Conséquences du déboisement à Goudiry: le département est à un seuil critique.

 

Il y a quelques mois, je me suis rendu dans certaines localités du département et je n’ai rencontré aucun animal, aucun oiseau. La plupart des arbres tels que le fromager, le Dimb, le rônier etc. étaient devenus très rares, à tel point que je me posais la question de savoir si c’était toujours la même brousse. L’action de l’homme avait entamé la brousse (feux de brousse, incendies, coupe abusive du bois), et la nature avait fait le reste. C’était dans l’ensemble la désolation.

Le Département de Goudiry, est à un seuil critique quant aux conséquences du déboisement dans la mesure où les populations disent : « La brousse est finie » « Ladde Gassi ». Pour les populations, cette « fin » de la brousse s’observe à partir des espèces végétales et animales disparues. Un homme âgé de 70 ans environ, témoigne ainsi : « Avant, la brousse était touffue et la forêt était dense, difficile à pénétrer. On ne coupait que du bois mort. Il y avait beaucoup d’animaux sauvages. Aujourd’hui, est-ce que les enfants connaissent le cri du lion ou de l’hyène ? ».

En zone rurale comme dans la commune la source d’énergie principale reste le bois qui est utilisé pour la préparation des aliments mais surtout du charbon de bois où le département de Goudiry est devenu une plate tournante.

Les coupeurs d’arbres ont plusieurs manières de les abattre et de les transporter pour la vente. Nous ont été citées les méthodes qui consistent à faire un trou dans le tronc de l’arbre pour qu’il crève plus tard ou encore à passer au feu le bois vert afin de laisser croire à l’agent forestier qu’il provient d’un nouveau champ défriché. Une autre stratégie est de camoufler les instruments de coupe du bois dès qu’on entend le bruit de la moto de l’agent forestier et de jouer au passant. Pour les stratégies de transport du bois, la circulation se fait la nuit entre 2 h et 3h du matin ou bien dans la journée à 13 h, heure où l’agent forestier est descendu de travail.

Le surpâturage et la divagation des animaux font partie des méthodes pastorales dans les villages. Les animaux ne connaissent l’enclos qu’en hivernage. Et, parce que les feux de brousse ont incendié la nature en saison sèche, les éleveurs sont contraints de défolier les arbres pour nourrir leurs bêtes. A cause de cette même divagation des animaux, les femmes et les hommes font des palissades de bois pour protéger leurs jardins potagers ainsi que leurs champs. Les palissades de bois sont renouvelées chaque année.

Dans l’organisation sociale traditionnelle du Boundou l’activité de collecte de bois était réservée uniquement aux femmes qui avaient la charge des préparations culinaires. Le phénomène du déboisement massif a créé un changement dans la structure sociale faisant de la recherche du bois une activité des hommes et les moyens employés sont devenus plus performants.

Le Boundou présentera un visage du Sahara dans quelques décennies, si rien n’est vraiment entrepris pour endiguer les fléaux liés à l’action humaine. En effet, l’on sait, qu’il y a 30 ou 40 ans, le Boundou était une zone très humide, verdoyante, habitée par des panthères, des lions, des hyènes, des lièvres, des pintades etc. Ainsi, si l’on considère le relief d’il y a quelques années et son relief actuel, on tremble devant l’action destructrice, assassine de l’homme sur notre terroir. En effet, la détérioration de l’environnement dans le Boundou est entamée et ne pourrait pas s’arrêter étant donné les grandes questions que soulève sa protection. Oui, nous plantons des centaines de milliers d’arbres pendant la saison pluvieuse, mais un an après, il faut reconnaitre que plus des ¾ meurent, faute d’entretien et de suivi (les feux de brousse, les animaux en divagation, la saison sèche très longue). Alors, il faut reconnaître qu’ici, il y a beaucoup à faire. Je pense qu’avant de planter des arbres dans une zone, il faut y construire quelques puits et engager des jeunes pour les arroser. L’emploi de ces jeunes diminuerait le chômage qui sévit aujourd’hui au niveau de notre jeunesse. Éviter ainsi une œuvre de Sisyphe c’est-à-dire une œuvre en perpétuel recommencement.

Je persiste à croire que notre Boundou, devenu pratiquement désertique, ne doit pas tolérer des industries de bois verts dans aucune de nos communes. Dans la seule commune de Goudiry on y dénombre une vingtaine de scieries ravitaillées en troncs par des étrangers venus utiliser une autre forme de terrorisme (le terrorisme écologique) sur notre terroir. Je propose la suppression totale de la livraison de tous les permis de coupe de bois vert pendant cinq ans; l’installation de Brigades de surveillance dans les 15 communes ; multiplier autant que possible le nombre de forêts classées dans toutes les communes. (Une commune, plusieurs forêts classées).

Il s’avère nécessaire et indispensable d’augmenter le nombre d’agents dans la commune de Goudiry et d’en installer d’autres dans les autres communes du Département; maintenir l’interdiction des feux de brousse; poursuivre la lutte contre la divagation des animaux ; accueillir des projets de fabrication d’aliments pour le bétail. Le réel reboisement du département ne peut être réalisé qu’à ce prix.

On ne peut que s’inquiéter à l’idée des conséquences de telles pratiques, ainsi que l’insinue Schumacher : «Étudiez quel traitement une société fait subir à sa terre, et vous arriverez à des conclusions relativement dignes de foi quant à l’avenir qu’elle se réserve».

Boubou Barro / www.tambacounda.info /