Coronavirus: Le bilan explose, des têtes tombent

 

Le bilan des décès et des contaminations au coronavirus a connu jeudi une forte hausse en Chine après l’adoption par les autorités chinoises d’une nouvelle méthode de détection des cas.

Ces nouveaux chiffres pourraient alimenter les spéculations selon lesquelles la gravité de l’épidémie de pneumonie due au nouveau coronavirus, appelée officiellement Covid-19 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), pourrait avoir été sous-estimée.

La commission de la Santé de la province centrale du Hubei, épicentre de l’épidémie, a annoncé dans son bilan quotidien de jeudi 242 nouveaux décès. C’est de loin le chiffre le plus lourd enregistré en 24 heures depuis que la crise a débuté en décembre.

La commission a aussi indiqué que 14’840 nouveaux cas de contamination avaient été détectés dans le Hubei en 24 heures. Cela porte à près de 60’000 le total des contaminations dans l’ensemble de la Chine continentale.

Définition élargie

Ces fortes hausses sont dues à l’adoption d’une définition élargie des cas d’infection, a déclaré dans un communiqué la commission, qui comptabilise désormais les cas «diagnostiqués cliniquement». Cela signifie qu’une radio pulmonaire peut être considérée comme suffisante pour diagnostiquer l’infection au virus, plutôt que les tests standard à l’acide nucléique.

Ce développement intervient alors que le président chinois Xi Jinping s’était montré relativement optimiste mercredi. «Par un travail acharné, l’épidémie connaît une évolution positive et le travail de contrôle et de prévention est parvenu à des résultats positifs. Cela n’a pas été facile», a déclaré Xi Jinping lors d’une réunion de l’instance dirigeante du Parti communiste (PCC). Le nombre quotidien de morts avait enregistré mercredi sa première baisse depuis le 2 février, à 97.

Le numéro un de la province chinoise du Hubei, berceau de l’épidémie de pneumonie virale Covid-19, a été démis de ses fonctions, a annoncé jeudi l’agence de presse Chine nouvelle. Jiang Chaoliang (photo), secrétaire du Parti communiste chinois (PCC) pour la province située dans le centre du pays, a été remplacé par le maire de Shanghai, Ying Yong, a précisé le média officiel.

Les têtes ont commencé à tomber en début de semaine au Hubei, à la suite de vives critiques dans l’opinion publique au sujet de la gestion de la crise. Les deux principaux responsables de la Commission provinciale (ministère) de la Santé ont ainsi déjà été remplacés.

«Extrême prudence»

À Genève, l’OMS a tempéré l’optimisme de Pékin. Michael Ryan, chef du département des urgences sanitaires de l’OMS, a déclaré: «Je pense qu’il est aujourd’hui beaucoup trop tôt pour tenter de prédire le commencement, le milieu ou la fin de cette épidémie».

Le chef de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a renchéri, préconisant «une extrême prudence». «Cette épidémie peut aller dans n’importe quelle direction», a-t-il affirmé. L’ambassadeur chinois à l’ONU, Zhang Jun, a toutefois assuré que la Chine faisait face à l’épidémie avec «ouverture, transparence et responsabilité». Le diplomate a défendu les mesures de prévention et de contrôle «rigoureuses» adoptées par les autorités chinoises.

Pour l’instant, 99,9% des décès enregistrés dans le monde l’ont été en Chine continentale (hors Hong Kong et Macao), où est apparue la maladie en décembre dans la grande ville de Wuhan, capitale de la province de Hubei. En dehors de Chine continentale, le virus n’a entraîné la mort que de deux personnes, une aux Philippines et une autre à Hong Kong. Il s’agissait dans les deux cas de ressortissants chinois.

Au Japon, la situation s’est aggravée à bord du paquebot de croisière Diamond Princess, en quarantaine près de Yokohama. Le ministre japonais de la Santé, Katsunobu Kato, a annoncé jeudi 44 nouveaux cas positifs au nouveau coronavirus à bord du paquebot, d’après de nouveaux tests menés sur 221 personnes.

