Le sexe ! Mais ils ne pensent donc qu’à ça ? (Par Amadou Tidiane WONE)

 

Le Premier Ministre du Canada rend visite au Sénégal.  Au vu du dynamisme de la coopération entre les deux pays, l’on se serait attendus à ce que les Unes des journaux sénégalais rivalisent d’ardeur pour étaler les performances des entreprises canadiennes. Qu’elles vantent la qualité du système éducatif canadien qui a produit plusieurs générations de cadres supérieurs sénégalais.  On aurait aimé saluer l’esprit d’ouverture du Premier Ministre Trudeau qui multiplie les signes d’ouverture fraternelle à l’endroit des minorités religieuses du Canada, notamment celle musulmane. On aurait pu, on aurait dû négocier vers la hausse le nombre de bourses d’exemption qui permettent à des étudiants sénégalais de bénéficier, au Québec, de tarifs préférentiels dans les universités. Et pourquoi pas étendre le même mécanisme aux autres provinces du Canada ? On aurait pu jeter les bases d’une négociation sur une politique hardie d’émigration concertée qui fournirait, au Canada, la main d’œuvre qualifiée dont elle a grand besoin avec un système de rotation des effectifs tel, qu’au bout de cinq ans le travailleur ayant acquis expérience et expertise puisse céder la place à d’autres qui seraient préparés à les remplacer. Avec le double avantage de ne pas priver nos pays de bras nécessaires, mais aussi de contribuer au développement économique du Canada. Il y’aurait tant d’autres sujets à aborder car, le Canada est un beau et grand pays où l’innovation est permanente.

Au lieu de cela et, certainement sous la pression de puissants lobbies qui avaient déjà annoncé la couleur,  le séjour de Monsieur Trudeau sera réduit, dans l’entendement populaire sénégalais, à une campagne de promotion des droits des homosexuels ! La réponse, apportée par le Président Macky Sall à son illustre hôte fera couler beaucoup d’encre à n’en pas douter. Parce qu’elle aurait pu être plus catégorique selon de larges secteurs de l’opinion publique sénégalaise. Mais enfin, elle a le mérite de poser un digue.  Il reste à la consolider !

L’envahissement du discours public des pays occidentaux par le sexe et la notion « d’orientation sexuelle » a quelque chose d’indécent pour des cultures et des traditions religieuses où la sexualité n’est pas sensée être étalée sur la place publique. Même  si les médias ont une fâcheuse tendance à nous assiéger de nouvelles macabres, lubriques et désolantes. Le Sénégal  médiatique n’est pas le Sénégal réel.  Il est une fabrication dont il faudra sonder les ressorts et démonter les mécanismes. En vérité,  il est temps d’aborder franchement les questions de fond liées au respect des différences culturelles et cultuelles. Et notons dés l’abord, une contradiction dans la démarche intellectuelle des pays occidentaux : lorsqu’il s’agit de croyance, notamment religieuse,  on nous dit cela doit rester strictement privé ! Mais inversement,  lorsqu’il s’agit de sexe, il faut en débattre à l’Assemblée Nationale, sur les plateau de télévision et de radios. Il y’a là comme un parti pris délibéré pour encanailler la société et flatter les bas instinctifs des humains dans leur dimension animale. Or, selon les croyances et les traditions, la sexualité ne se réduit pas à la dimension animale ! Elle est le prolongement de l’Amour dont la quintessence est d’ordre spirituel. Elle convoque pudeur et secret. Elle est le moment d’une intimité telle que l’on se croit seuls au monde ! une solitude propice à la reproduction de l’espèce humaine. Un miracle permanent si beau, si mystérieux.

Il faut le dire et en tirer toutes les conséquences : les pays occidentaux dits développés dérivent dangereusement. La vieille Europe a rayonné sur le monde à la faveur de la décadence d’autres aires de puissance. De l’Antiquité à nos jours, les forces économiques, politiques et sociales n’ont cessé d’être redistribuées. Apogées et décadences sont les moteurs de l’Histoire. Depuis les 18ème et 19ème siècles, l’Europe est à l’initiative.  

Elle s’est déployée dans les Amériques,  en Asie, en Afrique, en Océanie, aux Indes et en Orient. Le Portugal, l’Espagne, l’Angleterre,  l’Italie, la France, la Hollande pour citer les principaux pays colonialistes, ont dessiné la carte du monde contemporain à leur avantage exclusif. 

Puis, la décolonisation s’en est suivie bien des fois de manière sanglante… Toujours est-il que la vieille Europe et ses excroissances, notamment les USA, le Canada, l’Australie, et même Israël ( !) cherche à imposer ses valeurs de civilisation à toute l’Humanité sous prétexte qu’elles seraient universelles.  

Ce qui est plus que discutable ! Il est temps de mettre ces questions sur la table pour que l’on puisse parler de coopération et non plus de rapports asymétriques. 

Encore plus préoccupante est la déviation quasi pornographique de la civilisation du loisir qui inonde un monde où plusieurs nations vivent en deçà des seuils de bien-être compatibles avec la dignité humaine. Mais, la mondialisation et ses avatars ( NTIC, télévisions planétaires) ont brisé les frontières et imposent à l’Humanité un agenda global dont les objectifs véritables échappent aux regards. Il va falloir résister à ce rouleau compresseur ! 

Notre petit pays, le Sénégal, qui vit depuis plusieurs siècles un modèle islamique confrérique qui a su résister à la colonisation et se développe envers et contre tous les vents contraires, a son mot a dire. Un modèle à offrir en partage au monde à la condition de savoir défendre et illustrer notre héritage spirituel plurimillénaire.

A cet égard, lisons  Jacques Neyrinck, catholique pratiquant, professeur honoraire de l’École polytechnique fédérale de Lausanne  :

L’Occident s’efforce de convertir toutes les cultures à la mondialisation, au règne de l’argent, à la productivité, à la diffusion d’une sous-culture audiovisuelle à base de violence, de sexe, de convoitise pour les biens matériels, de refus de toute norme transcendante. La Chine, le Japon, la Thaïlande, les Philippines se sont laissés séduire. (…) La résistance (…) provient de l’Islam. (…) Cette résistance constitue peut-être une chance pour l’humanité face au polythéisme d’aujourd’hui qui est (le culte des choses suivantes) : l’argent, le pouvoir, la technique, le sexe, la violence, le bruit, la négation astucieuse ou brutale de toute spiritualité, de toute morale, de toute transcendance. Telles sont les idoles d’aujourd’hui.❞ in Peut-on vivre avec l’Islam, p.45

Les temps actuels commandent une réflexion urgente et profonde sur le devenir de l’Homme. Chef d’œuvre du Créateur,  il est destiné à taquiner les cîmes de l’intelligence.  Il a le potentiel pour séduire les anges et asservir les djinns.  Mais s’ils renonce à sa dimension spirituelle pour laisser prendre le dessus son animalité,  s’il n’a comme préoccupation que la satisfaction de ses bas instinctifs, alors même que l’Univers tout entier est à la portée de sa sagacité,  il passe à côté du Projet divin pour l’Homme… Sachons avoir l’esprit hors de la culotte. Là n’est point sa place !

 

Amadou Tidiane WONE