de cette native de Thiès (ville qu’elle a désertée depuis 2 ans) est le chauffeur El H. Ndiaye qui dessert l’axe Dakar-Kaolack. Adiara qui a fait sa connaissance sur cet axe routier, l’a subtilement abordé, avant de l’attirer à l’auberge chez Patrick sis à Keur Massar où habituée des lieux, la dame est abonnée à une chambre. Après une journée de chaudes intimités, Adiara qui avait planifié son coup, sert une boisson à son hôte, lequel va plonger dans les bras de Morphée. Alors qu’il ronflait à pleins poumons, il est dépouillé de sa recette du jour (50 000 FCfa) par la jeune dame qui s’est empressée de vider les lieux. Au réveil, le chauffeur qui n’en revenait pas saisira le commandant Boubacar Diémé de Keur-Massar, d’une plainte. Il dresse un portrait-robot de la jeune dame et  livre son contact. Il précise avoir été ferré par la jeune dame qui lui avait dit être une gendarmette, lui  montrant même des photos d’elle en tenue de gendarme stockées dans son téléphone. Le major Diémé qui a saisi les opérateurs téléphoniques de la place d’une réquisition, apprend, à sa grande surprise, que le numéro ciblé fait l’objet de plusieurs recherches par différents commissariats et brigades de gendarmerie.

Parmi les victimes connues, des gendarmes, dont l’un officie à la brigade de Ouakam. Après une partie de jambes en l’air, le pandore va laisser son hôte dans la chambre, le temps de faire les cent pas. À son retour, celle-ci avait disparu avec sa tenue, sa carte professionnelle, ses effets vestimentaires et une certaine somme d’argent. Des policiers ont également été grugés par la fausse gendarmette. Au nombre des limiers dépouillés, figure un élément de la Brigade d’intervention polyvalente (Bip) qui avait conduit Adiara chez lui. Après avoir entretenu des rapports sexuels avec elle, le policier a lui aussi, commis l’imprudence de laisser son invitée seule dans sa chambre. À son retour, lui aussi manque de tomber des nues en découvrant que son hôte avait emporté ses effets vestimentaires, la somme de 430 000 FCfa, ses chaussures… Le policier de la Bip va d’ailleurs porter plainte au commissariat des Parcelles Assainies. Adiara qui était aussi parvenue à réserver le même traitement à des militaires, élargit son champ d’action aux commerçants nantis. L’une de ses victimes tient un commerce d’appareils électroniques à Grand-Yoff. Usant du même mode opératoire, Adiara s’est présentée à ce commerçant sous la casquette de gendarmette nouvellement affectée à la brigade de Ouakam. Pour le ferrer, elle lui montre des photos d’elle en tenue. Le commerçant qui mord à l’hameçon la conduit chez lui et lui demande de faire comme chez elle. Après avoir couché avec elle, le commerçant l’abandonne sur place, fait un tour dans son commerce. À son retour, il remarque que la fausse gendarmette avait vidé les lieux avec un lot de téléphones portables, des vêtements et la somme de 1 200 000 FCfa. Celui-ci va porter plainte à la gendarmerie de Ouakam où il lui sera indiqué que la jeune dame est recherchée pour avoir fait une victime similaire chez eux.

La brigade de Keur-Massar prise d’assaut par des victimes

Mise devant tous ses faits d’arme, Adiara Ndiaye ne nie l’évidence, assure n’avoir jamais servi sous les drapeaux et avoue avoir volé les uniformes. Informée de son placement en garde à vue, les victimes se bousculent à la brigade de Keur-Massar où le commandant Boubacar Diémé est assailli par des plaintes contre la fausse gendarmette. Adiara Ndiaye devrait être déféré très prochainement, pour usurpation d’identité et de fonction, administration de substances nuisibles à la santé, vol de numéraires, d’effets vestimentaires, défaut d’inscription au fichier sanitaire.

Abdoulaye DIEDHIOU / Igfm