COVID-19 : le Liban rapatrie les siens y compris les Libanais d’Afrique

 

Suite à la propagation du nouveau coronavirus et la fermeture des aéroports dans plusieurs pays, le gouvernement libanais organise le retour volontaire de ses citoyens bloqués à l’étranger. La compagnie aérienne Middle East Airlines (MEA) est chargée de planifier les vols de rapatriement. La priorité est accordée aux personnes souffrant de problèmes de santé graves, aux personnes appartenant à la catégorie d’âge critique et aux familles. Ils sont plus de 20 000 Libanais à souhaiter rentrer au pays, parmi eux les Libanais d’Afrique.

Dimanche 5 avril. Il est 11h, heure de Beyrouth. Un vol de la compagnie aérienne libanaise Middle East Airlines (MEA) en provenance de Riyad, la capitale de l’Arabie saoudite, atterrit à l’Aéroport International de Beyrouth (AIB). A son bort plus de 70 passagers. C’est le premier de plusieurs vols de rapatriement d’expatriés libanais vivant à l’étranger.

Le sujet a créé une petite tension entre les courants politiques, fortement influencés par le confessionnalisme religieux (la référence à sa communauté religieuse). Nous sommes au Liban. Ici, les pouvoirs politiques sont répartis entre les confessions religieuses existantes : le Président de la République est toujours chrétien maronite, le Président de la Chambre (l’Assemblée nationale) est musulman, chiite et le Premier Ministre est musulman, sunnite. Avec une telle configuration, toute question fait l’objet d’un débat parfois houleux avec des connotations religieuses. Il est surtout difficile de trouver un consensus, même quand il s’agit d’une question sanitaire.

L’idée de rapatrier les Libanais de la diaspora serait par exemple celle du Président de la Chambre, Nabih Berry, musulman chiite. Sur les réseaux sociaux Nabih Berry est accusé de vouloir rapatrier des musulmans chiites se trouvant notamment en Afrique. Des médias locaux rapportent la passe d’arme entre lui, et le Premier ministre, le sunnite, Hassan Diab. Pour Nabih Berry, le gouvernement devrait « exercer tous les efforts possibles pour permettre leur retour au Liban dès que possible, tout en assurant également tout traitement et protection nécessaire aux libanais présents à l’étranger ». Sans rejeter la proposition, pour le Premier Ministre, le « dossier devrait être déféré pour conseil technique au comité national de lutte contre le coronavirus ».

Finalement, début avril, un consensus est trouvé. Le gouvernement libanais, à l’instar de plusieurs autres pays comme la France et les Etats-Unis, rapatriera ses citoyens qui le souhaitent. La compagnie aérienne libanaise Middle East Airlines (MEA) se chargera de l’opération. Pour Nassif Hitti,  le chef de la diplomatie: « Pour tous les citoyens se trouvant à l’étranger, le droit au retour est un droit national, légal et moral ». Il avertit toutefois que l’organisation de ces vols dépend aussi des autorisations des pays où se trouvent ces Libanais. Ceux qui souhaitent être rapatriés doivent aussi effectuer des tests de contrôle dans le pays dans lequel ils se trouvent. A leur arrivée à Beyrouth ils en effectueront d’autres.

La priorité est accordée aux personnes souffrant de problèmes de santé grave : diabète, cancer, maladie coronarienne, hypertension, asthme et maladie pulmonaire obstructive chronique. Sont concernées aussi les personnes appartenant à la catégorie d’âge critique et vulnérables. Ce sont les personnes de plus de 60 ans et de moins de 18 ans. La deuxième catégorie comprend les personnes ayant un statut social critique, les personnes qui ont quitté le Liban avec un visa temporaire ou de court séjour. Autre précision apportée par le gouvernement est celle liée au billet d’avion. Les candidats au retour au pays natal sont responsables de l’achat du billet d’avion sur la base du prix défini par la compagnie aérienne. Une fois tous ces critères établis et communiqués au public et surtout aux principaux concernés, le dimanche 5 avril, le vol ME425 est parti de Riyad, en Arabie saoudite et est arrivé à l’Aéroport International de Beyrouth (AIB) à 11h. D’autres vols ont atterri les 7 et 9 avril en provenance de plusieurs villes d’Europe, des pays du Golfe mais aussi d’Afrique: Lagos, Abidjan, Luanda, Kinshasa.

Les Libanais du Sénégal ne seraient pas concernés par ce rapatriement. Des sources contactées à Beyrouth indiquent n’avoir pas eu connaissance de plans de vols de rapatriement de Libanais vivant au Sénégal. Même si des médias comme L’Orient-Le jour signalent la contamination par le nouveau coronavirus de six ressortissants libanais au pays de la Teranga.

P.S.: Vingt-sept (27) Libanais ont été testés positifs au COVID-19 à leur arrivée à Beyrouth. Selon le site internet d’AlManar, la chaîne de télévision pro-Hezbollah, le Premier Ministre Hassan Diab prévient qu’en cas de « diagnostic de plus de 3% de personnes atteintes par le coronavirus COVID-19, l’opération de rapatriement pourrait être interrompue ». Au niveau des statistiques sur l’évolution de la pandémie au Liban, au 19 avril, le pays totalise 673 cas positifs, 99 guéris et 21 décès (source : https://www.ministryinfo.gov.lb/fr/48275).

Pierre Boubane, à Beyrouth (Liban) / www.tambacounda.info /