Cela porte à 218 le nombre total d’occupants du navire (passagers et membres d’équipage compris) ayant été infectés, sur plus de 3700 personnes initialement à bord, sans compter un officier de quarantaine également contaminé récemment.

«Répercussion négative»

Le coronavirus inquiète dans l’Union européenne, où des cas ont notamment été déclarés en Allemagne et en France. Les ministres européens de la Santé doivent se réunir jeudi à Bruxelles pour discuter du sujet. L’épidémie ou la crainte internationale d’une contamination a conduit mercredi les organisateurs du Salon mondial du mobile de Barcelone, la grand-messe annuelle de la profession, à annuler leur manifestation, prévue du 24 au 27 février.

«La préoccupation mondiale relative à l’épidémie de coronavirus, les inquiétudes sur les voyages et d’autres circonstances rendent impossibles l’organisation de cet événement», a plaidé l’Association mondiale des opérateurs télécoms (GSMA) qui l’organise. C’est un coup dur pour la deuxième ville d’Espagne: le salon devait attirer plus de 110’000 visiteurs et générer 492 millions d’euros (523,09 millions de francs) de retombées locales et plus de 14’000 emplois.

Plus tôt dans la journée, la Fédération internationale de l’automobile (FIA) avait annoncé le report à une date non précisée du Grand Prix de Chine de Formule 1, qui était prévu le 19 avril à Shanghai. La décision a été prise à la demande des organisateurs du Grand Prix et des autorités sportives chinoises.

Face à l’épidémie, plusieurs pays comme les États-Unis et l’Australie ont décidé ces dernières semaines de fermer leurs portes aux voyageurs venant de Chine continentale. L’administration chinoise de l’aviation civile (CAAC) a appelé mercredi ces États à lever ces restrictions, pointant leur «répercussion négative» sur le secteur aérien et l’économie mondiale, selon l’agence de presse officielle Chine nouvelle.

Wuhan, épicentre de l’épidémie, continue d’être coupée du monde depuis près de trois semaines. Un cordon sanitaire empêche les entrées et les sorties. Les produits alimentaires et médicaux peuvent cependant passer. Ailleurs en Chine, plusieurs métropoles imposent ou conseillent à leurs habitants de rester chez eux. Des banderoles et des messages diffusés par haut-parleur incitent à porter des masques et à se laver les mains.

L’économie nationale demeure largement paralysée, malgré une reprise timide du travail depuis le début de la semaine. Beaucoup d’étudiants suivent des cours en ligne et les employés sont incités à travailler à domicile. Craignant la perspective d’une rude chute de la croissance, le Premier ministre Li Keqiang a appelé mercredi à une «reprise ordonnée de l’activité et de la production» dans le pays, a indiqué Chine nouvelle.

«La Chine était différente»

Pour la directrice générale du Fonds monétaire international, l’impact de l’épidémie sur l’économie mondiale est difficile à prévoir en raison de la place de la Chine, deuxième puissance économique. «Il est trop tôt pour dire» quel sera l’impact sur la croissance mondiale, a déclaré Kristalina Georgieva sur la chaîne CNBC.

Elle a souligné que le scénario le plus probable était une forte baisse des activités économiques en Chine, suivie d’une reprise rapide et d’un impact mondial, in fine, relativement contenu. «C’est ce qu’il s’est passé durant la précédente épidémie» du Sras (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2002/2003. Dans un tel scénario, l’impact sur l’économie mondiale peut également être contenu.

Pour autant, la patronne du FMI a tempéré ses propos soulignant que le nouveau virus et le contexte dans lequel il sévit étaient différents. «La Chine était différente», en d’autres termes elle avait un poids moins important dans l’économie mondiale. «Le monde était différent», a-t-elle poursuivi, ajoutant que le nouveau virus «affecte clairement plus durement» l’activité à un moment où «l’économie mondiale est quelque peu moins forte».

(nxp/ats/afp)